fbpx

Crise sécuritaire en Haïti : Plus de 20 000 déplacés en moins de 72 heures

Emmanuel Paul
Emmanuel Paul - Journalist/ Storyteller
"Une femme déplacée lave des vêtements dans un théâtre désaffecté du centre-ville de Port-au-Prince, Haïti." Credit photo: UNOCHA/Giles Clarke

La situation sécuritaire en Haïti atteint un nouveau seuil critique, avec plus de 20 000 habitants contraints de quitter leurs foyers à Port-au-Prince en moins de 3 jours.

L’Organisation internationale pour les migrations (OIM) rapporte que cet exode massif, l’un des plus significatifs depuis août 2023, est la conséquence directe de l’intensification des activités criminelles des gangs qui renforcent leur emprise sur la capitale.

Parmi les personnes déplacées, plus de 17 000 ont trouvé refuge dans 15 sites d’accueil temporaires dispersés dans la capitale. Ces installations improvisées sont débordées face à l’afflux de familles, alors que les réseaux de distribution de produits essentiels s’effondrent progressivement.

“L’isolement croissant de Port-au-Prince aggrave considérablement une situation humanitaire déjà catastrophique”, souligne Grégoire Goodstein, responsable de l’OIM en Haïti. Il précise que “seul 20 % de Port-au-Prince reste accessible”, ce qui entrave sérieusement les interventions des équipes humanitaires auprès des populations les plus touchées.

La violence des gangs a pratiquement paralysé la capitale haïtienne. Récemment, des tirs dirigés contre des avions commerciaux ont détérioré davantage la situation sécuritaire, notamment lors d’un incident marquant où un appareil de Spirit Airlines a été touché pendant son atterrissage à l’aéroport national. Une membre d’équipage a été blessée lors de cet événement, illustrant l’escalade des dangers.

Face à cette situation, l’Administration fédérale de l’aviation (FAA) américaine a suspendu tous les vols vers Haïti pour une durée initiale de 30 jours. Cette mesure a isolé davantage le pays en coupant sa principale liaison aérienne internationale.

L’accès au port maritime principal de Port-au-Prince étant également limité par les gangs qui contrôlent les axes routiers majeurs, l’acheminement des ressources vitales vers les populations vulnérables devient de plus en plus complexe.

Depuis l’assassinat du président Jovenel Moïse en juillet 2021, Haïti s’est enfoncé dans une spirale d’instabilité politique et sécuritaire sans précédent. La vague actuelle de déplacements s’intensifie alors que les gangs armés consolident leurs alliances, étendant leur contrôle sur de nouveaux territoires de la capitale, isolant systématiquement les communautés et renforçant leur domination sur Port-au-Prince.

Face à cette montée en puissance, la Police nationale d’Haïti, chroniquement sous-équipée et manquant cruellement d’effectifs, se trouve dans l’incapacité de contenir l’expansion des groupes armés. Les statistiques du Bureau des droits de l’homme des Nations Unies sont alarmantes, avec près de 4 000 victimes de la violence des gangs recensées en 2024, témoignant de l’ampleur dévastatrice de cette crise sécuritaire.

L’escalade de la violence des gangs a particulièrement aggravé la vulnérabilité des femmes et des enfants. Selon les données de l’OIM, “94 % des femmes et des filles déplacées font face à un risque accru de violence”. Les cas de violence basée sur le genre se multiplient de manière dramatique, avec l’utilisation systématique de la violence sexuelle comme instrument de terreur, exposant la vulnérabilité extrême des populations déplacées.

Malgré un contexte opérationnel extrêmement complexe marqué par des contraintes d’accès et une insécurité omniprésente, l’OIM et ses partenaires poursuivent leurs efforts d’assistance vitale à travers :

Des cliniques mobiles : Déployées directement sur les sites de déplacement pour assurer les soins médicaux essentiels.

Soutien au loyer : Programme d’assistance pour garantir un hébergement aux familles déplacées.

Protection et soutien psychologique : Accompagnement renforcé des populations traumatisées.

Approvisionnement en eau : Distribution régulière d’eau potable dans les sites d’accueil.

Soutien aux points de passage des frontières : Facilitation des déplacements sécurisés pour les personnes fuyant la capitale.

“Les équipes humanitaires font face à des obstacles considérables pour atteindre les populations affectées”, a insisté Grégoire Goodstein.

Les efforts humanitaires en Haïti sont sévèrement compromis par une insuffisance critique de financement. Les chiffres de l’OIM révèlent une situation alarmante : le plan de réponse des Nations Unies, évalué à 674 millions de dollars, n’a reçu que 42 % des fonds nécessaires.

“Sans un engagement financier international immédiat et substantiel, nous assisterons à une détérioration catastrophique de la situation humanitaire”, a souligné M. Goodstein, lançant un appel pressant à la communauté internationale pour intensifier son soutien aux populations haïtiennes en détresse.

L’OIM a réaffirmé l’importance fondamentale du respect des principes humanitaires dans cette crise sans précédent. L’organisation a fermement appelé l’ensemble des acteurs à garantir la neutralité et l’impartialité des opérations humanitaires, assurant un accès sans restriction aux populations vulnérables et préservant l’intégrité des interventions d’urgence.

Malgré ces obstacles majeurs, l’OIM poursuit ses opérations à travers le pays, gérant des centres de protection pour les migrants et développant des initiatives de stabilisation communautaire, s’efforçant d’apporter une assistance vitale aux populations de plus en plus fragilisées, a fait savoir l’organisation Onusienne dans un rapport publié ce lundi.

Pages