Trump Organization augmente le recours à la main-d’œuvre étrangère, malgré la croisade migratoire du président

Darbouze Figaro

Alors que l’administration du président Donald Trump revendique la « plus vaste opération de déportation de l’histoire récente », l’empire familial sur lequel il a bâti sa fortune continue d’avoir massivement recours à des travailleurs étrangers. Selon des données du Department of Labor citées par The Independent, la Trump Organization a demandé cette année près de deux cents visas temporaires pour pourvoir des postes dans ses clubs de golf, son complexe de Mar-a-Lago et un vignoble en Virginie – un niveau jamais atteint jusqu’ici.

D’après les chiffres compilés initialement par le magazine Forbes, l’entreprise a déposé des demandes pour cent quatre-vingt-quatre travailleurs étrangers via les programmes de visas H-2A et H-2B. Ces autorisations concernent des emplois saisonniers, notamment dans l’hôtellerie, la restauration et l’agriculture. Les postes proposés – serveurs, cuisiniers, barmans, femmes de chambre ou personnel de cuisine – sont rémunérés entre quinze dollars cinquante-huit et vingt-sept dollars quatre-vingt-onze de l’heure, selon les déclarations transmises au gouvernement fédéral.

Les demandes de visas déposées par la Trump Organization sont en hausse constante depuis 2021, année où le groupe cherchait à recruter cent vingt-et-un travailleurs étrangers, toujours selon les données officielles. The Independent relève que la nationalité des salariés concernés n’apparaît pas dans les documents publics, mais que des ressortissants de quatre-vingt-dix pays sont éligibles à ces programmes. Le quotidien britannique rappelle aussi que la fortune de Donald Trump est estimée à environ six milliards et demi de dollars, une richesse qui découle désormais en grande partie des activités de cryptomonnaies de la famille plutôt que de l’immobilier traditionnel.

Ce recours massif à des travailleurs étrangers intervient au moment même où la Maison-Blanche durcit le ton sur l’immigration. Le président Trump présente régulièrement ses opérations d’arrestations et d’expulsions comme un pilier de sa doctrine « America First », censée privilégier les travailleurs américains et réduire la dépendance aux visas. Le contraste entre cette ligne politique et la stratégie de recrutement de son propre groupe alimente les accusations de double discours de la part de ses détracteurs.

Les visas H-2A et H-2B utilisés par la Trump Organization sont destinés à des emplois temporaires, souvent difficiles et peu attractifs, dans l’agriculture, l’hôtellerie ou les services saisonniers. Mais la polémique a été ravivée lorsque le président a été interrogé sur un autre programme, celui des visas H-1B, réservés aux travailleurs hautement qualifiés, notamment dans la technologie et l’ingénierie. Sur Fox News, l’animatrice Laura Ingraham lui a demandé pourquoi les entreprises ne pouvaient pas simplement embaucher des « personnes talentueuses » déjà présentes aux États-Unis.

Donald Trump a rejeté cette critique en affirmant que le pays ne dispose pas de toutes les compétences nécessaires. « Non, ce n’est pas le cas », a-t-il répondu, selon un extrait cité par The Independent. « Il y a certains talents que nous n’avons pas, et que les gens doivent acquérir. Vous ne pouvez pas prendre quelqu’un dans une file de chômeurs et lui dire : « Je vais te mettre dans une usine pour fabriquer des missiles. » » Par cette formule, le président a voulu défendre l’idée que certains secteurs restent dépendants de l’immigration de travail, y compris qualifiée.

Ces propos ont cependant provoqué la colère d’une partie de la base la plus fidèle à Donald Trump. Sur les réseaux sociaux, des figures du courant MAGA ont dénoncé ce qu’elles considèrent comme une trahison de la promesse de protéger les emplois américains. La députée républicaine Marjorie Taylor Greene, déjà en conflit ouvert avec la Maison-Blanche sur d’autres dossiers, s’est montrée particulièrement virulente. « Je suis fermement opposée à ce que vous soyez remplacés par de la main-d’œuvre étrangère, comme avec les H-1B », a-t-elle déclaré à ses partisans sur X, en visant directement la politique de visas défendue par le président.

Cette fracture intervient alors même que l’administration Trump avait suscité un tollé, en septembre, en portant les frais de dépôt de certains visas H-1B jusqu’à cent mille dollars, officiellement pour inciter les entreprises à embaucher des Américains en priorité. Les critiques y voient désormais un message brouillé : d’un côté, l’exécutif renchérit le coût des visas pour les sociétés de la tech ; de l’autre, l’entreprise du président augmente elle-même sa dépendance à la main-d’œuvre étrangère, même si les programmes utilisés ne sont pas les mêmes.

Ni la Trump Organization ni la Maison-Blanche n’ont répondu immédiatement aux demandes de commentaires du Independent, qui souligne avoir sollicité le groupe pour qu’il explique pourquoi ces postes n’avaient pas pu être pourvus avec des travailleurs américains. Les défenseurs du président rétorquent, eux, que l’hôtellerie de luxe et l’agriculture saisonnière peinent depuis des années à recruter suffisamment de personnel local, et que le recours aux H-2A et H-2B s’inscrit dans un cadre légal clair.

Reste que la juxtaposition des chiffres – des milliers d’arrestations d’étrangers en situation irrégulière d’un côté, près de deux cents travailleurs étrangers légalement recrutés pour servir dans les clubs de golf et à Mar-a-Lago de l’autre – nourrit un malaise politique au sein même du camp trumpiste. Entre les impératifs économiques de secteurs fortement dépendants de la migration de travail et une rhétorique intransigeante sur l’immigration, le président et son entourage devront convaincre que leur usage des visas demeure compatible avec la promesse d’« America First » qui a porté Donald Trump à la Maison-Blanche.

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