Les problèmes environnementaux en Haïti deviennent de plus en plus menaçants. Si pour certains cette situation est prioritaire, pour d’autres c’est juste un problème comme un autre. Pourtant cela devient de jour en jour le mal du pays. Cette question est si complexe qu’il faut à chaque fois tenter de la découvrir sous d’autres angles et chercher à comprendre comment y faire face.
L’Environnement, l’un des « E » prioritaires de l’ancien président de la République, Michel Joseph Martelly, ne peut plus attendre. Appréhender le problème consiste, selon certains observateurs, à prendre en compte un tas de facteurs liés à la physiographie, la climatologie, aux ressources en sol, aux ressources forestières, aux ressources en eau, aux ressources maritimes et côtières, à la flore, à la faune du pays.
Selon l’agronome Jean André Victor, le déboisement d’origine paysanne est un autre problème fondamental qui a comme origine l’extension de la petite exploitation agricole. Des estimations sérieuses montrent qu’à partir de 25 habitants au kilomètre carré, l’équilibre agricole risque de basculer, et qu’à partir de 35 hab/km2, c’est le système agricole lui-même qui est en péril. En Haïti, la densité de population est en moyenne de 200 hab/km2. Certaines zones agricoles atteignent jusqu’à 800 hab/km2, a-t- il fait remarquer.
Certains spécialistes croient qu’Haïti représente une dépression au quadruple point de vue de la géomorphologie, de la climatologie, de la lithologie et de l’érosion. Autrement dit, les risques de désastres qu’encourt le pays, comme les tremblements de terre, les cyclones, les tempêtes tropicales, les glissements de terrain et les éboulements sont liés en grande partie à notre position géographique, notre topographie et notre histoire géologique.
Pour d’autres, notre pays fait partie de l’arc insulaire des Antilles né de la jonction des plaques tectoniques Caraïbe et Atlantique. Cette situation l’expose à des tremblements de terre pouvant être parfois très violents et entraîner des raz de marrée, comme à Saint-Marc en 1932, et des destructions importantes, comme à Port-au-Prince en 1750 et 1770, à Cap-Haïtien en 1842 et en 1887, à Anse-à-Veau en 1952 ou encore Port-au-Prince le 12 janvier 2010.
En outre, certaines études présentent Haïti comme un pays montagneux dont 60 % de la superficie est constituée de pente de plus de 20 %. Le pays accuse aussi une vulnérabilité par rapport aux changements climatiques qui se laissent observer à travers la magnitude des modifications de la température et des précipitations. Alors que le tableau se caractérise aujourd’hui par la déforestation ou tout simplement la désertification de diverses régions, consécutivement à l’abattage sauvage des arbres, l’épuisement des terres agricoles en raison de la pratique de l’agriculture intensive sur brûlis, la pollution des sols et des eaux à cause des engrais et rejets industriels de tous genres et la pollution de l’air liée à l’émission de gaz toxiques.
Depuis plusieurs années, Haïti, la Somalie, l’Afghanistan et la Sierra-Leone ont été recensés comme les quatre pays les plus vulnérables aux effets du changement climatique. Dans un rapport publié en 2009, Oxfam avait montré à quel point le changement climatique constitue un ingrédient mortel qui s’ajoute au cocktail toxique haïtien : insécurité alimentaire, prix des aliments en forte hausse, pauvreté et déforestation massive. Les instigateurs de cette étude croient qu’il faut adopter les mesures susceptibles de combattre l’érosion, d’encadrer les agriculteurs et de mieux gérer les ressources en eau potable. Cent cinquante milliards de dollars par année, c’est la somme proposée par Oxfam pour réduire les impacts du réchauffement climatique dans le monde.
D’un autre côté, les spécialistes estiment que pour répondre aux besoins en combustibles ligneux, le pays est obligé d’abattre chaque année 12 millions d’arbres. Cela correspond à une consommation qui varie entre 3,4 à 4,05 millions de tonnes de bois de feu (1 326 000 et 1 580 000 de tonnes d’équivalent en pétrole). De ce total, 37 % sont prélevés pour être convertis en charbon de bois, dont la quantité oscille entre 250 et 280 000 tonnes chaque année.
L’État haïtien est loin d’être prêt à faire face aux changements climatiques compte tenu de la complexité des problèmes liés à son environnement. C’est en tout cas l’avis de l’ingénieur Dieuseul Anglade, ex-directeur général du Bureau des mines et de l’énergie. Selon lui, très peu d’efforts sont entrepris dans le sens de la protection de l’environnement depuis le séisme du 12 janvier 2010 à nos jours. En fait, M. Dieuseul Anglade croit qu’il y a tellement de priorités à définir dans le pays aujourd’hui qu’on néglige parfois, et de bonne foi, d’autres problèmes fondamentaux qui, dans un avenir très proche, peuvent être fatals pour Haïti et toute sa population.
Jackson Joseph
jajph@yahoo.ca