Tijuana : plus de 10 500 Mexicains expulsés pris en charge, un centre d’accueil maintient une règle stricte de 72 heures au nom de la sécurité

Emmanuel Paul
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Journalist/ Storyteller
Emmanuel Paul est un journaliste chevronné et un conteur accompli, animé par un engagement profond envers la vérité, la communauté et l’impact social. Il est le...

Depuis l’entrée en fonctions du président Donald Trump, le principal centre d’accueil pour ressortissants mexicains expulsés à Tijuana a enregistré un flux soutenu, sans atteindre les volumes anticipés par les autorités locales. Au 21 octobre, 10 566 personnes avaient été admises depuis le 26 janvier ; 611 d’entre elles l’ont été depuis le début du mois en cours. Si la fréquentation se maintient, la direction affirme avoir dimensionné ses équipes pour faire face à toute augmentation.

Selon la coordinatrice de l’établissement, Mónica Juliana Vega Aguirre, le profil majoritaire reste celui d’hommes seuls, le reste des admissions correspondant à des unités familiales. Elle insiste sur l’écart entre les annonces politiques et la réalité observée : « Quand on regarde les chiffres officiels de l’Institut national des migrations, le nombre de ressortissants mexicains expulsés est en réalité inférieur à ce que nous avions observé en 2024. »

Cet écart ne conduit pas pour autant à assouplir les protocoles : le centre maintient un dispositif d’enregistrement et d’orientation capable d’absorber des pics sans saturer les dortoirs.

Depuis plusieurs jours, des responsables d’autres abris et des acteurs associatifs demandent un allongement du séjour et des entrées-sorties libres pour les personnes hébergées. La réponse de la direction reste ferme : « Il s’agit de sécurité. »

La responsable précise le cadre : « Nous accueillons de nombreuses femmes et des enfants — la gouverneure et les responsables locaux le souhaitent ainsi. »

Dans les faits, la durée maximale de prise en charge est limitée à trois jours à compter de l’admission, avec un accès contrôlé aux abords du site. L’objectif revendiqué est de prévenir les risques d’exploitation, de violences et de disparitions dans une zone frontalière où se croisent expulsés, déboutés de l’asile revenant au Mexique et nouveaux arrivants.

Le centre ne se limite pas à un hébergement d’urgence et à des repas. Il propose un accompagnement administratif pour reconstituer des actes de naissance, obtenir des passeports, et délivre des aides au transport afin de faciliter un retour vers l’intérieur du pays lorsque des attaches familiales ou des perspectives d’emploi existent.

La démarche reste volontaire : d’après la direction, les personnes expulsées sont libres de refuser tout ou partie des services offerts, y compris les aides de déplacement, sans autre obligation que le respect des règles internes.

À Tijuana, la politique d’hébergement d’urgence pour les populations en transit ou en retour s’inscrit dans un contexte de réaménagement des capacités. Des autorités ont annoncé leur intention de démonter une grande structure d’accueil récente, relançant un débat sur le modèle à privilégier : centres de séjour court très régulés, ou dispositifs autorisant des temps plus longs avec des droits de sortie élargis.

Dans cette discussion, la ligne de conduite défendue par Vega Aguirre — séjour bref, contrôle de l’accès, priorité aux publics vulnérables — a reçu l’appui explicite du pouvoir régional : « Nous accueillons de nombreuses femmes et des enfants — la gouverneure et les responsables locaux le souhaitent ainsi. »

Les 10 566 admissions cumulées depuis le 26 janvier, dont 611 au mois d’octobre à date, donnent un ordre de grandeur mais ne reflètent pas l’ampleur des trajectoires individuelles. Beaucoup de personnes expulsées ont vécu plusieurs années aux États-Unis ; d’autres sont des travailleurs saisonniers ou ont été rapatriées à la suite de procédures judiciaires. Certaines arrivent après des contrôles renforcés près de la frontière. La rotation rapide imposée par la règle des 72 heures vise à éviter l’errance en ville tout en libérant des places pour les admissions suivantes.

Pour la direction, la combinaison enregistrement rapide, délivrance de documents et bon de transport constitue un levier décisif pour prévenir les situations de rue. Les associations alertent toutefois sur un risque de « refrontiérisation » de certains parcours : sans hébergement au-delà de trois jours ni accompagnement approfondi, des personnes pourraient revenir vers la zone de Tijuana faute d’alternative.

Par la rédaction —D’après un reportage de Salvador Rivera pour Border Report, repris par WAVY News 10

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