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52% des électeurs républicains croient que les Haïtiens mangent des animaux domestiques à Springfield, selon YouGov

Emmanuel Paul
Emmanuel Paul - Journalist/ Storyteller

Un nouveau sondage révèle que plus de la moitié des partisans de Donald Trump croient en une affirmation non prouvée selon laquelle des immigrants haïtiens voleraient et consommeraient des animaux domestiques à Springfield, dans l’Ohio.

Cette statistique choquante provient d’un sondage YouGov réalisé entre le 11 et le 12 septembre, reflétant la profonde polarisation de l’électorat américain concernant l’immigration.
Ce sondage fait suite aux remarques de l’ancien président Donald Trump lors de son débat avec la vice-présidente Kamala Harris, où il avait déclaré : “À Springfield, ils mangent les chiens — les gens qui sont arrivés. Ils mangent les chats. Ils mangent les animaux des gens qui vivent là, et c’est ce qui se passe dans notre pays, et c’est une honte.”

Ces commentaires, faits sans preuve, ont suscité l’indignation et la confusion. Bien qu’ils aient été démentis par les autorités locales, ils ont semé la peur et la désinformation dans certains cercles politiques.
Selon le sondage YouGov, 52 % des personnes susceptibles de voter pour Trump en 2024 pensent que les accusations sont “certainement” ou “probablement” vraies, tandis que 25 % seulement pensent qu’elles sont fausses. Vingt-quatre pour cent supplémentaires restent incertains. En revanche, la grande majorité des électeurs probables de Harris (88 %) rejettent les accusations mensongères, et seulement 4 % les considèrent comme potentiellement vraies.
Les républicains inscrits montrent également un degré élevé de croyance dans cette allégation sans fondement, avec 46 % qui la considèrent comme probablement vraie, 29 % qui la croient fausse, et 24 % qui sont indécis.

Chez les démocrates, seuls 8 % croient que l’allégation pourrait être vraie, tandis que 81 % la rejettent d’emblée.
Au total, le sondage révèle que 26 % des 1 120 citoyens américains adultes interrogés croient en cette affirmation, tandis que 54 % la rejettent et 20 % restent incertains. La marge d’erreur du sondage est de ±3,8 %.
L’origine de cette rumeur infondée remonte à un message posté sur Facebook par Erika Lee, une habitante de Springfield, dans l’Ohio. Sur les réseaux sociaux, Mme Lee a affirmé que le chat de sa voisine avait disparu, et des soupçons pesaient sur les immigrants haïtiens vivant à proximité. Le message a rapidement gagné en popularité, entraînant une vague de spéculations et de peur. Toutefois, Mme Lee a admis plus tard à NBC News qu’elle ne disposait d’aucune preuve directe pour étayer son accusation. La voisine, Kimberly Newton, aurait reçu l’information d’une tierce personne, ce qui a encore brouillé les pistes de cette rumeur sans fondement.
Mme Lee a regretté la situation, déclarant à la chaîne NBC : “Cela a dégénéré en quelque chose que je ne voulais pas qu’il arrive.” Défendant ses intentions, elle a ajouté : “Je ne suis pas raciste”, précisant que sa fille est métisse et membre de la communauté LGBTQ+. “Tout le monde semble en faire une affaire de racisme, et ce n’était pas mon intention”, a-t-elle ajouté.

Malgré l’aveu et la clarification de Lee, le mal était déjà fait. La rumeur a continué à prendre de l’ampleur, alimentée par des personnalités politiques et des plateformes de médias en ligne.
Les commentaires de l’ancien président Trump lors du débat n’ont pas été le seul cas où la rumeur sans fondement a été amplifiée. JD Vance, sénateur républicain de l’Ohio et colistier de M. Trump, s’est fait l’écho de cette fausse affirmation lors d’une interview accordée à CNN, attisant ainsi les flammes de la désinformation. Le sénateur junior républicain affirme n’avoir aucun problème pour “créer de fausses histoires” pourvu qu’elles aient la potentialité d’attirer l’attention du peuple américain.

“Les médias américains ont totalement ignoré cette affaire jusqu’à ce que Donald Trump et moi commencions à parler de mèmes de chats. Si je dois créer des histoires pour que les médias américains prêtent attention à la souffrance du peuple américain, c’est ce que je vais faire”, a déclaré M. Vance à l’animatrice de CNN, Dana Bash.
Cette dernière a insisté sur cette déclaration, soulignant qu’il venait d’admettre qu’il avait fabriqué le récit. M. Vance a répondu que son objectif était d’attirer l’attention sur la question plus générale de l’immigration, et non sur l’exactitude des affirmations. “Il s’agit de témoignages de première main de mes électeurs. Je dis que nous créons une histoire, c’est-à-dire que nous faisons en sorte que les médias américains s’y intéressent. Je n’ai pas créé les 20 000 migrants illégaux qui arrivent à Springfield grâce à la politique de Kamala Harris. Ce sont ses politiques qui l’ont fait”, a ajouté M. Vance.
Ces remarques soulignent la façon dont les personnalités politiques peuvent utiliser de faux récits pour détourner l’attention vers des agendas politiques plus larges, même lorsque les affirmations initiales ne reposent sur aucune base factuelle.

Impact sur la communauté haïtienne

Pour les immigrants haïtiens résidant à Springfield, la propagation de ces rumeurs a eu un impact significatif sur leur vie quotidienne. La ville, située dans le comté de Clark, compte entre 12 000 et 15 000 immigrants, dont des Haïtiens qui y résident légalement dans le cadre d’un programme américain de libération conditionnelle et du statut de protection temporaire (TPS). Le programme de libération conditionnelle permet aux citoyens américains et aux résidents légaux de parrainer des membres de leur famille originaires d’Haïti pour qu’ils les rejoignent aux États-Unis. Pour de nombreux membres de la communauté haïtienne, ces rumeurs ont suscité une attention malvenue, de la suspicion et même de la peur. Plusieurs écoles et d’autres institutions de la zone ont dû fermer leurs portes suite aux menaces de bombes qu’elles avaient reçues.

Les répercussions du débat ne se sont pas limitées aux médias sociaux. Des habitants ont rapporté avoir vu des tracts du Ku Klux Klan distribués dans leur quartier, ainsi que des menaces de bombes et de fusillades massives visant des institutions publiques. Le samedi suivant le débat, l’université Wittenberg de Springfield a reçu une menace de ce type. Il s’agissait de la 33e alerte à la bombe contre des écoles, des administrations et des centres médicaux de la région depuis les propos de M. Trump.

Au sein de la communauté haïtienne, plusieurs parents ont gardé leurs enfants à la maison par crainte de violence.
Le gouverneur de l’Ohio, Mike DeWine, a depuis annoncé que les forces de l’ordre enquêtaient sur ces menaces qui, selon lui, sont le fait d’acteurs étrangers. “Nous avons malheureusement des personnes à l’étranger qui mènent ces actions”, a déclaré M. DeWine, ajoutant que les menaces semblaient provenir d’un pays en particulier. Bien que M. DeWine n’ait pas précisé de quel pays il s’agissait, les autorités américaines ont déjà désigné la Russie et l’Iran comme sources potentielles d’ingérence dans les élections.
“Nous pensons qu’il s’agit d’une nouvelle tentative d’ingérence aux États-Unis”, a déclaré M. DeWine.
En réponse aux menaces croissantes, M. DeWine a promis d’allouer davantage de ressources aux forces de l’ordre à Springfield, assurant que les écoles resteraient ouvertes malgré le climat de peur créé par ces actions.

Comme le montrent les récents sondages, la diffusion de fausses informations peut profondément influencer l’opinion publique, même lorsque les affirmations sont sans fondement. Les rumeurs non fondées sur les immigrants haïtiens n’ont pas seulement affecté les personnes visées, mais sont également devenues un outil politique, amplifiant la peur et la division aux États-Unis.
Un autre sondage réalisé par Data for Progress entre le 11 et le 12 septembre a révélé qu’une majorité de républicains (69 %) considérait les remarques de Trump sur les immigrants haïtiens comme “bizarres”. Chez les démocrates, ce chiffre s’élève à 91 %, tandis que 77 % des indépendants partagent le même point de vue.
Cela montre que même au sein du Parti républicain, tous ne sont pas d’accord avec les déclarations de M. Trump, bien qu’une grande partie d’entre eux y croient encore. Néanmoins, le fait que près de la moitié des républicains interrogés par YouGov croient en la véracité des allégations montre le pouvoir de la désinformation sur le discours politique.
Les autorités municipales n’ont cessé de démentir les affirmations de M. Trump et d’autres, soulignant qu’il n’existe aucune preuve crédible à l’appui de ces allégations. Toutefois, comme l’a souligné le gouverneur DeWine, le véritable défi consiste à veiller à ce que ces mensonges ne continuent pas de diviser les communautés.

Dans les communautés haïtiennes aux États-Unis, plusieurs mouvements de protestation ont été organisés pour dénoncer les attaques racistes de Donald Trump, J.D. Vance, Elon Musk et leurs acolytes. D’autres manifestations sont prévues dans les prochains jours.