À l’occasion de la 80ᵉ Assemblée générale des Nations Unies, le président kényan William Ruto a dressé un bilan contrasté de la Mission multinationale d’appui à la sécurité (MMAS) déployée en Haïti.
Selon lui, le mandat de cette force, qui doit arriver à son terme dans les prochains jours, a permis des avancées tangibles, mais reste affaibli par un déficit de ressources.
Depuis plusieurs mois, environ un millier de soldats kényans assurent le leadership de la MMAS en Haïti, un pays en proie à une crise sécuritaire majeure.
À la tribune des Nations Unies, William Ruto s’est félicité de « progrès considérables » rendus possibles par cette présence militaire.
Grâce à nos troupes, beaucoup d’écoles ont pu rouvrir leurs portes et de nombreuses familles ont pu regagner leurs maisons , a affirmé le président kényan. Il a toutefois reconnu que la situation restait toujours précaire dans la capitale Port-au-Prince et ses environs, où près de 90 % du territoire urbain demeurerait sous l’influence des gangs, selon des estimations onusiennes.
Le chef d’État kényan a insisté sur la contribution courageuse et décisive de ses soldats, saluant leur rôle dans la stabilisation de zones jusque-là paralysées par la violence.
Tout en mettant en avant les résultats obtenus, William Ruto a souligné les limites structurelles de la mission. Selon lui, les moyens mis à disposition de la MMAS par les États contributeurs sont insuffisants pour assurer le plein succès de l’opération.
Le maigre soutien logistique et financier a entravé le bon fonctionnement de la mission, a regretté le président kényan, appelant les pays donateurs à assumer davantage leurs responsabilités.
Cette critique intervient alors que l’ONU peine à mobiliser les fonds promis pour soutenir la MMAS. Une grande partie des contributions annoncées par certains États membres n’a pas encore été débloquée, compliquant l’approvisionnement en équipements essentiels et le déploiement de personnel supplémentaire.
Un contexte politique et sécuritaire toujours instable
La mission menée par le Kenya avait été approuvée par le Conseil de sécurité de l’ONU en octobre 2023, après plusieurs mois de discussions. Elle s’inscrivait dans une réponse internationale aux appels pressants du gouvernement haïtien et des organisations locales, confrontés à une montée sans précédent de la violence des gangs.
Depuis l’assassinat de l’ancien président Jovenel Moïse en 2021, Haïti vit en effet dans une instabilité chronique. Les groupes armés contrôlent la quasi-totalité de Port-au-Prince et multiplient les enlèvements, les extorsions et les affrontements meurtriers. Cette insécurité généralisée a entraîné le déplacement de centaines de milliers de personnes et provoqué une crise humanitaire majeure.
Malgré l’appui kényan, la MMAS n’a pas réussi à neutraliser l’ensemble des réseaux criminels. Plusieurs opérations militaires ont permis de dégager des quartiers stratégiques, mais les gangs conservent une capacité de nuisance élevée.
L’intervention kényane avait été saluée comme une étape symbolique, marquant l’engagement d’un pays africain à diriger une mission multinationale en dehors de son continent. Le président Ruto avait présenté ce déploiement comme une démonstration de la solidarité Sud-Sud, affirmant que la sécurité mondiale est une « responsabilité partagée ».
À New York, plusieurs responsables internationaux ont reconnu les efforts du Kenya. Mais le manque de financement et la lenteur de la mobilisation internationale ont soulevé des doutes sur la viabilité de la mission. Certains diplomates craignent que l’expiration du mandat de la MMAS sans renouvellement ou renforcement des moyens ne laisse Haïti replonger dans une spirale de violence incontrôlable.
Une autre mission de plus de 5,500 membres devraient être déployée en Haiti, selon une résolution introduite par les Etats-Unis et le Panama. Toutefois, aucun calendrié n’a été communiqué sur la date du déploiement des premières troupes en Haiti.
L’avenir de la mission reste incertain. Alors que le mandat touche à sa fin, le Conseil de sécurité doit se prononcer sur son éventuelle prolongation ou sur une reconfiguration de son cadre. Plusieurs pays, dont les États-Unis et le Canada, ont réitéré leur engagement à soutenir Haïti, mais sans annoncer de nouveaux déploiements de troupes.