Après 40 jours de paralysie fédérale, le Sénat a franchi dimanche soir une étape déterminante vers la réouverture du gouvernement en votant, 60 voix contre 40, l’ouverture des débats sur un paquet budgétaire combinant une résolution temporaire jusqu’au 30 janvier 2026 et trois lois de crédits annuels (Agriculture/FDA, Anciens combattants et construction militaire, pouvoirs législatifs).
Ce vote n’achève pas la crise, mais il en fixe pour la première fois un chemin de sortie clair.
Le texte — amendé sur la base d’un véhicule déjà adopté par la Chambre — devra encore être approuvé définitivement par les deux chambres avant d’être transmis au président pour promulgation.
Le compromis prévoit :
- le financement complet pour l’exercice en cours des trois titres précités,
- la prolongation provisoire des autres agences jusqu’au 30 janvier 2026,
- la réintégration des agents fédéraux licenciés pendant la fermeture, avec versement des arriérés,
- une interdiction de nouvelles réductions d’effectifs d’ici fin janvier.
Les républicains du Sénat se sont engagés à organiser en décembre un vote sur l’extension des crédits d’impôt ACA (Obamacare) qui expirent à la fin de l’année — point de blocage majeur pour les démocrates.
Le chef de la majorité, John Thune, a salué « un bon vote » et dit espérer accélérer la suite des procédures dès lundi, à condition d’obtenir l’unanimité pour limiter les délais.
Le président Donald Trump a, de son côté, déclaré à la presse : « On dirait que nous nous rapprochons de la fin de la fermeture. » Ces signaux laissent entrevoir une issue rapide si la Chambre suit.
Le vote n’a pas été sans coût politique.
Huit membres du camp démocrate (et l’indépendant Angus King) ont accepté d’avancer sans garantie d’inscrire immédiatement l’extension des crédits ACA dans le texte, misant sur un vote séparé en décembre. Cette stratégie a suscité une vive résistance de l’aile progressiste au Sénat et à la Chambre, qui redoute une hausse des primes de santé si l’extension n’est pas adoptée avant le 31 décembre.
Chuck Schumer a voté « non », tout comme plusieurs progressistes ; des élus influents à la Chambre, dont Hakeem Jeffries, menacent de s’opposer au paquet tant que l’extension n’est pas sécurisée législativement.
Côté républicain, quelques voix — Rand Paul, Mike Lee, Ron Johnson — ont tenté d’imprimer leurs priorités (amendements de politique publique, critique du processus budgétaire), mais la majorité conduite par Thune estime désormais disposer des voix nécessaires pour boucler le paquet au Sénat. Reuters note que l’exécutif pousse parallèlement une piste de paiements directs en matière de santé plutôt que l’extension des subventions ACA — un débat qui restera ouvert même en cas de réouverture.
En six semaines, la crise a laissé des centaines de milliers d’agents sans paie, désorganisé la distribution de l’aide alimentaire SNAP et ralenti les services publics. Sur le transport aérien, la FAA a réduit le trafic jusqu’à 10 % dans 40 grands aéroports pour soulager des contrôleurs épuisés et non rémunérés, provoquant des annulations et retards en chaîne.
Les marchés et les milieux économiques, inquiets d’un impact sur la croissance du quatrième trimestre si la crise perdurait jusqu’à Thanksgiving, ont accueilli le vote de dimanche comme un signal de détente. Bloomberg relevait dès lundi matin une orientation positive à Wall Street à l’espoir d’une réouverture rapide.
Deux cheminements se dessinent :
- Voie rapide : le Sénat obtient le consentement unanime pour comprimer les délais procéduraux et transmettre le paquet à la Chambre « en quelques jours ». La Chambre l’adopte avec une coalition républicains plus démocrates modérés, et le président promulgue, permettant une réouverture des agences avant la fin de semaine.
- Voie lente : les progressistes refusent d’abréger les débats, des sénateurs exigent des votes additionnels, et la Chambre attend le texte définitif. La fermeture grignote encore plusieurs jours, sous pression de l’opinion et des perturbations opérationnelles.
Dans tous les cas, le bras de fer sur les crédits ACA n’est pas clos. Les démocrates favorables au compromis — Jeanne Shaheen, Maggie Hassan, Angus King — soutiennent que la séquence la plus efficace est : rouvrir d’abord, négocier ensuite des soins abordables avant le 31 décembre. Le camp Trump martèle qu’il est ouvert à « réparer » le système, mais conteste la logique des subventions actuelles ; la Maison-Blanche pousse l’idée de paiements directs aux ménages.
Politiquement, la majorité sénatoriale prouve qu’elle peut reconstruire une coalition de circonstance après plus d’un mois d’échecs. Pour les démocrates, la promesse d’un vote daté sur l’ACA vaut levier : elle met la pression sur le camp présidentiel sans prolonger un blocage qui fragilise les ménages (aide alimentaire), perturbe le trafic aérien et dégrade la confiance.
Pour les républicains, l’enjeu est de clore la crise sans concéder d’emblée la pièce maîtresse de l’opposition, tout en montrant que la gestion budgétaire peut redevenir prévisible.



