Une juge fédérale suspend la nouvelle redevance de 100 dollars imposée aux demandeurs d’asile aux États-Unis

Emmanuel Paul
Par
Emmanuel Paul
Journalist/ Storyteller
Emmanuel Paul est un journaliste chevronné et un conteur accompli, animé par un engagement profond envers la vérité, la communauté et l’impact social. Il est le...
US flag and citizenship and immigration paperwork

Une juge fédérale du Maryland a ordonné jeudi l’arrêt provisoire de la mise en œuvre de la redevance annuelle de demande d’asile instaurée cet été, en raison d’instructions contradictoires émanant de deux administrations.

Dans son ordonnance, la juge Stephanie Gallagher estime que le Service fédéral de citoyenneté et d’immigration (USCIS) et le Bureau exécutif pour l’examen de l’immigration (EOIR) ont agi « de manière arbitraire et capricieuse » en publiant des directives qui ne concordent ni sur le moment ni sur la façon de payer la somme due.

La magistrate relève que l’absence de coordination a provoqué une « confusion importante » et a même conduit, dans certains dossiers, à des ordres d’éloignement avant qu’existe le moindre mécanisme de paiement. Elle gèle donc, à l’échelle du territoire, l’application des politiques respectives de l’USCIS et de l’EOIR tant que les deux administrations n’auront pas harmonisé leurs règles.

« Les défendeurs n’ont pas résolu l’incohérence entre les politiques des deux agences », écrit-elle, ajoutant que ce chevauchement normatif crée un « préjudice irréparable » pour les personnes en quête d’asile. La juge précise qu’elle examinera « rapidement » une demande de levée du gel dès que seront adoptées des « politiques uniformes fournissant aux demandeurs d’asile un préavis équitable sur l’échéance applicable, le mécanisme de paiement et les conséquences en cas de manquement ».

Cette redevance de cent dollars par an a été créée par la loi adoptée le 4 juillet, surnommée par ses promoteurs le « Grand et magnifique projet de loi » (One Big Beautiful Bill). Elle s’appliquerait chaque année tant que le dossier d’asile reste en instance. Avant ce texte, aucun droit n’était exigé au moment du dépôt d’une demande d’asile.

La suspension fait suite à un recours collectif introduit dans le Maryland par l’Asylum Seeker Advocacy Project (ASAP). L’organisation reproche au gouvernement d’avoir appliqué illégalement la nouvelle redevance à des personnes ayant déposé leur demande avant l’entrée en vigueur de la loi. ASAP soutient également que la mise en place précipitée du dispositif a semé le trouble chez les intéressés.

Un membre de l’association, ressortissant russe qui a déposé son dossier en 2022, se dit « très inquiet » car il n’a « reçu aucune instruction » sur la manière ni sur le calendrier de paiement.

Des échéances et des moyens de paiement flous

L’USCIS a commencé le 1er octobre à envoyer des avis réclamant le règlement dans un délai de trente jours, ce qui rendait la première échéance exigible dès le 31 octobre. Selon la plainte, certains justiciables n’ont pas les moyens de payer. « Ils devraient choisir entre nourrir leur famille ou payer la redevance », a plaidé Me Susan Pelletier, avocate des requérants, lors de l’audience de mardi.

D’autres témoignages joints au dossier illustrent les effets concrets de la réforme. Une femme originaire du Honduras redoute d’être expulsée faute de pouvoir s’acquitter du montant et faute, surtout, de voie de paiement disponible au moment où on le lui a réclamé. Un demandeur d’asile venu du Nigeria indique avoir appris l’existence de la nouvelle règle sur les réseaux sociaux et craint que l’oubli d’un versement ne compromette son dossier.

Face au contentieux, l’EOIR a annoncé la création d’un portail de paiement permettant de s’acquitter de la redevance annuelle. L’instance a également précisé qu’elle informera les personnes concernées et qu’elle créditera les versements déjà effectués via d’autres systèmes existants.

Pour ASAP, ces annonces n’effacent pas le problème de fond : selon l’association, l’USCIS et l’EOIR appliquent rétroactivement la redevance et diffusent des informations contradictoires, allant jusqu’à fixer des délais différents. Dans au moins un dossier, soutient la plainte, un juge de l’immigration a rejeté une demande d’asile et ordonné une expulsion pour non-paiement, alors qu’aucun mécanisme ne permettait encore de s’en acquitter.

Interrogée au tribunal, l’avocate du ministère de la Justice, Zareen Iqbal, a contesté toute application rétroactive. Elle a expliqué que la redevance vise à soutenir la gestion d’un stock d’affaires en attente depuis des années, la comparant à une taxe foncière : un prélèvement récurrent destiné à faire fonctionner le système et non à sanctionner le passé. Le ministère reconnaît toutefois que certains demandeurs ont rencontré des difficultés depuis l’annonce : Me Iqbal a indiqué qu’elle contacterait les plaignants et l’USCIS pour résoudre les incidents signalés.

En l’état, l’ordonnance de la juge Gallagher bloque à l’échelle nationale l’exigibilité de la redevance et impose aux deux agences de parler d’une seule voix. Le cœur du litige, tel qu’elle le formule, n’est pas tant la légalité abstraite du prélèvement que l’insécurité juridique créée par des consignes divergentes : absence d’outil de paiement, délais mal définis, risques de sanction pour des personnes dans l’impossibilité matérielle de s’exécuter.

US flag and citizenship and immigration paperwork

https://ctninfo.com/?p=37827&preview=true

Source: CNN

Partager cet article