L’agence américaine des Services de l’Immigration et de la Citoyenneté (USCIS) s’est vu octroyer de nouvelles prérogatives de police d’une ampleur inédite, selon une règle finale publiée cette semaine.
Ce changement élargit considérablement le rôle de l’agence, historiquement chargée de gérer les demandes de prestations migratoires.
Le texte autorise désormais l’USCIS à agir avec des pouvoirs similaires à ceux des forces fédérales. Les agents nouvellement désignés « USCIS 1811 Special Agents » pourront porter une arme, procéder à des arrestations, exécuter des mandats de perquisition et présenter des affaires devant la justice lorsqu’ils estiment que les lois migratoires américaines ont été violées.
En annonçant cette réforme, l’agence a invoqué des impératifs d’intégrité et de sécurité. « L’USCIS a toujours été une agence d’exécution. En défendant l’intégrité de notre système migratoire, nous appliquons les lois de cette nation », a déclaré Joseph B. Edlow, directeur de l’USCIS dans un communiqué. Il a ajouté que cette extension de pouvoirs, rendue possible par la délégation d’autorité de la secrétaire à la Sécurité intérieure Kristi Noem, constitue un « moment historique » pour l’agence.
Selon Edlow, ce renforcement permettra à l’USCIS de mieux lutter contre les crimes liés à l’immigration et de renforcer la coopération inter-agences. « Ce moment historique permettra de poursuivre plus efficacement les crimes migratoires, de tenir responsables ceux qui commettent des fraudes et d’agir comme un multiplicateur de force pour le DHS et nos partenaires fédéraux, y compris le Joint Terrorism Task Force », a-t-il déclaré.
Un changement de mission
Pendant des années, l’USCIS a surtout été identifié comme l’agence traitant les demandes de visas, de cartes vertes, de naturalisation ou d’asile. Ses fonctions répressives existaient au sein de sa direction de la Détection des fraudes et de la Sécurité nationale, mais les enquêtes et arrestations étaient majoritairement confiées à l’Immigration and Customs Enforcement (ICE).
La nouvelle règle modifie cet équilibre. Elle permet à l’USCIS de conduire des enquêtes de bout en bout, sans les transférer à la division Homeland Security Investigations (HSI) de l’ICE. Les responsables estiment que cette évolution libérera l’ICE pour se concentrer davantage sur la lutte contre la criminalité transnationale et l’éloignement des migrants en situation irrégulière.
« L’USCIS pourra réduire plus efficacement ses arriérés concernant les étrangers qui cherchent à exploiter notre système par la fraude, les poursuivre et les expulser », a indiqué l’agence dans un communiqué.
La délégation confère aussi à l’USCIS le pouvoir de prononcer des expulsions accélérées dans certains cas. Ainsi, une agence autrefois perçue comme un prestataire de services migratoires peut désormais cumuler les rôles de décisionnaire administratif et d’autorité répressive, brouillant la frontière entre instruction des dossiers et application de la loi.
Des inquiétudes sur le contrôle
Pour les défenseurs des droits des migrants et de nombreux juristes, ce texte soulève de sérieuses interrogations quant au contrôle, à la responsabilité et à l’impact sur les communautés immigrées. Confier à une même agence le pouvoir d’instruire les demandes et celui d’arrêter ou de poursuivre pourrait miner la confiance.
Cette réforme intervient dans un contexte déjà tendu autour de l’application des lois migratoires. L’agence assure cibler la fraude et la sécurité nationale, mais l’ampleur des nouvelles prérogatives inquiète.
Les agents spéciaux de l’USCIS pourront désormais enquêter sur les infractions civiles comme pénales en matière d’immigration. Leur capacité à ordonner des expulsions accélérées facilite les renvois, permettant un traitement plus rapide des dossiers. Les partisans de la réforme estiment que ces outils renforcent la protection de l’intégrité du système.
Recrutement et formation à venir
L’agence prévoit de recruter et de former une équipe d’agents spéciaux habilités à exercer ces nouveaux pouvoirs. Les détails figurent dans la règle finale publiée au Federal Register, qui doit entrer en vigueur dans 30 jours.
Pour les immigrés, les conséquences pratiques demeurent incertaines. D’un côté, la réforme pourrait accélérer la lutte contre les fraudeurs. De l’autre, elle accroît les risques pour les résidents permanents, détenteurs de visas ou demandeurs agissant de bonne foi.
Le directeur Edlow défend néanmoins cette évolution comme une nécessité pour la sécurité nationale et la confiance du public. « En élargissant les capacités répressives de l’agence, cette règle nous permet de remplir pleinement notre mission », a-t-il affirmé.
Cette décision relance un débat de fond sur l’avenir de la politique migratoire américaine : une agence qui délivre des bénéfices doit-elle également détenir de larges pouvoirs policiers ? L’administration actuelle parie qu’un USCIS renforcé deviendra un « multiplicateur de force » pour la sécurité et l’ordre public.
Mais à mesure que la réforme prend effet, migrants et défenseurs s’attendent à une relation plus complexe, et peut-être plus intimidante, avec une agence qui se présentait autrefois comme le « service » de l’immigration.
Avec cette règle, l’USCIS entame une nouvelle phase susceptible de redessiner durablement l’équilibre entre service et répression dans le système migratoire américain.