Immigration-Loi “Laken Riley” : Même les déporteurs s’y opposent

Emmanuel Paul
Emmanuel Paul - Journalist/ Storyteller
credit: WikiMedia (U.S. Immigration and Customs Enforcement (ICE)

Soutenue par les républicains et certains démocrates, la loi Laken Riley, qui prévoit la détention obligatoire des immigrants sans papiers accusés de certains délits non violents, a suscité une opposition notable, même de la part des services d’immigration et des douanes (ICE).

Les fonctionnaires fédéraux avertissent que la loi pourrait dépasser les ressources, nécessitant des milliards de dollars de financement et des dizaines de milliers de lits de détention supplémentaires.

L’ICE a indiqué que plus de 60 000 immigrants en situation irrégulière pourraient être placés en détention en vertu de la loi, mais les fonds actuels ne permettent de financer que 42 000 lits.

Avec 39 000 immigrants déjà en détention jusqu’au mois de décembre 2024 — dont 62 % sont légalement tenus d’être détenus — l’ICE a indiqué qu’il pourrait devoir libérer des dizaines de milliers d’immigrants, dont certains pourraient présenter des risques pour la sécurité publique, si le financement d’urgence n’est pas assuré, a rapporté Axios.

La loi elle-même ne prévoit pas de financement pour sa mise en application, a fait remarquer le service de l’immigration et des douanes, qui estime qu’il lui faudrait 3,2 milliards de dollars supplémentaires pour l’année fiscale 2025 afin de répondre aux exigences du projet de loi.

Ce financement couvrirait plus de 64 000 nouveaux lits de détention et l’embauche d’agents supplémentaires chargés de l’application de la loi, selon l’agence américaine citée par Axios.

Présenté par la sénatrice Katie Britt (R-Ala.), le projet de loi a recueilli un soutien bipartisan, ce qui témoigne de son poids politique au Congrès. “Nous sommes prêts à donner à l’ICE les ressources dont il a besoin pour appliquer correctement la loi fédérale et protéger les familles américaines”, a déclaré Sean Ross, chef de cabinet adjoint de Britt (Axios).

Malgré son soutien, le projet de loi se heurte à d’importants obstacles logistiques.

La Chambre des représentants a donné la priorité à la loi Laken Riley en tant que premier acte législatif de 2025, reflétant l’accent continu mis par les républicains sur l’immigration sous la future administration Trump.

Le chef de la minorité du Sénat, Chuck Schumer (D-N.Y.), a indiqué en privé que les démocrates pourraient négocier des amendements, car le soutien d’au moins huit démocrates du Sénat sera nécessaire pour adopter le projet de loi. Cependant, les républicains ont déjà assuré le soutien de huit sénateurs démocrates prêts à voter avec la majorité républicaine menée par Donald Trump.

Les avertissements des responsables fédéraux de l’immigration suggèrent que, sans un financement adéquat, même les personnes chargées d’appliquer les expulsions pourraient avoir du mal à se conformer aux exigences de cette loi controversée, qui pourrait semer la pagaille au sein des communautés d’immigrants.

Selon les prescrits du projet de loi, déjà adopté par la Chambre des représentants, le service de l’immigration a le droit et la responsabilité de détenir et éventuellement déporter toute personne accusée de commettre un crime, même mineur.

Par exemple, une personne surprise en flagrant délit de vol dans un supermarché pourrait être remise aux agents douaniers pour être détenue, puis déportée si l’ICE le juge nécessaire. Un conducteur ayant fui la scène d’un accident, même mineur, pourrait subir le même sort, pour ne citer que ces deux cas très courants aux Etats-Unis.

Les cas généralement gérés par les stations de police locales seront désormais transférés au service de l’immigration.

 

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