À Los Angeles, une appli de surveillance de colis devient un outil de résistance contre les raids de l’ICE

Face aux opérations jugées arbitraires et abusives de l’ICE dans plusieurs quartiers de Los Angeles, des habitants se veulent créatifs pour minimiser les impacts des opérations de l’ICE. Ils ont détourné une application destinée à la sécurité domestique pour en faire un réseau d’alerte citoyenne. Et ça marche jusqu’à présent.
L’outil en question, Neighbors, développé par Amazon pour ses caméras de porte Ring, est à l’origine conçu pour signaler des colis disparus ou des animaux égarés. Mais depuis les descentes récentes menées par les autorités migratoires, il est devenu un espace de veille pour protéger les communautés vulnérables.
Des dizaines de messages ont été publiés via l’application au cours de la dernière semaine, certains accompagnés de photos, de vidéos et même de détails précis sur les véhicules utilisés par les agents, a révélé Forbes.
Les alertes ont localisé des opérations près d’écoles, de commerces comme McDonald’s, Starbucks, ou encore de magasins Home Depot. Dans certains cas, des emojis en forme de glaçon – un clin d’œil au sigle ICE – ont été utilisés pour avertir discrètement les voisins, explique Forbes.
« C’est une démarche née du terrain, une tentative de garder les familles en sécurité », explique Nic, une résidente du sud de la Californie ayant préféré garder l’anonymat. Elle affirme que même en tant que citoyenne américaine, l’idée de croiser des agents de l’immigration lui inspire de la crainte.
Le recours à Neighbors s’est intensifié après le 7 juin, date à laquelle des arrestations massives ont été signalées.
L’événement a enflammé le climat politique local, au point que l’administration Trump a mobilisé la Garde nationale et envoyé des Marines pour encadrer les manifestations.
Bien que le président ait annoncé depuis une pause dans les contrôles visant les travailleurs de l’agriculture, de l’hôtellerie et de la restauration, les grandes métropoles comme Los Angeles restent au cœur des opérations de l’ICE.
Des habitantes comme Jennifer, résidant dans le comté d’Orange, affirment utiliser l’application pour sensibiliser leur entourage. « J’habite un quartier à majorité hispanique et je veux faire ma part pour éviter les drames. Pour moi, la Constitution garantit à chacun un droit à une procédure équitable, et l’Amérique est une nation de migrants », a-t-elle déclaré à Forbes.
L’application Nextdoor a aussi été mobilisée pour faire circuler les informations, bien qu’un certain nombre de publications n’aient pas été accueillies avec bienveillance. Nic rapporte avoir vu des commentaires offensants se réjouissant des descentes : « Certains disaient carrément ‘Bravo, attrapez-les tous’. »
Cette utilisation massive de Neighbors pose un casse-tête pour Amazon. La plateforme interdit les contenus pouvant alimenter les tensions ou les débats politiques. Plusieurs publications d’alerte ont d’ailleurs été effacées, notamment celles mentionnant des descentes imminentes dans des friperies ou dans un collège communautaire de Lancaster. Amazon n’a pas souhaité commenter ces suppressions.
De son côté, Nextdoor assure que sa modération repose sur un réseau de plus de 300 000 bénévoles, en complément de son équipe interne. L’entreprise rappelle que toute publication jugée problématique est rapidement supprimée, sans fournir plus de détails sur la modération spécifique liée aux actions de l’ICE.
Enfin, bien que Ring ait mis fin l’an dernier à une fonctionnalité permettant aux forces de l’ordre de solliciter des enregistrements vidéo directement via Neighbors, les données des utilisateurs restent accessibles via mandat ou décision judiciaire.
Comme le souligne un utilisateur anonyme interrogé par Forbes, les publications peuvent être à double tranchant : « Certaines alertes sont utiles, d’autres imprécises, voire mensongères. Il faut faire attention à ne pas créer de panique inutile. »