San Diego : des centaines de migrants détenus dans un sous-sol de tribunal par ICE, faute de places en centre officiel

Emmanuel Paul
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Emmanuel Paul est un journaliste chevronné et un conteur accompli, animé par un engagement profond envers la vérité, la communauté et l’impact social. Il est le...

Une enquête du Latin Times, corroborée par Border Report et NBC San Diego, révèle que l’Agence américaine de l’immigration et des douanes (ICE) retient actuellement environ 200 migrants dans le sous-sol du tribunal fédéral du centre-ville de San Diego, faute de place dans les centres de détention officiels. Ces arrestations surviennent dans le cadre d’une nouvelle pratique : des convocations administratives de routine, dites check-ins, servent désormais de prétexte à des détentions immédiates. Cette stratégie intervient dans un contexte où la Maison-Blanche exige une augmentation du nombre d’arrestations quotidiennes.

Selon les informations recueillies par Border Report le 22 octobre 2025, des centaines de personnes à travers le pays — de Los Angeles à New York — ont été arrêtées après s’être présentées à de simples rendez-vous annuels avec ICE. Plusieurs avocats ont confirmé que leurs clients, souvent installés depuis des années aux États-Unis, avaient reçu des lettres officielles les invitant à se présenter « pour une affaire administrative ». Une fois sur place, ils ont été placés en détention, puis transférés dans des locaux improvisés situés sous le tribunal fédéral de San Diego.

Ces détentions improvisées s’expliquent par le manque de capacité au centre de détention d’Otay Mesa, le principal site de rétention de la région. Faute d’espace, ICE aurait transformé une série de salles techniques du sous-sol en zone de confinement temporaire, dépourvue de structure médicale ou de supervision indépendante. Les familles des détenus affirment ne pas pouvoir localiser leurs proches dans le système national de recherche de détenus d’ICE, ce qui les empêche d’obtenir la moindre information sur leur état ou leur situation juridique.

Une avocate ayant requis l’anonymat a décrit des conditions indignes : une température extrême, une absence d’intimité dans les sanitaires et une nourriture « non comestible ». D’autres juristes évoquent un déni d’accès aux soins médicaux, alors même que certains détenus souffrent de maladies chroniques. Un représentant légal a déclaré que plusieurs de ses clients « dorment à même le sol sur des couvertures fines, dans des pièces sans fenêtre ».

La situation a provoqué une onde de choc politique locale. Le 20 octobre, les représentants démocrates Juan Vargas et Scott Peters, élus du comté de San Diego, ont tenu une conférence de presse devant le tribunal pour dénoncer la situation. « Nous avons reçu des signalements indiquant que plusieurs personnes étaient détenues dans le sous-sol du bâtiment bien au-delà des limites légales et humaines », a déclaré M. Vargas, ajoutant que les responsables fédéraux refusent de communiquer le nombre exact de personnes retenues ou leurs identités. « Normalement, vous pouvez demander combien de personnes sont détenues, leurs âges, s’il y a des familles. Cette fois, on ne nous a rien dit », a-t-il insisté.

D’après NBC San Diego, cette hausse soudaine d’interpellations a débuté au début du mois d’octobre, lorsque des observateurs bénévoles ont recensé 11 arrestations lors de rendez-vous administratifs. En seulement quatre jours, ce chiffre est monté à 44, avant d’atteindre plusieurs centaines, selon les estimations croisées des avocats et d’associations locales.

Ces détentions massives répondraient à une directive politique impulsée par la Maison-Blanche et le directeur de cabinet adjoint du président Trump, Stephen Miller, qui pousse ICE à atteindre un rythme d’au moins 3 000 arrestations quotidiennes à l’échelle nationale. Depuis plusieurs semaines, des sources internes signalent que les agents sont incités à « optimiser » les opérations en procédant à des arrestations lors de visites programmées, considérées comme des cibles « à faible risque opérationnel » puisqu’il s’agit de personnes déjà connues de l’agence.

Des cas emblématiques soulignent la brutalité du dispositif. Parmi les détenus de San Diego figurent les parents d’une militaire américaine, arrêtés alors qu’ils rendaient visite à leur fille à Camp Pendleton, une base du Corps des Marines. Relâchés dans un premier temps sous bracelet électronique, ils ont été de nouveau arrêtés quelques jours plus tard lors d’un rendez-vous de suivi avec ICE. Leur avocate dénonce une « violation flagrante de la confiance entre les familles et l’État », soulignant qu’ils s’étaient présentés volontairement.

Le Latin Times précise que la situation à San Diego s’inscrit dans une tendance nationale : à New York, Chicago et Atlanta, plusieurs ONG rapportent que des immigrants sous supervision administrative régulière sont désormais interpellés à leur arrivée dans les bureaux d’ICE. Les défenseurs des droits dénoncent une politique de « piège administratif », incompatible avec les garanties prévues par la loi fédérale, notamment le droit à une procédure équitable avant toute privation de liberté.

Les élus locaux demandent au Département de la Sécurité intérieure (DHS) de mettre fin immédiatement à ces détentions improvisées et d’assurer la transparence sur les conditions dans les lieux de rétention non répertoriés. Pour l’heure, ICE n’a pas confirmé le nombre exact de personnes maintenues sous le tribunal fédéral ni la durée de leur détention. Le département s’est contenté d’un communiqué affirmant que « toutes les opérations de détention respectent les standards fédéraux et les ressources disponibles ».

https://ctninfo.com/fr/san-diego-des-centaines-de-migrants-detenus-dans-un-sous-sol-de-tribunal-par-ice-faute-de-places-en-centre-officiel/

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