Un nouveau rapport révèle que des immigrants détenus dans les prisons du Massachusetts ont été placés à l’isolement pendant plusieurs semaines, une pratique qui s’apparente à de la torture psychologique selon les Nations Unies.
L’étude a été menée par des chercheurs de l’Université Harvard en collaboration avec l’organisation Physicians for Human Rights (PHR). Elle souligne que les placements à l’isolement de plus de 15 jours se multiplient aux États-Unis dans les centres de détention pour immigrants. Or, l’ONU considère qu’au-delà de cette durée, l’isolement constitue une forme de torture psychologique.
« Nous torturons des personnes simplement parce qu’elles veulent une vie meilleure aux États-Unis », a dénoncé Sam Zarifi, directeur exécutif de Physicians for Human Rights, cité par Axios. Selon lui, ces pratiques constituent non seulement un traitement inhumain, mais aussi une violation des lois américaines et internationales.
Entre avril 2024 et août 2025, près de 14 000 personnes auraient été placées à l’isolement dans des centres de détention pour immigrants à travers le pays, selon les données transmises en exclusivité à Axios.
Dans le Massachusetts, le centre de détention du comté de Plymouth — le seul établissement de l’État ayant encore un contrat avec Immigration and Customs Enforcement (ICE) — a enregistré 117 cas de détenus séparés de la population générale.
Karen Barry, directrice des affaires extérieures du bureau du shérif du comté de Plymouth, a réagi en précisant que les agents correctionnels appliquent une « ségrégation administrative », et non pas un isolement strict. Elle affirme que dans ce cadre, « les détenus interagissent quotidiennement avec le personnel, les cliniciens en santé mentale et parfois avec d’autres prisonniers ».
Elle n’a pas souhaité commenter directement le rapport, mais a rappelé que les règlements de l’État permettent de placer un détenu en ségrégation s’il représente une menace importante pour la sécurité, s’il risque d’endommager des biens ou de perturber « le fonctionnement d’un établissement correctionnel ». Cette mesure, a-t-elle insisté, ne peut être appliquée qu’à des fins administratives et non disciplinaires.
Cependant, un rapport publié en 2024 par l’organisation Prisoners’ Legal Services soutient que dans la pratique, les détenus perçoivent peu de différences entre l’isolement disciplinaire et la ségrégation administrative au centre correctionnel de Plymouth.
Isolement prolongé en Nouvelle-Angleterre
Le rapport Harvard/PHR a également examiné les placements à l’isolement dans six établissements de Nouvelle-Angleterre entre 2018 et 2023. Les chercheurs ont recensé 186 cas d’isolement de plus de 15 jours, certains s’étendant bien au-delà.
Les motifs de ces placements paraissent souvent mineurs. Le rapport cite des exemples tels que « donner des coups de pied dans la porte d’une cellule », « fumer », « déposer une plainte », « demander l’accès à une douche » ou encore « signaler une agression sexuelle ».
Karen Barry a néanmoins assuré qu’aucun détenu du comté de Plymouth n’est placé à l’isolement par représailles après avoir déposé une plainte ou signalé un incident.
Entre 2018 et 2023, le centre de Plymouth a rapporté 82 placements à l’isolement, d’une durée moyenne de 25 jours.
-
Le centre correctionnel du comté de Bristol, qui a mis fin à son contrat avec ICE en 2021, en a signalé 47, avec une durée moyenne de 36 jours.
-
Le centre correctionnel du comté de Suffolk, qui a mis fin à son contrat en 2019, a fait état de neuf placements, d’une durée moyenne de 27 jours.
Contactés par Axios, les représentants des prisons des comtés de Bristol et de Suffolk n’ont pas répondu.
Les directives d’ICE précisent que l’isolement ne devrait être appliqué aux personnes atteintes de troubles de santé mentale qu’en dernier recours. Pourtant, près de la moitié des cas recensés dans les centres de détention de Nouvelle-Angleterre concernent précisément des personnes identifiées comme souffrant de tels troubles, selon le rapport.
Les chercheurs soulignent en outre que les chiffres pourraient être sous-évalués.
Ce n’est qu’en décembre 2024 que le gouvernement fédéral a imposé une documentation plus rigoureuse des placements à l’isolement. Avant cette date, les statistiques disponibles sont probablement très en deçà de la réalité. Et même après l’entrée en vigueur de cette exigence, préviennent-ils, les données restent incomplètes, ICE ayant déjà publié par le passé des séries inexactes ou partielles.