Fin du TPS pour les Haïtiens : « C’est une condamnation à mort », dénoncent les communautés haïtiennes d’Ohio

Emmanuel Paul
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Emmanuel Paul
Journalist/ Storyteller
Emmanuel Paul est un journaliste chevronné et un conteur accompli, animé par un engagement profond envers la vérité, la communauté et l’impact social. Il est le...

Des milliers de ressortissants haïtiens installés dans l’Ohio, protégés jusqu’à présent par le statut de protection temporaire (TPS), se retrouvent soudainement face à un dilemme : faire face aux pressions quotidiennes de déportation de l’administration Trump ou retourner dans leur pays natal dévasté par des crises multidimensionnelles.

Selon eux, retourner en Haïti aujourd’hui reviendrait à « signer leur arrêt de mort ».

C’est l’administration Trump, par la voix de la secrétaire à la Sécurité intérieure Kristi Noem, qui a annoncé la fin définitive de ce programme pour les Haïtiens. « Le TPS expirera officiellement le 3 août, et les protections seront levées le 2 septembre ». Cette décision met fin à une extension accordée sous l’administration Biden, qui aurait dû courir jusqu’en 2026. Un juge fédéral dans un tribunal du district de New York a décidé que l’administration Trump ne peut pas mettre fin au statut de protection temporaire pour les Haïtiens aux États-Unis sans faire une évaluation en profondeur de la situation sécuritaire en Haïti.

À Columbus, où vivent environ 30 000 Haïtiens, l’annonce a provoqué une onde de choc. Pour Jean Manuel, entrepreneur et militant communautaire, le danger est tel en Haïti que « la seule option est de fuir vers un autre pays sûr, comme le Canada ou le Mexique ». Mais même cette voie reste semée d’embûches, selon USA Today qui a réalisé un dossier spécial sur les Haïtiens dans l’État de l’Ohio.

« Pour immigrer légalement au Canada, il faut avoir de la famille qui peut vous accueillir, et beaucoup de nos compatriotes n’en ont pas », explique Vilés Dorsainvil, directeur du Centre d’entraide de la communauté haïtienne à Springfield, une ville de 60 000 habitants dont près de 30 % sont des immigrants haïtiens.

Le Département de la Sécurité intérieure justifie la fin du TPS en affirmant qu’Haïti ne répond plus aux critères d’un pays en crise. Le TPS est en effet réservé aux pays en guerre, frappés par une catastrophe naturelle ou traversant une situation exceptionnelle temporaire.

Mais cette lecture est fermement rejetée par ceux qui connaissent la réalité du terrain.

« Chaque quartier est contrôlé par un gang. Ils brûlent des maisons, tuent des enfants, vident des zones entières », témoigne Jean Manuel. « C’est ça, la vie qu’on leur propose ? C’est une condamnation à mort », a-t-il déclaré à USA Today.

Le gouverneur républicain de l’Ohio, Mike DeWine, a lui aussi exprimé publiquement son désaccord avec la décision de Washington, dans un soutien en demi-teinte à la communauté haïtienne dans son État. « Haïti est l’un des endroits les plus dangereux au monde. Les choses sont devenues encore pires », a-t-il déclaré au Statehouse News Bureau.

En visite à Springfield, où la communauté haïtienne fait face à un climat hostile alimenté par de fausses rumeurs relayées par des responsables politiques — notamment le candidat d’alors Donald Trump et son colistier J.D. Vance —, DeWine a rappelé que les Haïtiens sont essentiels à l’économie locale.

« Les entreprises m’ont dit clairement : sans les Haïtiens, on ne pourrait pas faire tourner les usines. Ils font le travail dur que d’autres ne veulent pas faire », a-t-il affirmé, selon USA Today.

Depuis l’annonce de la fin du TPS par l’administration Trump en février dernier, les conséquences sont déjà visibles. De nombreux employeurs commencent, malgré eux, à licencier leurs employés haïtiens, selon Manuel et Dorsainvil.

Faute de statut migratoire valide à venir, ils ne veulent pas investir dans une main-d’œuvre vouée à l’expulsion. Certains Haïtiens n’ont plus de quoi se nourrir ou payer leur loyer.

« Ce sont des gens qui veulent juste travailler, élever leurs enfants en paix, et contribuer », insiste Manuel. « Ce ne sont pas des criminels. »

De nombreuses organisations de défense des droits des immigrants dénoncent une décision « inhumaine » de l’administration Trump de mettre fin au statut de protection temporaire pour les immigrants haïtiens.

Pour l’instant, le TPS expirera le 2 février 2026, sauf en cas d’une décision judiciaire d’un tribunal supérieur.

L’administration Trump a déjà manifesté son intention de faire appel de la décision du juge fédéral du tribunal de première instance de New York.

Comme pour son premier mandat, il y a de fortes possibilités que ce dossier reste pendant jusqu’à la fin du mandat de Donald Trump.

En 2017, il avait déjà essayé de terminer le TPS des immigrants haïtiens. Un juge fédéral avait décidé en faveur des bénéficiaires. Le gouvernement avait fait appel. Le dossier avait traîné jusqu’à la fin du mandat de Donald Trump. Le recours en appel allait être abandonné par l’administration Biden.

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