Sûreté portuaire : Haïti sous la menace de sanctions américaines

Darbouze Figaro

La Garde côtière américaine (USCG) a formellement notifié au gouvernement haïtien ses graves préoccupations concernant la mise en œuvre du Code international pour la sûreté des navires et des installations portuaires (ISPS). Selon une correspondance diplomatique dont Le Nouvelliste a obtenu copie, les autorités américaines estiment que les ports haïtiens présentent des défaillances sécuritaires critiques qui pourraient entraîner, sous 90 jours, des restrictions d’accès aux ports américains pour les navires en provenance d’Haïti.

Le document, transmis via l’ambassade des États-Unis le mercredi 12 novembre 2025, dresse un constat sévère : « Le gouvernement haïtien ne met pas en œuvre de manière substantielle le Code ISPS » et ne « constate pas la mise en place de mesures de sécurité efficaces ». L’USCG pointe notamment l’incapacité des autorités à « empêcher l’accès non autorisé aux installations portuaires » et à « contrecarrer l’introduction d’armes ou d’explosifs », en raison des activités criminelles qui « ont compromis la sécurité ».

La situation sécuritaire haïtienne est au cœur des préoccupations américaines. L’USCG souligne que le gouvernement n’aurait « qu’une connaissance et un contrôle minimes » des mouvements des navires internationaux dans ses eaux.

Le délai imparti pour rectifier le tir est court. Haïti dispose de trois mois pour démontrer des progrès substantiels, sous peine de voir appliquer des mesures contraignantes. Les navires faisant escale dans les ports haïtiens pourraient être contraints de :

Maintenir un niveau de sûreté équivalent au niveau 2 du Code ISPS
Assurer une surveillance permanente de tous les points d’accès
Tenir un journal détaillé des mesures de sécurité
Employer éventuellement des agents de sécurité privés armés

« Les navires qui ne prennent pas les mesures requises peuvent se voir refuser l’entrée dans les ports américains », avertit l’USCG.

Contacté par Le Nouvelliste, le directeur général de l’Autorité portuaire nationale (APN), Jean Evens Charles, se veut rassurant : « Nous donnerons les réponses exigées avant même le délai de 90 jours ». Et d’ajouter : « Nous avons déjà résolu des problèmes plus graves en 2004 avec moins de moyens ».

M. Charles reconnaît toutefois certaines difficultés, notamment une rupture dans la communication avec les partenaires américains depuis trois ans, due à l’insécurité. « Selon mes recherches, l’APN n’avait plus contact avec nos partenaires américains depuis plusieurs années », affirme-t-il, tout en assurant que son institution « a beaucoup d’expérience dans ce domaine ».

Le directeur général détaille les actions déjà engagées :
Évaluation complète des déficiences
Mobilisation d’experts internationaux
Renforcement des patrouilles dans la rade de Port-au-Prince
Collaboration avec les Forces armées d’Haïti et la Police nationale
Installation de miradors blindés autour du port principal

« Les bandits ne peuvent plus s’approcher du port de Port-au-Prince », assure Jean Evens Charles, tout en précisant que la Force multinationale de sécurité n’intervient pas dans la sécurisation portuaire.

Cette mise en garde de l’USCG intervient un an après la suspension des vols commerciaux américains vers l’aéroport Toussaint-Louverture, suite à des incidents de tirs sur des appareils. Elle s’inscrit dans un contexte plus large de dégradation sécuritaire qui affecte tous les secteurs vitaux du pays.

Les autorités haïtiennes doivent maintenant faire la preuve de leur capacité à rétablir des normes internationales de sûreté portuaire dans un délai contraint, sous la menace de sanctions économiques qui affecteraient durablement les échanges maritimes et l’économie nationale.

L’USCG se dit « consciente des difficultés importantes » rencontrées par Haïti et se déclare prête à accompagner les efforts de mise en conformité. La balle est désormais dans le camp des autorités haïtiennes, qui doivent non seulement corriger les défaillances techniques, mais aussi rétablir la confiance de leurs partenaires internationaux dans un contexte sécuritaire extrêmement volatil.

Partager cet article