L’Instinct journalistique et la conscience humaine : Hommage à une grande journaliste

Emmanuel Paul
Emmanuel Paul - Journalist/ Storyteller

Quand j’ai entendu la nouvelle, mon instinct journalistique m’a dit d’écrire un article factuel. “Fais comme tout le monde. Écris un article factuel”, m’a-t-il dit. Mais ma conscience m’a dit autre chose. “Tout comme le médecin est interdit de faire des interventions chirurgicales sur les membres de sa famille, tu ne devrais pas écrire sur ta famille”, m’a-t-elle averti.

Après avoir entendu les deux parties, je dois avouer que j’avais un penchant pour mon instinct journalistique, jusqu’à ce que ma conscience me fasse un autre grand rappel. “Tu te souviens en 2014 ?”, m’a-t-elle demandé. “Quoi ?”, ai-je rétorqué. “Je vais te rappeler.”

En 2014, tu as été diagnostiqué d’un cancer en phase extrêmement avancée. Il n’y avait pas beaucoup d’espoir pour toi. “Seulement quelques jours après ton opération, Marie Lucie Bonhomme a fait le voyage d’Haïti pour venir te soutenir. Elle était venue avec son papa. Vous aviez mangé ensemble. Elle a lavé les ustensiles. Elle a passé la journée avec toi et ta famille. Pas une fois n’a-t-elle décidé de faire une exploitation journalistique de ta maladie.”

Mais comment pourrait-elle faire une exploitation journalistique alors que je n’étais personne ? Qui s’intéresserait à avoir de mes nouvelles ? “Elle n’avait rien à gagner en faisant une annonce publique de ma maladie”, ai-je essayé d’argumenter.

Sur ce point, je semblais avoir raison sur ma conscience. Mais ce n’était pas fini. Elle a continué de m’interroger. “Lorsque MLB est venue te voir, a-t-elle demandé à prendre ta photo ?”, m’a-t-elle demandé. “Non”, ai-je répondu.

Elle aurait pu demander à prendre des photos avec toi et les publier sur les réseaux sociaux pour attirer la sympathie des autres. Mais elle ne l’avait pas fait. Tout ce qu’elle voulait, c’était passer du temps avec toi, te soutenir. “Donc, tu es maintenant dans l’obligation de lui témoigner un peu de respect”, a dit ma conscience.

“Mais qu’y a-t-il de mal à écrire sur quelque chose que beaucoup d’autres ont déjà annoncé ?”, ai-je rétorqué.

“Mais écoute, Monsieur : pour elle, tu n’es pas tout le monde. Tu es un membre de sa famille”, m’a-t-elle brutalement rappelé.

C’est alors que j’ai réalisé que ma conscience avait raison.

Après cette conversation brutale avec ma conscience, j’étais plongé dans une grande rétrospection.

Je me souviens lorsque j’ai intégré la rédaction de Radio Vision 2000. J’étais juste un égaré. Un jeune qui croyait avoir un talent que je n’avais pas encore. Même pas le T. Mais Marie Lucie et Valery Numa avaient vu quelque chose que personne d’autre n’avait vue. Je n’avais que la volonté et une lueur de talent.

Ensemble, ils ont développé en moi quelque chose d’extraordinaire. Ils m’avaient aidé à faire fleurir un grand fruit qui n’avait qu’une mince racine. Beaucoup d’autres personnes auraient facilement pu tuer ce brin de talent. Mais Marie Lucie, Valery et d’autres collègues l’ont fait fleurir au point qu’aujourd’hui, je peux oser. Je peux interviewer certaines des personnalités mondiales les plus importantes.

J’aurais donc beaucoup à écrire sur Marie Lucie. Je pourrais faire de même pour Valery. Mais je vous épargne de longues lignes.

Je me souviens lorsque Valery Numa est allé voir Léopold Berlanger en personne pour demander une augmentation pour moi. Lorsque Léopold a refusé sa demande, il a consacré tout un segment de l’émission Vision 2000 à l’écoute pour vendre un talent que je n’avais pas encore.

Je me souviens du 12 janvier 2010, le jour du tremblement de terre dévastateur, lorsque Valery m’avait donné 500 dollars américains. Il avait décidé de partager avec moi un prix qui lui avait été octroyé par SOS Journaliste.

J’aurais pu raconter d’autres histoires beaucoup plus intéressantes sur Marie Lucie et d’autres membres de la grande famille de Radio Vision 2000. Mais je vais en rester là.

Par ces lignes, je voudrais rendre un vibrant hommage à une journaliste exceptionnelle, une humaniste qui, aujourd’hui, est plus qu’une simple collègue : une membre de la famille.

Beaucoup d’entre vous qui lisez ce texte pourraient se demander comment rendre hommage à une personne lorsque tu consacres la majorité du texte à parler de toi. La réponse est simple : pour comprendre certaines héroïnes, il faut parler des gens ordinaires qu’elles ont aidés à extraire quelque chose qui, dans d’autres circonstances, ne se serait pas développé.

Bon rétablissement, Direk MLB.
Emmanuel Paul

 

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