Alan Junior Pierre, un jeune Haïtien de 20 ans, est enfermé dans un centre de détention de l’immigration à Newark, dans le New Jersey depuis le 3 juin. Pourtant, ce lycéen de Spring Valley High School vivait légalement aux États-Unis, bénéficiant d’un statut de libération conditionnelle (parole) accordé en janvier dernier, et son père est citoyen américain, selon ce qu’a rapporté USA Today.
Alan, qui n’a aucun antécédent criminel, avait demandé l’asile à la frontière américano-mexicaine et avait été autorisé à rester sur le territoire américain en attendant l’évolution de sa situation. Selon son avocat, Vince Sykes, interrogé par The Journal News/lohud, cette décision de l’ICE (Immigration and Customs Enforcement) reposait sur des motifs humanitaires et le soutien familial dont bénéficie le jeune homme.
« Il a suivi la procédure légale telle qu’elle existait », a insisté Me Sykes, soulignant que son client « a respecté toutes les règles ». Et pourtant, déplore-t-il, « aujourd’hui, Alan est enfermé dans un centre de détention, il a manqué la fin de l’année scolaire et ne peut pas voir sa famille », selon USA Today.
Le 3 juin, Alan s’était rendu à un centre fédéral pour une simple prise d’empreintes digitales, dans le cadre de son processus d’ajustement de statut. C’est là que les agents de l’ICE l’ont arrêté. « Il a reçu une convocation dans le Bronx, s’y est rendu, et s’est fait arrêter « , a expliqué Sykes à USA Today.
Depuis, ni son avocat ni sa famille n’ont pu le rencontrer en personne. L’avocat a seulement pu établir une communication par visioconférence. Quant à son père, Dutan Pierre, résident de Nanuet dans l’État de New York, il s’est rendu au centre de détention, situé à une heure de route, mais s’est vu refuser l’entrée, faute de créneaux disponibles pour les visites. Lors de son retour un autre jour, il n’y avait plus de places non plus.
« C’est ironique — et profondément troublant — que son respect du processus d’immigration soit la cause de son arrestation », a écrit Me Sykes dans une lettre adressée le 24 juin au directeur du bureau local de l’ICE à Newark, consultée par The Journal News/lohud.
Ce qui complique encore davantage la situation d’Alan, c’est la particularité de son dossier : ayant obtenu sa libération conditionnelle à la frontière, c’est ICE, et non un juge de l’immigration, qui détient la compétence sur son cas. Résultat : aucun juge ne peut ordonner sa libération sous caution. « C’est absurde. N’importe quel juge l’aurait relâché. Il n’a aucun dossier criminel », a martelé son avocat.
Face à cette impasse, Sykes envisage de déposer un recours en habeas corpus devant un tribunal fédéral, une procédure lourde et complexe, mais peut-être le seul moyen de contester la légalité de cette détention prolongée.
Dutan Pierre, le père d’Alan, a entamé une procédure de régularisation familiale pour son fils (formulaire I-130), qui pourrait également prétendre au statut spécial pour mineur immigré (Special Immigrant Juvenile Status), étant donné qu’il a moins de 21 ans et est scolarisé à plein temps. Mais tant qu’il reste détenu dans le New Jersey, Alan ne peut pas se présenter devant un juge du comté de Rockland pour faire avancer cette demande.
Pour ne rien arranger, ICE aurait présenté au jeune homme des documents de « départ volontaire » à signer. Mais Alan aurait refusé. « Voilà pourquoi il est crucial que les personnes arrêtées puissent bénéficier rapidement d’un avocat », a souligné Me Sykes dans USA Today, évoquant le droit constitutionnel à une défense efficace.
Le père d’Alan est inquiet. Si son fils devait être expulsé vers Haïti, il serait livré à lui-même dans un pays ravagé par les gangs, l’effondrement de l’État et la violence généralisée. Le département d’État américain déconseille formellement tout voyage vers Haïti en raison des risques extrêmes.
Dans une interview poignante accordée à The Journal News/lohud, le père d’Alan, les larmes aux yeux, a expliqué avec l’aide du révérend Jean Claude Dorcelly que son fils était un « garçon gentil et intelligent ». Mais, face à la possibilité qu’il soit expulsé, il a craqué. « C’est trop triste », a-t-il dit en créole haïtien. « S’il retourne là-bas, il sera tout seul. Les bandits ont tout détruit. »