Des responsables des services de l’immigration américaine commencent à diminuer leurs attentes en ce qui concerne la promesse de campagne de Donald Trump de déporter tous les immigrants en situation irrégulière aux États-Unis.
Pour Kenneth Genalo, directeur de la police de l’immigration et des douanes (ICE) à New York, il est pratiquement impossible pour le futur président de mettre en application sa promesse de campagne de déporter plus de 11 millions de sans-papiers aux États-Unis. Le futur 47ᵉ président des États-Unis pourrait même ne pas pouvoir expulser les immigrants ayant des problèmes avec la justice américaine.
Dans une interview accordée au New York Post, le directeur régional de l’immigration a déclaré : “Il faudrait toute une vie pour débarrasser la ville des criminels que nous avons”, compte tenu des circonstances actuelles. Ses frustrations concernent les lois sur les villes sanctuaires, qui limitent la collaboration entre les forces de l’ordre locales et les agences fédérales de l’immigration, a regretté Kenneth Genalo.
Ces lois, établies pendant le mandat de Bill de Blasio en tant que maire, ont été conçues pour protéger les communautés d’immigrés contre les déportations injustes. Toutefois, M. Genalo affirme qu’elles protègent involontairement des individus dangereux : “La majorité de ces crimes sont commis contre les personnes les plus vulnérables de la communauté, en particulier les femmes et les enfants immigrés”, a-t-il déclaré.
Les préoccupations de M. Genalo reflètent un problème plus large concernant l’application de la loi. Avec environ 7,8 millions d’immigrants en situation irrégulière aux États-Unis, plus de 662 000 d’entre eux ont un casier judiciaire.
Même si l’ICE devrait se concentrer sur les “pires des pires”, il ne disposera pas des ressources nécessaires pour s’attaquer efficacement au problème, a reconnu le responsable régional des services de l’immigration.
La déportation massive : une réalité irréalisable
Kenneth Genalo n’est pas le seul à se montrer sceptique quant à l’application de la politique de déportation massive de Donald Trump.
L’ancien secrétaire à la Sécurité intérieure sous l’administration Obama, Jeh Johnson, a donné un aperçu des défis posés par les déportations massives du futur président d’extrême droite américaine. Lors d’une apparition à l’émission Meet the Press, Johnson a illustré l’énormité de la tâche : déporter chaque immigrant sans-papiers reviendrait à éliminer une population de la taille de “deux villes de New York”. Ce qui est complètement impossible, a fait savoir l’ancien secrétaire à la Sécurité intérieure.
Il a souligné les complexités logistiques et éthiques d’une telle approche et a plaidé en faveur de l’établissement de priorités : “Commencez par les criminels, commencez par les menaces pour la sécurité nationale, les personnes qui ont récemment franchi la frontière”, a-t-il conseillé, soulignant que l’application de la loi devrait se concentrer sur les dangers immédiats plutôt que sur les immigrants de longue date qui respectent la loi.
Les opposants aux déportations massives soulignent les effets néfastes sur les familles et les communautés. De nombreux immigrants haïtiens et d’autres pays vivent aux États-Unis depuis des années, contribuant à la société tout en élevant des enfants qui sont citoyens américains. En ciblant ces personnes, on risque de fracturer les familles et d’intensifier les difficultés rencontrées par un groupe déjà vulnérable, a mis en garde M. Johnson.
Les immigrés haïtiens face à l’incertitude
La communauté haïtienne aux États-Unis illustre à la fois la résilience et les défis de la vie d’immigrant. Nombreux sont ceux qui ont fui les troubles politiques, les catastrophes naturelles et les problèmes économiques à la recherche de sécurité et d’opportunités.
La ville de New York est un point central pour les immigrants haïtiens, qui sont plus de 200 000 à résider à la Big Apple, considérée comme l’une des villes sanctuaires où les immigrants bénéficient d’une sorte de protection des autorités locales. Mais cette protection pourrait être de courte durée. Le maire de New York a déjà manifesté sa volonté de collaborer avec le prochain président américain.
Trouver une approche équilibrée
Genalo et Johnson prônent tous deux une approche équilibrée de l’application des lois sur l’immigration, bien que sous des angles différents.
Pour Genalo, l’accent doit être mis sur l’allocation des ressources, tandis que Johnson préconise de donner la priorité aux efforts de répression, en commençant par les personnes ayant un casier judiciaire. Toutefois, M. Johnson souligne également l’importance de la compassion et préconise des politiques qui reconnaissent l’humanité des immigrés qui ont établi leur vie aux États-Unis et contribué énormément à l’économie américaine.
La collaboration entre les autorités locales et fédérales est essentielle pour relever ces défis. Le maire de New York, Eric Adams, qui était jusque-là un supporteur des immigrants, a récemment changé de ton depuis la réélection de Donald Trump. Il a récemment fait savoir que les ressources de la ville étaient mises à rude épreuve à cause du nombre élevé d’immigrants dans sa ville. Il a suggéré de revoir les politiques concernant les cas de demande d’asile. “Le maire comprend la nécessité de coopérer”, a noté M. Genalo, un partisan farouche de Donald Trump.
Pour les immigrants haïtiens, les enjeux sont profondément personnels. Nombre d’entre eux ont échappé à des épreuves inimaginables et sont arrivés aux États-Unis en aspirant à la stabilité et à la sécurité. Pourtant, le climat actuel les laisse souvent dans un état d’incertitude : vulnérables à l’exploitation, craignant la déportation en Haïti, un pays en proie à des difficultés de toutes sortes.
Les expériences des immigrants haïtiens aux États-Unis reflètent le débat plus large sur l’immigration. Trouver un équilibre entre l’application de la loi et l’empathie nécessite des politiques nuancées qui répondent aux préoccupations en matière de sécurité sans porter atteinte à l’humanité de ceux qui cherchent une vie meilleure au pays de Donald Trump, dont la propre femme est une immigrante obtenu la nationalité américaine il y a pas longtemps.