De mai 2023 à avril 2024, les autorités américaines ont refoulé près de 660 000 individus, en grande majorité ayant traversé la frontière sud-ouest des États-Unis, selon une publication du Wall Street Journal. Le nombre de migrants illégaux passant par les points chauds a considérablement diminué. Au début de l’année 2024, on en comptait près de 250 000 par mois contre 56 000 en juillet dernier.
Le durcissement des règles relatives aux demandes d’asile à partir de la ligne frontalière entre le Mexique et les États-Unis semble produire les effets escomptés par l’administration Biden, confrontée à de sévères critiques de la part des républicains. Si l’application des restrictions apporte une bouffée d’oxygène au camp démocrate en pleine campagne, il serait légitime de se demander combien de migrants qualifiés pour une demande d’asile se trouvent injustement bloqués dans leur course à la recherche d’une vie meilleure sur le sol américain.
Combattre l’immigration illégale “inside and outside the border”
Le Brésil, une des plaques tournantes de l’immigration illégale vers les États-Unis, a renforcé sa vigilance en matière de politique migratoire en début de semaine. Une lecture entre les lignes nous porte à « déduire » que, selon toute vraisemblance, l’objectif est de freiner, sinon réduire, le flux d’immigrants illégaux transitant par son territoire pour enfin atteindre l’Amérique de Joe Biden. C’est le bureau de presse du ministère de la Justice du Brésil qui l’a annoncé : des restrictions à l’entrée seront désormais appliquées pour certains citoyens étrangers arrivés du continent asiatique. Cette mesure se justifierait par le fait que de « nombreux migrants se paient fort souvent des vols faisant escale à l’aéroport de Guarulhos, profitent de leur arrêt temporaire pour s’orienter vers les États-Unis », détaille un rapport signé par Marinho da Silva Rezende, enquêteur de la police fédérale. À partir du lundi 26 août, la détention d’un visa brésilien sera obligatoire pour les voyageurs ciblés par cette mesure, qu’il s’agisse d’une escale ou non sur le plus grand territoire de l’Amérique latine.
Immigrants, entre l’enclume et le marteau ?
L’immigration a toujours été un véritable défi tant pour les autorités américaines, aux regards divergents sur la politique migratoire des États-Unis, que pour les immigrants, qu’ils soient dotés d’un statut légal ou illégal. Les nombreuses législations adoptées en la matière n’ont pas servi à résoudre efficacement les problèmes y relatifs. Le ministère américain de la Sécurité intérieure a, le 19 août dernier, annoncé la mise en œuvre du « Keeping Families Together », en vertu de laquelle de nombreux conjoints sans statut légal pourraient demander ce qu’on appelle une « libération conditionnelle sur place », leur offrant par conséquent la permission de rester aux États-Unis, d’avoir accès à une carte verte et éventuellement de s’engager sur la voie de la citoyenneté. « Une aubaine », diraient les concernés, dans un contexte de menaces répétitives de déportations massives proférées comme un refrain par Donald Trump, dans la perspective d’un second mandat à la Maison-Blanche.
Par l’application de cette mesure, l’administration Biden entend éliminer « des obstacles injustifiés pour ceux qui, selon le ministère de la Sécurité intérieure, seraient admissibles à vivre et travailler légalement aux États-Unis ». Elle cible spécifiquement certains étrangers, y compris leurs enfants et conjoints de citoyens américains. Une telle démarche rapporterait au moins 290 000 000 de dollars à l’économie américaine. Si pour les initiateurs du « Keeping Families Together », il s’agit de réduire la pression sur les ressources limitées du gouvernement américain et de renforcer la sécurité nationale, en réduisant la pression des migrants sur les zones frontalières, pas moins de 16 États dirigés par des républicains y voient une pierre d’achoppement pour leur pays qui héberge légalement ou illégalement près de 46 millions d’immigrants (réf : Pew Research Center). À l’unisson, ils dénoncent à tort et à travers ce qu’ils appellent un plan personnel du président qui, selon eux, chercherait à contourner les prescriptions légales. L’affaire est déjà soumise à l’appréciation des autorités judiciaires du Texas. Si le ministère de la Sécurité intérieure n’a aucune contrainte en ce qui a trait à la réception des candidatures, il se voit obligé de s’abstenir de les approuver, selon ce que réclame une ordonnance.
Le Service de l’immigration et de la citoyenneté américaine, connu sous le sigle « USCIS », confronté à des défis majeurs, se bat tant bien que mal pour respecter les délais statutaires et réduire l’arriéré de demandes d’asile affirmatives. Dans un rapport d’une trentaine de pages publié le 3 juillet de l’année en cours, les responsables de « l’USCIS » avouent n’avoir pas eu l’opportunité de finaliser les demandes d’asile agréées dans le délai imparti. Sur près d’un million de dossiers, près de 786 000 dits positifs attendent une décision. Cette situation résulte du fait que l’institution éprouve des contraintes budgétaires qui la poussent à grapiller notamment dans les frais de dossiers pour tenter de compenser ses faiblesses financières.
Entre-temps, au Sénat américain, règnent chantage politique et marronnage
Noyé dans les débats qui alimentent la campagne électorale des camps démocrate et républicain, un projet de loi agonise dans les tiroirs du Sénat. Des sénateurs républicains pro-Trump, épaulés par six démocrates, entravent le cheminement du document qui, selon le ministère de la Sécurité intérieure, devrait fournir assez de ressources pour permettre à l’organisme chargé de l’immigration et de la citoyenneté américaine de regagner sa vigueur. Dans l’éventualité de l’adoption de ce projet de loi tel que soumis, il prévoit, en plus de ceux déjà en fonction, plus de 4 300 agents et 100 juges d’immigration supplémentaires.
Dans ce climat d’agitations politiques ponctuées par des crimes à répétition commis par des migrants illégaux sur le sol américain, les républicains, notamment ceux les plus réticents aux sujets relatifs à l’immigration, trouvent de quoi huiler leur stratégie de campagne au grand risque de pénaliser à tort de nombreux immigrants qualifiés dont les demandes se trouvent encore coincées dans une interminable impasse.
Robenson Sanon
Journaliste