Les trois conseillers du Conseil de Transition Présidentiel (CTP) n’ont plus rien à craindre. Non seulement ils bénéficient du soutien de leurs collègues co-présidents, mais la justice semble également leur être favorable.
La Cour d’appel de Port-au-Prince a rendu, ce mercredi 19 février 2025, son arrêt dans le cadre de l’affaire de la Banque Nationale de Crédit (BNC).
La Cour a annulé les mandats de comparution émis en décembre 2024 par le juge d’instruction Benjamin Félismé à l’encontre des trois conseillers présidentiels : Emmanuel Vertilaire, Smith Augustin et Louis Gérald Gilles. Cette décision a été prise en raison du statut de conseillers des trois présumés corrompus, selon les juges de la Cour d’appel, qui estiment que les conseillers présidentiels ne sont pas passibles devant les tribunaux ordinaires. Leur cas doit être soumis à “une juridiction spéciale”, écrivent les juges de la Cour d’appel de Port-au-Prince.
La Cour a estimé que les mandats émis par le juge Félismé ne respectaient pas les dispositions de la Constitution de 1987, qui prévoit une procédure spécifique pour juger les membres de l’Exécutif et autres hauts fonctionnaires accusés de fautes graves. Ces fonctionnaires relèvent de la compétence exclusive de la Haute Cour de Justice, une juridiction spéciale composée des membres du Sénat et présidée par le président de la Cour de cassation.
Ainsi, la Cour d’appel a ordonné au juge Félismé de poursuivre l’instruction de l’affaire tout en respectant les procédures constitutionnelles appropriées. Cette décision soulève des enjeux importants pour le système judiciaire haïtien, notamment en ce qui concerne l’indépendance de la justice et la lutte contre la corruption.
En parallèle, les mandats d’amener délivrés contre l’ex-président du conseil d’administration de la BNC, Pascal Raoul Pierre-Louis, et contre Lornick Léandre sont toujours maintenus. Pierre-Louis est inculpé de corruption active et de versement de pots-de-vin, tandis que Léandre est accusé de complicité dans ces faits, selon l’enquête de l’ULCC concernant le scandale de 100 millions de gourdes.
Des organisations de la société civile, dont le Réseau National de Défense des Droits Humains (RNDDH), ont exprimé leurs préoccupations à la suite de cette décision. Elles mettent en lumière les risques d’interférences politiques et insistent sur l’importance de garantir l’indépendance du système judiciaire. Le RNDDH a particulièrement dénoncé certaines actions du parquet près du tribunal de première instance de Port-au-Prince, qu’il qualifie de « scandaleuses ».
Pour l’avocat et homme politique André Michel, la décision de la cour d’appel ne constitue en rien une victoire pour les trois conseillers-présidents épinglés dans l’affaire de corruption de la Banque. “Emmanuel Vertilaire, Louis Gérald Gilles et Smith Augustin ont reçu un véritable cadeau empoisonné”, selon l’avocat militant. “La Cour d’Appel a reconnu la compétence du juge d’instruction. La Cour n’a pas annulé les mandats de comparution émis à l’encontre des 3 Conseillers-Présidents”, a clarifié Maître André Michel, ajoutant que “la Cour a seulement déclaré les mandats de comparution inopérants dans le cours de leur statut actuel de Conseiller-Président”.
Dans un message publié sur son compte X, anciennement Twitter, Maître André Michel pense que tôt ou tard, les présumés corrompus répondront des accusations portées contre eux. “Tout en reconnaissant la compétence du juge d’instruction, la Cour, quant à présent, accorde un sursis sur l’exécution des mandats de comparution émis contre les Conseillers-présidentiels qui devront comparaître au Cabinet d’instruction à la fin de leur statut actuel”, a conclu Maître André Michel.
Cette affaire illustre les défis majeurs du système judiciaire haïtien en matière de lutte contre la corruption et de respect des procédures constitutionnelles. Elle souligne également la nécessité de renforcer les institutions judiciaires pour garantir l’État de droit et la justice pour tous.
Il convient de souligner que le conseiller présidentiel Smith Augustin est accusé de faux et usage de faux, Emmanuel Vertilaire fait face à des charges de corruption passive, tandis que Louis Gérald Gilles est également accusé de faux et usage de faux dans le cadre de l’enquête menée par l’Unité de Lutte Contre la Corruption (ULCC) sur les allégations de corruption contre les trois conseillers présidentiels qui, jusqu’à présent, bénéficient du soutien de leurs collègues au CTP.