Haïti : enfants sacrifiés entre violences sexuelles et recrutements forcés

Mederson Alcindor

En 2024, Haïti est plongé dans une crise humanitaire sans précédent. Déjà fragilisé par des décennies de pauvreté et de gouvernance instable, le pays est désormais confronté à une violence d’une ampleur inouïe. Selon l’ONU, les violences sexuelles contre les enfants ont explosé de 1 000 % par rapport à 2023, exacerbées par la guerre des gangs qui contrôlent plus de 85 % de Port-au-Prince.

Les chiffres sont accablants : les agressions sexuelles envers les enfants ont été multipliées par dix en un an. L’UNICEF parle d’une “hausse stupéfiante”, les enfants devenant des cibles privilégiées des groupes armés. Ces gangs utilisent les plus jeunes comme instruments de leur guerre, leur infligeant des souffrances physiques et psychologiques insupportables. James Elder, porte-parole de l’UNICEF, dénonce cette tragédie en décrivant ces enfants comme de véritables champs de bataille, leurs corps sacrifiés à la violence des gangs.

Mais les violences sexuelles ne sont qu’un aspect du drame. Le recrutement forcé d’enfants par les gangs est un fléau grandissant. En 2024, leur nombre a augmenté de 70 %, et aujourd’hui, près de la moitié des membres des gangs sont des enfants, certains n’ayant même pas huit ans. Enlevés, manipulés ou poussés par la pauvreté, ces jeunes sont forcés de devenir combattants, mules pour la drogue ou instruments de terreur dans les quartiers.

Pris dans un cycle infernal de violence, ces enfants, eux-mêmes victimes, deviennent à leur tour des bourreaux, entraînés malgré eux dans cette spirale destructrice. Dans un Haïti en proie à une misère extrême, nombre d’entre eux n’ont d’autre choix que de céder aux promesses des gangs, qui leur offrent une illusion de protection et de pouvoir.

Une réponse internationale insuffisante

Face à cette situation catastrophique, la communauté internationale a mis en place la Mission multinationale d’appui à la sécurité (MMAS), dirigée par le Kenya. Mais l’initiative peine à contenir la crise. Sur les 2 500 policiers prévus, seulement 800 ont été déployés, et le financement reste largement insuffisant, avec seulement 110 millions de dollars collectés. Ces moyens dérisoires ne suffisent pas à stopper la montée en puissance des gangs.

Pendant ce temps, la violence continue de se propager, tandis que la police haïtienne, sous-équipée et dépassée, demeure impuissante. Dans de nombreuses régions du pays, l’État a quasiment disparu, plongeant Haïti dans un chaos total.

Vers une intervention plus musclée ?

Conscientes de l’urgence absolue, les autorités haïtiennes demandent que la MMAS soit transformée en une véritable force de maintien de la paix de l’ONU. Une telle mesure pourrait permettre une réponse plus forte et mieux adaptée aux défis posés par les gangs, et offrir une chance de stabilisation au pays.

L’avenir des enfants haïtiens n’a jamais été aussi sombre. Pris dans un conflit qu’ils n’ont pas choisi, ils sont les premières victimes d’une crise qui dépasse désormais les frontières d’Haïti.

 

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