Sous la pression de la Maison-Blanche pour renforcer rapidement les moyens de lutte contre l’immigration irrégulière, l’agence américaine Immigration and Customs Enforcement (ICE) fait face à de graves questions sur la qualité de ses recrutements.
D’après un article de Politico s’appuyant sur des révélations de NBC News et du magazine The Atlantic, des candidats auraient été admis en formation avant même la fin des contrôles de sécurité, et certains présenteraient des antécédents incompatibles avec la fonction d’agent fédéral.
Des recrues admises avant la fin des vérifications
Selon Politico, citant des responsables actuels et anciens du Department of Homeland Security (DHS), l’ICE aurait intégré des recrues à son académie de formation alors que les procédures obligatoires n’étaient pas entièrement terminées.
Trois responsables du DHS — un en poste, deux anciens — ont indiqué qu’après coup, certains candidats se sont révélés avoir échoué à des tests de dépistage de drogues, avoir un casier judiciaire disqualifiant ou ne pas remplir les exigences physiques et académiques minimales.
Pourtant, la politique officielle de l’ICE prévoit que tous les candidats doivent réussir les tests antidrogue et les vérifications de sécurité menées par les ressources humaines avant d’être admis en formation. Dans la pratique, la campagne de recrutement accéléré décidée sous l’administration Trump aurait conduit à contourner cet ordre logique.
Dans un cas cité par NBC et repris par Politico, le personnel du centre de formation de Brunswick, en Géorgie, a découvert qu’une recrue avait déjà été poursuivie pour vol avec violence et coups et blessures dans le cadre d’un incident de violence domestique. Par ailleurs, plus de 200 recrues auraient été renvoyées durant la formation parce qu’elles ne répondaient pas aux critères d’embauche de l’agence.
« Des gens passent entre les mailles du filet »
Les données internes consultées par NBC montrent que la majorité de ces renvois concernent des candidats incapables de satisfaire aux standards physiques ou académiques. Un nombre plus restreint — « un peu moins de dix » selon le rapport — a été écarté pour des raisons plus graves : antécédents criminels, échec aux tests de drogues ou problèmes de sécurité qui auraient dû être détectés avant leur arrivée en académie.
Un responsable actuel du DHS, cité par NBC et relayé par Politico, résume l’inquiétude au sein de l’administration :
« Il y a absolument des préoccupations quant au fait que certaines personnes passent entre les mailles du filet. »
Le DHS se défend : « les chiffres ne sont pas exacts »
Face à ces révélations, la porte-parole du DHS Tricia McLaughlin a contesté les conclusions des médias. Dans une déclaration transmise à NBC et reprise par Politico, elle affirme :
« Les chiffres que vous mentionnez ne sont pas exacts et reflètent un sous-ensemble de candidats des premières promotions de l’académie de base. » Elle insiste sur le fait que « la grande majorité des nouveaux agents engagés durant cette vague de recrutements sont des policiers expérimentés qui ont déjà réussi une formation dans une académie de maintien de l’ordre », et que ce profil est appelé à représenter « plus de 85 % des nouvelles embauches ».
La porte-parole souligne également que les recrues issues des forces de l’ordre bénéficient d’un processus de validation simplifié, mais demeurent « soumises à des exigences en matière médicale, de condition physique et d’antécédents ».
Taux d’échec élevé et baisse des exigences physiques
Les révélations de NBC interviennent après un autre article remarqué, publié en octobre par The Atlantic. Le magazine y indiquait que plus d’un tiers des candidats à l’ICE échouent aux tests de sélection, ce qui peut réduire une promotion prévue de 40 personnes à seulement quelques étudiants.
Un responsable de carrière de l’ICE, cité anonymement par The Atlantic, n’a pas mâché ses mots : « C’est pathétique ».
Pour tenter d’attirer davantage de candidats et de remplir les effectifs exigés sous le gouvernement Trump, l’ICE a assoupli ses critères physiques.
D’après le site officiel de l’agence, le test de condition physique comprend désormais quatre épreuves chronométrées : 32 abdominaux en moins d’une minute, 22 pompes en moins d’une minute, un sprint de 220 yards (environ 200 mètres) en moins de 47,73 secondes et une course de 1,5 mile (2,4 km) en moins de 14 minutes et 30 secondes, explique Politico.
Ces épreuves, précise le site, sont destinées à évaluer « la force et l’endurance musculaires, la puissance anaérobie et aérobie ainsi que l’endurance cardiovasculaire » et doivent être réalisées dans l’ordre, avec moins de cinq minutes de pause entre chaque exercice.
Par ailleurs, la durée de la formation au centre fédéral d’entraînement des forces de l’ordre (FLETC), dans le sud de la Géorgie, a été réduite de 16 à 8 semaines, complétées par des modules virtuels avant et après la présence sur site.
L’ICE a aussi supprimé la limite d’âge et l’exigence de diplôme universitaire : désormais, toute personne âgée de 18 à 60 ans peut postuler, à condition de passer les examens physiques et de sécurité.
« Candidats allergiques au sport » et primes de 50 000 dollars
Malgré ces ajustements, les autorités semblent conscientes de la baisse de niveau de certains candidats. Selon Politico, une note interne envoyée le 5 octobre à des responsables du DHS évoque « un nombre considérable de candidats allergiques à l’activité sportive » arrivant à l’académie, après avoir « déformé » ou « surévalué » leur condition physique sur les formulaires de candidature.
Un rapport interne publié en août par l’ICE et cité par Politico montre pourtant que la campagne de recrutement a suscité un vif intérêt : plus de 121 000 candidatures auraient été déposées. McLaughlin insiste, là encore, sur le fait que le taux d’échec d’un tiers ne concerne « qu’un sous-ensemble des candidats des premières classes de formation de base » et non l’ensemble des nouvelles recrues.
Pour rendre les postes plus attractifs, l’ICE offre désormais un bonus d’embauche et de fidélisation de 50 000 dollars, des dispositifs de remboursement de prêts étudiants et d’autres avantages. Les candidats qui échouent au volet physique peuvent parfois être redirigés vers des postes administratifs, mais les responsables ont dû consulter leurs juristes pour savoir dans quels cas il est possible de retirer purement et simplement les offres d’emploi lorsque les profils ne correspondent à aucune fonction alternative.
À ce stade, note Politico, il reste difficile de savoir combien d’agents l’ICE a effectivement réussi à recruter dans le cadre de cette vaste offensive de recrutement. Une incertitude qui nourrit un débat de fond sur l’équilibre entre la quantité et la qualité des effectifs, dans une agence au cœur de la politique migratoire de l’administration Trump, où la moindre faille dans les contrôles de recrutement peut avoir des conséquences graves sur la sécurité et la confiance du public.



