Le chargé d’affaires américain a fixé les priorités de Washington en Haiti: sécurité par la nouvelle force multinationale et processus électoral immédiat, dans un message direct au CPT.
Dans une intervention remarquée et sans ambages, le chargé d’affaires américain Henry T. Wooster a adressé samedi 4 octobre un message clair au Conseil présidentiel de transition (CPT) : le temps des atermoiements est révolu. « Je veux être clair, le moment est venu pour le CPT et les autres membres du gouvernement haïtien de remplir leur rôle afin de présenter un plan précis et assorti d’un calendrier pour les élections et la transition politique », a-t-il déclaré, lors d’un échange avec Mike Hankey, conseiller principal de l’ambassade, diffusé sur les réseaux sociaux.
De retour de Washington, le plus haut diplomate américain en poste en Haïti a ainsi posé un cadre exigeant pour la suite de la transition, quelques heures seulement avant le départ du président du CPT, Laurent Saint-Cyr, pour une tournée diplomatique aux États-Unis.
« Les postes politiques ne sont pas à vie » : un rappel à l’ordre sans équivoque
La déclaration de M. Wooster ne laisse place à aucune ambiguïté. En martelant que « les postes politiques ne sont pas à vie », il exerce une pression directe sur les autorités transitionnelles à l’approche de l’échéance du 7 février 2026. Reconnaissant un certain « scepticisme » quant à la capacité du pays à sortir de la crise, il a néanmoins réaffirmé l’objectif fondamental de la politique américaine : « Nous recherchons la sécurité et la possibilité pour les Haïtiens d’écrire leur propre avenir ».
Sur le fond, le diplomate a insisté sur la responsabilité première des Haïtiens dans la résolution de l’impasse. « Haïti doit ouvrir la voie pour sortir de sa propre crise politique, qui est au cœur de la crise sécuritaire », a-t-il estimé, tout en promettant que les États-Unis « vont travailler avec le CPT et le gouvernement pour donner aux Haïtiens un point de départ en matière de sécurité, et l’opportunité d’élire leurs dirigeants pour la première fois depuis 2016 ».
La nouvelle force multinationale : un levier pour « reprendre le contrôle de l’avenir »
L’autre pilier de l’intervention américaine concerne la mise en œuvre de la Force de répression des gangs (FRG) et du Bureau d’appui des Nations Unies en Haïti (BANUH), récemment autorisés par le Conseil de sécurité de l’ONU. M. Wooster a salué cette « bonne nouvelle » et qualifié le soutien de son pays de « étape importante » démontrant l’engagement international.
Il a décrit une force « plus robuste, composée de 5500 soldats » dont la mission sera d’« aider les forces de sécurité nationales haïtiennes à lutter contre les gangs criminels sans foi ni loi ». L’objectif, selon ses termes, est des plus clairs : « reprendre le contrôle de l’avenir d’Haïti des mains des terroristes ». Le diplomate a appelé à faire « tout ce qui est possible pour mettre cette force en activité le plus rapidement possible », promettant une collaboration étroite de Washington avec le gouvernement haïtien et ses partenaires pour y parvenir.
Le timing de cette déclaration publique, juste avant la visite de Laurent Saint-Cyr aux États-Unis, est hautement significatif. Elle fixe l’agenda des discussions à venir et place la délégation haïtienne en position de devoir répondre à des attentes précises. Washington envoie ainsi un signal fort : le soutien à la sécurité, matérialisé par la FRG, est indissociable de l’impératif d’une transition politique crédible et rapide.
Alors que le CPT navigue entre la pression internationale grandissante et les blocages politiques et sécuritaires internes, le message de Henry T. Wooster dessine les contours non-négociables de la feuille de route que la communauté internationale attend désormais de voir sur la table. La balle est désormais dans le camp des autorités haïtiennes, sommées de transformer les paroles en actes concrets pour éviter un vide institutionnel en février 2026.