TPS pour les Haïtiens officiellement terminé : Washington fixe la date du 3 février 2026 et pousse à la « self-deportation »

Emmanuel Paul
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Emmanuel Paul
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Emmanuel Paul est un journaliste chevronné et un conteur accompli, animé par un engagement profond envers la vérité, la communauté et l’impact social. Il est le...

Le Département de la Sécurité intérieure (DHS) a confirmé, dans un avis publié ce 26 novembre 2025, la fin du Temporary Protected Status (TPS) pour Haïti à compter du 3 février 2026. Cette décision, signée par la secrétaire à la Sécurité intérieure Kristi Noem, vient clore plusieurs mois de bras de fer politique et judiciaire autour du sort de plusieurs centaines de milliers de ressortissants haïtiens installés légalement aux États-Unis sous ce statut humanitaire.

Dans son communiqué, le DHS explique que, après consultation avec d’autres agences fédérales, la secrétaire Noem a conclu qu’Haïti « ne répond plus aux exigences prévues par la loi » pour bénéficier du TPS et que permettre aux Haïtiens de rester temporairement sur le sol américain serait désormais « contraire à l’intérêt national des États-Unis ».

Un statut humanitaire qui s’achève le 3 février 2026

Le TPS est un dispositif prévu par la loi sur l’immigration américaine qui permet de protéger de l’expulsion les ressortissants de pays frappés par un conflit armé, une catastrophe naturelle ou des « conditions extraordinaires et temporaires ». Les bénéficiaires peuvent vivre et travailler légalement aux États-Unis pour une période déterminée, renouvelable.

Haïti avait été de nouveau désigné pour le TPS en 2021, puis prolongé en 2023 et 2024 en raison de la dégradation spectaculaire de la situation sécuritaire, économique et humanitaire. En juillet 2025, la secrétaire Noem avait déjà annoncé la fin du TPS haïtien à la date du 2 septembre 2025, avant qu’un juge fédéral ne la bloque, estimant qu’elle ne pouvait pas abréger une prolongation déjà accordée jusqu’au 3 février 2026.

La nouvelle annonce ne change donc pas la date butoir : le 3 février 2026 reste le jour où la protection spéciale prendra fin, mais le DHS entérine officiellement que le TPS ne sera pas renouvelé pour Haïti.

Un message explicite aux Haïtiens sous TPS : « préparez votre départ »

Le texte mis en ligne par l’USCIS (le service de citoyenneté et d’immigration) est sans ambiguïté : les Haïtiens actuellement protégés par le TPS et « qui n’ont aucun autre fondement légal de séjour » sont invités à « se préparer à quitter les États-Unis » à l’expiration de la désignation.

Dans le même communiqué, le DHS promeut ouvertement les outils de « départ volontaire » mis en place par l’administration du président Donald Trump, en particulier l’application mobile CBP Home, rebaptisée et élargie en 2025 dans le cadre du programme Project Homecoming.

Les autorités y voient un moyen « sûr et pratique » pour signaler sa sortie du territoire. Les personnes qui acceptent de se « self-déporter » via l’application se voient promettre, selon les documents officiels du DHS et de la CBP :

  • un billet d’avion pris en charge ou une aide au voyage,
  • un « exit bonus » de 1 000 dollars versé après confirmation du départ,
  • la remise ou l’atténuation de certaines amendes civiles,
  • et la possibilité, sous certaines conditions, de présenter plus tard une demande d’immigration légale.

Des organisations de défense des droits des migrants dénoncent toutefois un dispositif de pression à la « self-deportation », estimant que ces incitations financières masquent une stratégie visant à pousser les étrangers à quitter d’eux-mêmes le pays plutôt que d’assumer politiquement des expulsions de masse.

Des centaines de milliers d’Haïtiens potentiellement concernés

Les estimations varient, mais les juristes et associations parlent de plusieurs centaines de milliers de personnes directement ou indirectement touchées. Des analyses indépendantes évoquent jusqu’à 500 000 Haïtiens protégés, si l’on inclut les différents volets de TPS et les familles mixtes vivant sous ce régime au fil des années.

Beaucoup résident aux États-Unis depuis longtemps, ont des enfants citoyens américains, un emploi stable, un logement, et ont construit leur vie autour de ce statut renouvelé à plusieurs reprises depuis le séisme de 2010, puis les vagues successives de violence et de crises politiques.

La décision du DHS signifie qu’à partir du 3 février 2026 :

  • les permis de travail liés au TPS ne pourront plus être renouvelés,
  • la protection contre l’expulsion prendra fin,
  • et ceux qui n’auront pas obtenu un autre statut (asile, carte verte par la famille, etc.) se retrouveront en situation irrégulière ou devront quitter le territoire.

Les avocats spécialisés anticipent une forte demande de consultations juridiques à mesure que la date approchera, mais préviennent que les voies légales alternatives sont limitées et complexes.

Un contraste frappant avec la réalité en Haïti

La justification avancée par le DHS repose sur l’idée que Haïti ne présente plus des « conditions extraordinaires et temporaires » empêchant le retour en sécurité de ses ressortissants. Kristi Noem et l’administration Trump défendent la thèse d’un pays suffisamment stabilisé pour accueillir ses nationaux.

Pourtant, de nombreux rapports internationaux dressent un tableau diamétralement opposé :

  • plus de 5 000 homicides attribués aux gangs en un an,
  • près de 90 % de Port-au-Prince contrôlés par des groupes armés,
  • plus d’un million de déplacés internes,
  • et près de la moitié de la population ayant besoin d’aide humanitaire, selon les données citées par des élus du Congrès dans une lettre adressée à Kristi Noem en mars 2025.

Dans cette missive, des parlementaires, dont la représentante Ayanna Pressley, dénonçaient déjà la tentative de mettre fin prématurément au TPS haïtien en 2025, y voyant une décision « en contradiction avec les preuves écrasantes que Haïti reste un pays profondément dangereux pour ses habitants ».

Un tournant politique majeur pour la communauté haïtienne

La fin programmée du TPS pour Haïti s’inscrit dans une recomposition plus large de la politique migratoire du président Donald Trump et de la secrétaire Noem, qui ont déjà mis un terme à des protections similaires pour d’autres pays comme le Venezuela ou Cuba.

Pour la diaspora haïtienne, notamment en Floride, au Massachusetts et à New York, la date du 3 février 2026 devient un horizon angoissant :

  • certains envisagent des déménagements internes vers des États perçus comme plus protecteurs,
  • d’autres cherchent en urgence une autre base légale pour rester,
  • beaucoup craignent une explosion des départs forcés ou « volontaires », avec des familles déchirées et des enfants citoyens américains confrontés à des choix impossibles.

Sur le plan politique, les appels se multiplient déjà pour demander au Congrès de revenir sur la décision ou de créer un mécanisme de régularisation permanente pour les bénéficiaires de longue date. Mais pour l’heure, le signal envoyé par le DHS est clair : sauf revirement législatif ou judiciaire, le TPS pour Haïti s’arrêtera bien le 3 février 2026.

https://ctninfo.com/fr/tps-pour-les-haitiens-officiellement-termine-washington-fixe-la-date-du-3-fevrier-2026-et-pousse-a-la-self-deportation/

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