Nouveau revers judiciaire pour Trump : un juge fédéral bloque définitivement les expulsions sous l’Alien Enemies Act

Emmanuel Paul
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Emmanuel Paul
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Emmanuel Paul est un journaliste chevronné et un conteur accompli, animé par un engagement profond envers la vérité, la communauté et l’impact social. Il est le...

Un tribunal fédéral du Texas a infligé un coup sévère à l’administration Trump en interdisant de manière permanente l’utilisation de l’Alien Enemies Act pour procéder à l’expulsion de immigrants vénézuéliens.

Le magistrat a estimé que cette mesure manquait de fondement juridique et contrevenait aux principes de l’État de droit.
Dans une décision de 56 pages rendue lundi, le juge David Briones a déclaré illégal le décret présidentiel, précisant que l’application de cet ordre exécutif violait les conditions requises par l’Alien Enemies Act.

Selon le magistrat, un président ne peut pas définir unilatéralement ce qui constitue une invasion et procéder à des expulsions sommaires.
En mars dernier, Donald Trump était devenu le premier président depuis la Seconde Guerre mondiale à invoquer cette loi du XVIIIe siècle, qui autorise l’expulsion immédiate de ressortissants de nations considérées comme “hostiles” en temps de guerre ou d’attaque contre les États-Unis. Il avait utilisé ce dispositif contre des membres présumés du gang vénézuélien Tren de Aragua, accusé de mener une “invasion” du territoire américain.
L’administration justifiait cette activation en qualifiant ce groupe criminel d’“État criminel hybride”. Toutefois, le tribunal a rejeté cette interprétation extensive, soulignant l’absence de fondement factuel solide pour étayer cette qualification.
Le juge Briones a précisé que les termes “invasion” et “incursion prédatrice”, tels qu’ils figurent dans la loi, désignent des actions militaires visant à contrôler un territoire. Les activités attribuées au gang vénézuélien n’atteignent pas ce seuil, selon lui, car elles ne constituent pas un effort militarisé visant à conquérir ou contrôler un territoire américain.
Le magistrat a également refusé d’élargir l’interprétation de ces termes en fonction des réalités de la guerre moderne, estimant qu’une telle approche viderait la loi de sa cohérence. Il a décliné d’étendre la signification de l’Alien Enemies Act au point que les migrations de masse ou les activités criminelles de certains ressortissants d’une nationalité particulière puissent être qualifiées d’“invasion”.
Cette décision s’inscrit dans une tendance plus large : plusieurs tribunaux fédéraux dans des États comme le Colorado, New York, la Californie, le Massachusetts et la Géorgie ont déjà émis des injonctions similaires contre l’usage de cette loi pour les expulsions. Le juge cite notamment l’opinion du juge Fernando Rodriguez, nommé par Trump, qui avait également conclu en avril à l’illégalité de cette mesure.
Lee Gelernt, directeur adjoint du projet des droits des immigrés de l’ACLU et avocat principal dans cette affaire, a salué cette décision. Selon lui, le tribunal a justement reconnu que l’Alien Enemies Act constitue une mesure de temps de guerre qui ne peut être utilisée en temps de paix, et encore moins sans procédure légale appropriée, rapporte Law and Crime.
L’invalidation définitive de cette stratégie par la justice fédérale constitue un avertissement contre l’usage détourné de pouvoirs d’exception. En replaçant l’Alien Enemies Act dans son contexte historique et juridique d’origine – celui de la guerre déclarée et des conflits armés conventionnels – le juge Briones rappelle que le droit ne peut être instrumentalisé pour justifier des mesures radicales à des fins politiques.
Le gouvernement ne pourra désormais plus utiliser cette disposition pour expulser sommairement des ressortissants étrangers sans un examen approfondi et conforme aux garanties légales. L’administration fera probablement appel de cette décision, mais pour l’instant l’Alien Enemies Act ne peut plus être appliqué dans ce contexte.

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