Les autorités de Floride ont interpellé plus de 6 000 personnes soupçonnées d’être en situation irrégulière sur le territoire américain depuis le lancement d’une vaste campagne d’application des lois migratoires menée en coordination avec les services fédéraux, selon ce qu’a rapporté par le Miami Herald.
Cette offensive, qui s’appuie sur une collaboration étroite entre polices locales, État et agences fédérales, soulève des inquiétudes croissantes parmi les organisations de défense des droits des immigrants.
Parmi ces milliers d’interpellations, plus de 350 résultent directement de l’opération « One Way Ticket », selon les données communiquées par la Patrouille frontalière des États-Unis citées par le Miami Herald.
Ce dispositif mobilise simultanément plusieurs niveaux d’autorité : shérifs de comtés, patrouille routière étatique, services d’immigration fédéraux et autres partenaires engagés dans la mise en œuvre des accords 287(g).
Ces conventions, réactivées massivement en Floride depuis le début de l’année, autorisent les forces de police locales à exercer certaines prérogatives normalement réservées aux agents fédéraux de l’immigration. Pour l’instant, les policiers municipaux et les adjoints de shérifs peuvent désormais identifier, interroger et remettre aux autorités fédérales les personnes visées par des ordres d’expulsion ou soupçonnées de violer les lois migratoires.
Le shérif Wayne Ivey, figure de proue de cette stratégie dans le comté de Brevard, justifie l’approche en termes simples : « Si vous entrez illégalement dans notre pays, vous avez enfreint la loi. » De son côté, le lieutenant-gouverneur Jay Collins a prévenu que « davantage d’opérations sont à venir », signalant clairement l’intention de l’État de poursuivre cette politique sur la durée, selon le Miami Herald.
Jeff Dinise, responsable de la Patrouille frontalière pour le secteur, a salué l’ampleur de la mobilisation locale. « L’État de Floride et nos shérifs de Floride se sont intégrés dans tous les aspects de la sécurité intérieure », a-t-il déclaré, soulignant un niveau de coordination sans précédent entre les différentes strates d’application de la loi.
Selon les informations rapportées par le Miami Herald, la Floride héberge désormais des personnes en attente d’expulsion dans des installations gérées directement par l’État, notamment près de Jacksonville. Cette approche marque une évolution significative : traditionnellement, la détention des immigrants relevait exclusivement des autorités fédérales ou de centres sous contrat avec l’Immigration and Customs Enforcement. En assumant cette responsabilité, la Floride affirme vouloir servir de modèle national en matière d’application des lois migratoires.
Dave Kerner, à la tête de la Sécurité routière et des véhicules à moteur de Floride, a présenté cette stratégie comme une nécessité : « Les agents des forces de l’ordre de Floride sont en première ligne pour protéger notre État des conséquences de l’immigration illégale. » Il a ajouté que « cet investissement nous permet d’élargir nos capacités et de continuer à travailler aux côtés de l’ICE pour faire respecter la loi et protéger nos communautés. »
Mais cette offensive suscite de vives critiques. Les organisations de défense des droits des immigrants dénoncent un dispositif qui, selon elles, conduit inévitablement à la discrimination et au profilage. Elles soulignent que l’élargissement des pouvoirs locaux en matière d’immigration encourage les contrôles basés sur l’apparence, l’accent ou l’origine ethnique présumée, plutôt que sur des soupçons objectifs d’infraction.
Plus préoccupant encore pour ces organisations : plusieurs cas documentés montrent que des citoyens américains ont été arrêtés par erreur dans le cadre de ces opérations. Ces incidents soulèvent des questions sur la formation des agents locaux, les garanties procédurales et la protection des droits constitutionnels de l’ensemble des résidents, quelle que soit leur origine.
Les communautés immigrées, y compris celles composées de résidents en situation régulière, rapportent un climat de crainte croissant. La peur d’une interaction avec les forces de l’ordre, même pour signaler un crime ou témoigner dans une affaire, pourrait paradoxalement nuire à la sécurité publique en réduisant la coopération entre police et populations.
Sur le plan économique, les secteurs fortement dépendants de la main-d’œuvre immigrée — agriculture, construction, hôtellerie, services — pourraient ressentir les contrecoups de cette campagne d’arrestations massive. Certains employeurs font déjà état de difficultés de recrutement accrues et d’une baisse de productivité liée à l’absence de travailleurs interpellés.
Avec 327 accords 287(g) désormais actifs, la Floride se positionne comme l’État américain ayant le plus massivement adopté ce programme de collaboration locale-fédérale. L’annonce par le lieutenant-gouverneur Collins de futures opérations laisse présager une intensification continue de cette politique dans les mois à venir, maintenant ainsi une pression soutenue sur les communautés immigrées de l’État.
Par la rédaction — D’après un article de John Baker pour le Miami Herald



