La mission multinationale de sécurité en Haïti pourrait avoir de graves problèmes de financement dans un délai pas trop lointain.
Les États-Unis, qui sont censés être le plus grand contributeur de cette mission, n’entendent plus continuer à supporter cette force, qualifiée de « fardeau financier » par la chargée d’affaires américaine aux Nations unies.
Lors d’une séance sur Haïti, Dorothy Shea n’a pas utilisé de formule diplomatique pour informer les autres pays que les États-Unis sont à bout de patience en ce qui concerne le soutien à la force multinationale en Haïti.
« … bien que nous exprimions notre gratitude envers les pays ayant contribué financièrement et en nature à la MSS, l’Amérique ne peut continuer à supporter seule un tel fardeau financier », a déclaré l’ambassadrice Dorothy Shea lors d’un briefing du Conseil de sécurité des Nations unies consacré à la situation en Haïti.
En d’autres termes, Washington appelle ses partenaires à assumer leur part de responsabilité dans le financement et le soutien à la stabilisation d’Haïti.
L’ambassadrice a toutefois réaffirmé l’engagement des États-Unis à travailler de concert avec le BINUH, le gouvernement haïtien, la MSS, l’Organisation des États américains et d’autres partenaires pour faire progresser la situation, de plus en plus alarmante dans le pays, tout en appelant à une mobilisation internationale accrue pour soutenir la Mission multinationale de soutien à la sécurité (MSS).
« La situation sécuritaire est gravement préoccupante et entrave la capacité du BINUH à remplir son mandat », a déclaré l’ambassadrice, soulignant la gravité de l’escalade de la violence des gangs en Haïti, la multiplication des morts, des cas de violences sexuelles et l’enrôlement d’enfants dans des groupes armés.
Face à une insécurité galopante et à un effondrement progressif des institutions, les membres du Bureau intégré des Nations unies en Haïti (BINUH) sont désormais contraints de travailler en grande partie à distance, avec une présence minimale sur le terrain, composée uniquement d’un médecin, d’un infirmier en rotation et d’un médecin volontaire des Nations unies. Cette configuration « entrave opérationnellement » la mission du BINUH, a souligné Dorothy Shea.
L’ambassadrice américaine a insisté sur le fait que « la mission politique spéciale seule, même renforcée sur le plan sécuritaire, ne peut répondre aux défis sans précédent posés par l’aggravation de la violence des gangs ». La violence s’étend désormais bien au-delà de Port-au-Prince, menaçant la stabilité nationale dans son ensemble.
Elle a exprimé son soutien aux efforts en cours de la MSS menée par le Kenya pour appuyer la Police nationale d’Haïti dans la lutte contre les gangs armés, tout en saluant la déclaration de la CARICOM condamnant toute tentative de déstabilisation des institutions haïtiennes.
Corruption et impunité : un terreau pour la violence
Dorothy Shea n’a pas mâché ses mots concernant l’impunité et la corruption généralisée : « Nous condamnons les abus de pouvoir, les complicités avec les gangs, le trafic d’armes et de munitions. Tant que ces pratiques perdurent, la violence des gangs ne fera que s’aggraver. »
L’ambassadrice a évoqué les prochaines recommandations du Panel d’experts sur Haïti, en matière de sanctions, notamment les gels d’avoirs et les interdictions de voyage visant les chefs de gangs et leurs soutiens. Elle a souligné l’importance de promouvoir la redevabilité pour espérer une sortie durable de la crise.
Enfin, elle a rappelé que le pays accusait un « retard dramatique » dans l’organisation d’élections, condition indispensable au retour à l’ordre démocratique. Sans institutions légitimes et sans sécurité, a-t-elle averti, aucune réforme durable ne sera possible.
Les mots de Dorothy Shea sonnent comme une alerte et un ultimatum diplomatique. Sans un sursaut de solidarité internationale, tant financière que politique, la crise haïtienne risque de s’enliser davantage.