L’Unité de lutte contre la corruption (ULCC) intensifie son offensive contre la mauvaise gouvernance. Le vendredi 26 septembre, l’institution a remis à la justice sept nouveaux rapports d’enquête, portant à 63 le nombre total de dossiers transférés. Ces documents, dont un résumé a été soumis à la presse, détaillent des cas présumés de détournements de fonds, de corruption et de mauvaise gestion à travers plusieurs institutions publiques, révélant l’ampleur du fléau.
Le MJSAC dans la tourmente
Le dossier le plus sensible implique directement l’actuelle ministre de la Jeunesse, des Sports et de l’Action civique (MJSAC), Niola Lyn Sarah Dévalis Octavius. L’enquête révèle un « grand réseau de détournement » de 10 millions de gourdes alloués pour les commémorations de la bataille de Vertières en novembre 2024.
Le schéma était audacieux : sur demande de la ministre Octavius, un chèque a été émis au nom du comptable du ministère, Ludner Vogel Desforges, contournant les procédures. Ce dernier a ouvert un compte privé pour y déposer les fonds. Selon des conversations WhatsApp verbalisées, 7,66 millions de gourdes ont été remis en espèces au chef de sécurité de la ministre, Jean Vilaire Maître, entre le 22 novembre et le 11 décembre 2024.
Le reste des fonds montre des anomalies criantes : 700 000 gourdes versées sans facture pour une sonorisation, 400 000 gourdes allouées à une fédération sportive sans lien avec l’événement, et 148 000 gourdes reçues par le comptable comme « prime personnelle ». La commission qualifie ces actes de « détournement manifeste » et recommande des poursuites pour abus de fonction et association de malfaiteurs.
Scandales à la TNH et détournement de carburant
Un autre rapport accable l’ancien directeur général de la Télévision Nationale d’Haïti (TNH), Gamall Jules Augustin, déjà en détention. Il est accusé de détournements massifs, dont près de 6 millions de gourdes via des cartes de débit utilisées de manière irrégulière en quelques mois seulement. La gestion du carburant, avec 175 millions de gourdes dépensés entre 2016 et 2025, est également pointée du doigt, notamment pour des commandes disproportionnées pour des sites inactifs.
L’enquête révèle aussi de graves conflits d’intérêts : l’ancien DG aurait conclu des contrats avantageux pour des médias privés, dont il était copropriétaire, utilisant les infrastructures de la TNH.
Parallèlement, le Service National de Gestion des Résidus Solides (SNGRS) est au cœur d’un vaste scandale de carburant. Sur 396 849 gallons de diesel achetés, près de la moitié, d’une valeur estimée à 125 millions de gourdes, auraient été détournés. Le directeur général Germain Paulémon, son adjoint et une administratrice sont désignés comme les principaux responsables.
L’ULCC dévoile aussi un détournement de 24 millions de gourdes dans un projet de réhabilitation du marché communal de Ouanaminthe, financé par l’Union européenne à hauteur de 900 000 euros. Le directeur du marché, Quenox Célicourt, est accusé d’avoir conservé l’argent collecté à son domicile, tandis que le maire, Luma Démétrius, aurait perçu personnellement 185 000 gourdes sans aucun reçu. L’absence totale de rapports financiers a facilité ces malversations.
Des recommandations pour la justice
Face à l’ampleur des préjudices, l’ULCC a émis une série de recommandations vigoureuses. Sur le plan administratif, elle demande des audits complets, des suspensions et des sanctions disciplinaires pour les fonctionnaires impliqués. Sur le plan pénal, l’institution recommande systématiquement la mise en mouvement de l’action publique pour détournement de biens publics, abus de fonction et association de malfaiteurs.
Ces affaires, qui s’ajoutent à une longue liste, ternissent l’image d’Haïti et testent la capacité du système judiciaire à rendre des comptes.
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