New York : 112 millions de dollars d’indemnisation pour plus de 600 immigrés détenus illégalement

CTN News

Un juge fédéral a ordonné le versement de 112 millions de dollars de dédommagements à 674 personnes détenues illégalement dans les prisons du comté de Suffolk, à Long Island. Cehttps://www.facebook.com/CaribbeanNewsMediahttps://www.facebook.com/CaribbeanNewsMediatte décision historique sanctionne la violation des droits constitutionnels de centaines d’immigrés par les autorités locales et les services fédéraux de l’immigration.

Le jugement, rendu public cette semaine, met un terme à une bataille judiciaire entamée il y a plus de sept ans et représente l’un des plus importants verdicts en matière de détention migratoire illégale jamais prononcés dans l’État de New York.

Selon les documents judiciaires consultés par PIX11 News et NewsNation, les plaignants avaient été maintenus en détention après avoir payé leur caution ou après la clôture de leur dossier pénal. Le juge a conclu que le Suffolk County Sheriff’s Office et le comté lui-même portaient la responsabilité directe de ces violations des droits garantis par le 14ᵉ amendement de la Constitution américaine, qui protège le droit à la liberté et à la procédure régulière.

« Cette décision apporte une responsabilité longtemps attendue », a déclaré José Pérez, avocat général adjoint de LatinoJustice PRLDEF, l’organisation qui représentait les plaignants, cité par NewsNation. « Le jury a confirmé ce que nous soutenons depuis le début : les actions du comté de Suffolk ont piétiné les droits fondamentaux au due process garantis à toute personne sur le sol américain. »

Les faits remontent à 2017, lorsque le bureau du shérif avait accepté de détenir des personnes à la demande de l’ICE (Immigration and Customs Enforcement), même après leur libération ordonnée par les tribunaux de l’État.

Le cas emblématique d’un immigrant guatémaltèque

L’un des plaignants, un résident de 34 ans originaire du Guatemala, avait été arrêté à Central Islip en avril 2017. Selon sa plainte, la police du comté de Suffolk l’avait interrogé sur son statut migratoire avant de le transférer dans une prison locale.

Sa famille avait pourtant payé 1 000 dollars de caution, dans le cadre d’un accord stipulant qu’il devait comparaître ultérieurement devant un tribunal de l’immigration. Il n’a jamais été informé que sa caution avait été réglée. Au lieu d’être libéré, il a été remis aux agents fédéraux et transféré d’abord au Varick Street Detention Center à Manhattan, puis à la Bergen County Jail, dans le New Jersey.

Le juge a estimé que cette détention prolongée constituait une violation manifeste du droit à la liberté individuelle, provoquant chez l’homme des préjudices « physiques et psychologiques graves, une perte de jouissance de la vie, un traumatisme émotionnel, une humiliation publique et des pertes économiques », selon les documents judiciaires.

Cette affaire met en lumière les pratiques contestées de coopération entre les services de shérifs locaux et les autorités fédérales de l’immigration. Pendant plusieurs années, certaines juridictions locales ont signé des accords informels avec l’ICE pour retenir les non-citoyens en attente d’une prise en charge par les agents fédéraux, même lorsque la loi d’État ne le permettait pas.

Les tribunaux de New York ont pourtant rappelé à plusieurs reprises que les « detainers » — avis de rétention administrative émis par l’ICE — ne constituent pas un mandat judiciaire et ne peuvent pas justifier une détention supplémentaire une fois les charges locales réglées.

L’arrêt du juge fédéral renforce cette jurisprudence : il rappelle que les autorités locales ne peuvent pas se substituer à l’État fédéral dans l’application du droit de l’immigration, surtout lorsqu’il s’agit de priver quelqu’un de liberté sans décision de justice.

166 000 dollars par personne en moyenne

Le jugement prévoit 112 millions de dollars de compensations, soit environ 166 000 dollars par personne en moyenne. Le comté de Suffolk devra prendre en charge l’intégralité du montant, selon la décision, en raison de la responsabilité directe de son service de détention.

Les autorités locales n’ont pas encore annoncé si elles feraient appel. Cette condamnation représente un revers majeur pour les comtés new-yorkais qui avaient coopéré avec les services fédéraux sous la présidence de Donald Trump, dans le cadre d’une politique migratoire plus agressive.

Le comté de Suffolk avait signé en 2016 un protocole de collaboration permettant à ses officiers de « retenir temporairement » les personnes sous le coup d’une notification de l’ICE. Plusieurs organisations de défense des droits civiques dénonçaient déjà à l’époque une pratique « anticonstitutionnelle et discriminatoire ».

Pour LatinoJustice PRLDEF, l’organisation à but non lucratif basée à New York qui a représenté la majorité des plaignants, cette victoire dépasse le simple cadre financier.

« C’est un signal fort envoyé à toutes les juridictions locales qui continuent de collaborer illégalement avec l’ICE », a déclaré M. Pérez. « Les droits constitutionnels s’appliquent à toutes les personnes, quelle que soit leur nationalité ou leur statut. »

L’affaire a également attiré l’attention de plusieurs élus new-yorkais, dont la représentante Nydia Velázquez, qui a salué « un verdict historique rappelant que la Constitution ne fait pas de distinction entre citoyens et résidents étrangers », selon des propos rapportés dans la presse locale.

Les défenseurs des droits humains espèrent que cette décision poussera d’autres comtés à rompre leurs accords de coopération avec l’ICE, souvent hérités des programmes fédéraux antérieurs. En parallèle, plusieurs États — dont la Californie et le New Jersey — ont adopté des lois interdisant explicitement aux forces locales de prolonger la détention de personnes uniquement à la demande de l’immigration fédérale.

Cette affaire devrait également encourager d’autres actions collectives. Des cas similaires sont actuellement en instance dans les comtés de Nassau et Westchester, où des plaignants affirment avoir subi le même type de détention prolongée sans mandat.

https://ctninfo.com/fr/?p=38071&preview=true

https://www.facebook.com/CaribbeanNewsMedia

Partager cet article