Les États-Unis sont le théâtre d’un clivage marqué entre les États dirigés par les républicains et ceux dirigés par les démocrates en réponse aux politiques d’immigration proposées par le président élu Donald Trump, en particulier son plan d’expulsions massives.
Cette semaine, 26 gouverneurs républicains ont déclaré publiquement qu’ils soutenaient ces mesures, tandis que les dirigeants démocrates de plusieurs États ont exprimé leur opposition.
Quid des immigrants haïtiens dans les États ayant signé la lettre
Certains États ayant signé la lettre de soutien comptent une forte population d’immigrants haïtiens. C’est le cas notamment de la Floride, de la Géorgie et de l’Ohio, entre autres.
En 2022, le Bureau américain des statistiques et du travail enregistrait plus de 731 000 ressortissants haïtiens vivant en Floride. Cela représente plus de 2 % de la population totale de la Floride et 16 % de la population caribéenne de cet État.
Ce chiffre a certainement augmenté de manière considérable avec plus de 211 000 Haïtiens admis dans le cadre du programme de libération conditionnelle (programme Biden). Plusieurs milliers d’autres sont également entrés au pays de Donald Trump à travers la frontière sud et par d’autres voies.
Sans être alarmant, la signature de cette correspondance par le gouverneur Ron DeSantis, comme il fallait s’y attendre, est très inquiétante pour la communauté haïtienne de Floride, où les agents de l’immigration pourraient mener des opérations de déportation dans des endroits qui leur étaient auparavant interdits, tels que les écoles, les églises et les hôpitaux.
C’est le même cas de figure pour l’État de l’Ohio, dont le gouverneur républicain modéré Mike DeWine a signé la lettre de l’association des gouverneurs républicains promettant un soutien total à la politique de déportation massive de la prochaine administration.
Bien qu’il n’y ait pas autant d’Haïtiens comparé à la Floride et à d’autres États, l’Ohio abrite néanmoins une population significative d’immigrants haïtiens.
Dans la petite ville de Springfield, qui compte moins de 60 000 habitants, près de 30 % de la population est d’origine haïtienne, selon des données fournies par plusieurs médias américains.
La situation des Haïtiens de Springfield est encore plus compliquée, car presque tous les dirigeants de cette ville sont républicains, bien qu’ils aient toujours fait preuve de solidarité à l’égard des Haïtiens résidant dans cette municipalité.
Pour les Haïtiens résidant à Columbus, la capitale de l’Ohio, la situation est moins inquiétante pour plusieurs raisons. D’abord, les statistiques montrent que les Haïtiens vivant dans la capitale ont tendance à être des immigrants ayant tous leurs documents légaux. Ensuite, il est généralement plus difficile pour les agents fédéraux de traquer les immigrants dans les grandes villes. Cependant, il faut reconnaître que personne ne semble être épargné dans le plan global de déportation massive de Donald Trump.
Une lettre commune des gouverneurs républicains
Dans cette lettre commune, 26 gouverneurs républicains, dont le gouverneur du Texas Greg Abbott, le gouverneur de Floride Ron DeSantis et le gouverneur de Caroline du Sud Henry McMaster, se sont engagés à aider l’administration Trump dans ses efforts pour renforcer la sécurité aux frontières et procéder à des déportations massives.
La lettre critique l’administration Biden pour ce qu’ils décrivent comme des “politiques désastreuses de frontières ouvertes”, l’accusant de ne pas sécuriser les frontières du pays et de ne pas faire respecter l’État de droit.
“Lorsque l’administration Biden a refusé de sécuriser nos frontières et de faire respecter l’État de droit, ce sont les gouverneurs républicains qui ont agi”, écrivent les gouverneurs, soulignant leurs efforts pour mobiliser les ressources des États, notamment les forces de l’ordre et les unités de la Garde nationale, afin de lutter contre l’immigration clandestine.
La lettre reprend également des thèmes communs de la rhétorique de campagne de M. Trump, soulignant la nécessité d’expulser “les criminels dangereux, les membres de gangs et les terroristes” qui constituent une menace pour la sécurité publique et nationale. Les gouverneurs ont affirmé qu’ils étaient prêts à utiliser tous les outils disponibles, des forces de l’ordre locales à la Garde nationale, pour soutenir le processus d’expulsion.
Le gouverneur du Vermont, Phil Scott, est le seul gouverneur républicain à ne pas avoir signé la lettre.
Liste complète des gouverneurs républicains ayant signé la lettre
Les gouverneurs suivants ont officiellement approuvé le plan :
- Kay Ivey (Alabama)
- Mike Dunleavy (Alaska)
- Sarah Sanders (Arkansas)
- Ron DeSantis (Floride)
- Brian Kemp (Géorgie)
- Brad Little (Idaho)
- Eric Holcomb (Indiana)
- Kim Reynolds (Iowa)
- Jeff Landry (Louisiane)
- Tate Reeves (Mississippi)
- Mike Parson (Missouri)
- Greg Gianforte (Montana)
- Jim Pillen (Nebraska)
- Joe Lombardo (Nevada)
- Chris Sununu (New Hampshire)
- Doug Burgum (Dakota du Nord)
- Kevin Stitt (Oklahoma)
- Mike DeWine (Ohio)
- Henry McMaster (Caroline du Sud)
- Kristi Noem (Dakota du Sud)
- Bill Lee (Tennessee)
- Greg Abbott (Texas)
- Spencer Cox (Utah)
- Glenn Youngkin (Virginie)
- Jim Justice (Virginie occidentale)
- Mark Gordon (Wyoming)
Les leaders démocrates ripostent
À l’inverse, les gouverneurs et les maires démocrates se sont engagés à protéger les immigrés sans papiers sur leur territoire. Les lois sanctuaires des États dirigés par les démocrates, tels que l’Illinois, New York, le Nouveau-Mexique et la Pennsylvanie, sont conçues pour limiter la coopération entre les autorités locales et les services de l’immigration et des douanes (ICE).
Le maire de New York, Eric Adams, a apporté un point de vue nuancé lors d’une conférence de presse, réaffirmant l’engagement de la ville à protéger les résidents de longue date et les migrants, tout en plaidant pour la suppression des protections accordées aux récidivistes violents. “Nous sommes une ville d’immigrants”, a déclaré M. Adams, “mais nous devons aussi admettre que notre système d’immigration est défaillant et qu’un petit nombre de délinquants violents récidivistes profitent de ce système défaillant”.
La gouverneure de l’Arizona, Katie Hobbs, a exprimé sa vive opposition aux déportations massives proposées, les qualifiant de menace pour les communautés locales. “Je ne tolérerai pas de politiques malavisées qui terrorisent les communautés ou menacent les habitants de l’Arizona”, a déclaré Mme Hobbs.
Préoccupations économiques et logistiques
Les dirigeants démocrates ont également soulevé d’importantes préoccupations d’ordre logistique et économique. Les détracteurs affirment que l’expulsion d’environ 11 millions d’immigrés sans papiers nécessiterait des ressources considérables et pourrait entraîner des séparations de familles et des perturbations économiques, en particulier dans les secteurs qui dépendent de la main-d’œuvre immigrée.
Le maire Adams a souligné les difficultés financières de la ville de New York, qui a dépensé environ 6,65 milliards de dollars depuis 2022 pour aider les nouveaux arrivants. Il a exhorté les législateurs fédéraux à se pencher sur la réforme de l’immigration, à renforcer la sécurité aux frontières, à protéger les ” Dreamers” et à moderniser le système.
Même dans les États dirigés par des républicains, certains législateurs ont exprimé des inquiétudes quant à l’ampleur du plan d’expulsion proposé par Trump. Le sénateur Rand Paul du Kentucky, par exemple, a appelé à une approche plus ciblée qui se concentre sur l’expulsion des migrants criminels plutôt que sur la mise en œuvre de vastes opérations de ratissage.
Les solutions bipartisanes se font rares
Alors que le débat s’intensifie, les deux camps continuent de souligner l’urgence d’une réforme de l’immigration. Les gouverneurs républicains ont salué le leadership de M. Trump comme un moyen de rétablir “la loi et l’ordre”, tandis que les dirigeants démocrates plaident en faveur de politiques qui concilient la sécurité et la compassion.
Source: Newsweek