Une nouvelle destination pour les immigrants dont les pays d’origine ne veulent pas les recevoir

Emmanuel Paul

Après le Salvador, c’est au tour d’un pays africain d’avoir accepté de recevoir des immigrants d’autres pays déportés par les États-Unis.

Selon un rapport de The Handbasket, cité mardi par The New Republic, les États-Unis ont commencé à discuter avec le Rwanda pour expulser certains immigrants. Une mesure qui n’avait jamais été rendue publique auparavant par les autorités américaines ou rwandaises.

Un câble diplomatique émis par l’ambassade américaine à Kigali le 13 mars 2025 indique que le gouvernement rwandais s’est dit prêt à accueillir des personnes qui ne peuvent être renvoyées dans leur pays d’origine en raison de risques de persécution. Un second câble, daté du 22 avril, mentionne qu’un ressortissant irakien, Omar Abdulsattar Ameen, est devenu le premier individu officiellement expulsé vers le Rwanda dans le cadre de cet accord discret, a rapporté The New Republic.

Cette approche tranche avec un accord antérieur conclu en janvier entre les États-Unis et le Salvador, qui avait suscité des recours juridiques après l’expulsion erronée d’un immigré nommé Kilmar Abrego Garcia.

Selon The Handbasket, le câble daté d’avril indique que « cette relocalisation réussie — et l’accord subséquent du Rwanda pour accueillir d’autres ressortissants de pays tiers (TCNs) — a validé le concept d’un nouveau programme de renvoi vers le Rwanda ».

Le document diplomatique mentionne également une « liste de souhaits » transmise par Kigali, comprenant notamment une demande de 100 000 dollars pour couvrir les services sociaux, les documents de résidence et les permis de travail. Le paiement a été confirmé, mais on ignore si d’autres demandes ont été acceptées par les États-Unis.

Toujours selon ce même câble, le Rwanda aurait accepté d’accueillir dix autres ressortissants de diverses nationalités. Kigali souhaiterait engager un dialogue bilatéral afin de créer un cadre pérenne pour ces relocalisations, évitant ainsi des négociations ponctuelles et longues.

Le cas d’Omar Abdulsattar Ameen illustre les tensions autour de cette politique. Réfugié aux États-Unis depuis 2014, Ameen avait été arrêté en 2018 dans sa maison de Sacramento. L’administration Trump l’accusait d’avoir participé à un meurtre en Irak au nom de l’organisation État islamique. Ameen a toujours nié ces accusations, affirmant qu’il se trouvait à ce moment-là en Turquie, dans l’attente d’un traitement de sa demande d’asile par les Nations unies.

En 2021, un juge fédéral avait ordonné sa libération, qualifiant les accusations de « douteuses », et les témoignages à charge d’« invraisemblables ».

Dans une déclaration rendue publique en mai 2024, Ameen affirmait : « Je suis si reconnaissant envers le juge pour avoir écouté toutes les preuves, et je remercie Dieu que dans ce pays, j’aie eu le droit de me défendre et d’être reconnu innocent. J’aime l’Amérique et je veux y vivre avec ma femme et mes enfants pour le reste de ma vie. Il est triste de devoir encore me battre pour ma liberté. »

Malgré cette décision judiciaire, Ameen a de nouveau été arrêté par les services d’immigration (ICE) sous l’administration Biden, et il a finalement été expulsé vers le Rwanda par l’administration Trump.

À ce jour, ni le Département d’État américain ni le gouvernement rwandais n’ont officiellement confirmé l’existence de cet accord, qui pourrait toutefois marquer le début d’un nouveau programme d’expulsion vers des pays tiers, mené sans transparence publique.

Sources :

  • Hafiz Rashid, The New Republic, « Trump Finds Another Country to Accept His Mass Deportations », publié le 23 avril 2025
  • The Handbasket, câbles diplomatiques datés du 13 mars et du 22 avril 2025

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