Le gouvernement américain a sanctionné l’économiste Fritz Alphonse Jean, membre influent du Conseil présidentiel de transition d’Haïti, l’accusant formellement de « soutenir des gangs et autres organisations criminelles », selon Associated Press. Cette sanction intervient à moins de trois mois de la fin du mandat du Conseil, le 7 février 2026, et risque d’aggraver l’instabilité politique du pays.
Dans un communiqué publié mardi, le Département d’État a précisé que M. Jean était également accusé d' »entraver la lutte d’Haïti contre les gangs terroristes ». Ces groupes criminels, qui contrôlent près de 90% de la capitale Port-au-Prince et de vastes zones du centre du pays, se livrent à des extorsions, des affrontements territoriaux et utilisent des armes de calibre militaire.
La mesure, prise en vertu de la section 212(a)(3)(C) de l’Immigration and Nationality Act, vise spécifiquement les individus dont les activités sont susceptibles d’avoir des « conséquences diplomatiques particulièrement graves » pour les États-Unis. Le département d’Etat a précisé qu’il révoquerait « tous les visas actuellement valides détenus par cette personne ».
Cette action s’inscrit dans le cadre d’une politique annoncée en octobre 2022, qui cible les individus – ainsi que les membres de leur famille – apportant un soutien financier ou matériel aux gangs et organisations criminelles en Haïti.
Contacté par l’Associated Press, Fritz Alphonse Jean a catégoriquement rejeté ces accusations. Il a révélé que les membres du Conseil avaient reçu des menaces explicites de la part de diplomates américains et canadiens. « Dès que nous avons commencé à examiner la possibilité de changer de chef du gouvernement, les membres du Conseil ont reçu des menaces d’annulation de visa et d’autres sanctions », a-t-il déclaré.
Selon M. Jean, les envoyés étrangers auraient clairement stipulé que « si nous ne cessons pas nos agissements, nous nous exposerons à des sanctions ». Le conseiller présidentiel affirme que ces pressions visent à empêcher toute réforme en profondeur : « Nous restons fermes dans la lutte contre la corruption, la mainmise de quelques individus sur l’État et les opérateurs impliqués dans le trafic de drogue ».
Dans sa déclaration du 24 novembre, le département d’Etat a réaffirmé l’engagement des États-Unis en faveur de la « stabilité en Haïti » et appelle à des « progrès concrets vers des élections libres et équitables ». Un message sans équivoque a été envoyé : « L’administration Trump encouragera la reddition de comptes pour ceux qui continuent à déstabiliser Haïti et notre région. »
Cette annonce intervient dans un climat de fortes tensions au sein du Conseil Présidentiel de Transition (CPT), à moins de trois mois de la fin de son mandat le 7 février 2026. Des tractations politiques sont en cours pour tenter de remplacer le Premier ministre Alix Didier Fils-Aimé et procéder à un remaniement ministériel, une initiative portée par trois membres du CPT qui peinent à trouver une majorité.
Par ailleurs, des diplomates en poste en Haïti auraient fait part de leurs « inquiétudes pour la stabilité de la transition » aux membres du CPT en cas de changements majeurs si proche de l’échéance du 7 février, a appris le journal haïtien le Nouvelliste.
Parallèlement aux tractations internes du Conseil présidentiel de transition, d’autres groupes politiques et organisations de la société civile mènent également des discussions en vue de proposer une alternative de gouvernance pour l’après-7 février.
L’efficacité des sanctions en question
Cette sanction américaine fait écho à un avertissement lancé la semaine dernière sur le réseau social X par le secrétaire d’État adjoint américain, Christopher Landau. Ce dernier avait mis en garde contre de possibles sanctions visant « toute personne impliquée dans des actions de déstabilisation ».
Si Washington continue de serrer la vis, des questions persistent sur l’efficacité réelle de ces mesures. Malgré une liste croissante de responsables politiques, d’hommes d’affaires et de chefs de gangs sanctionnés, la situation sécuritaire en Haïti ne cesse de se dégrader, plongeant la population dans une crise humanitaire sans précédent. Cette nouvelle sanction témoigne de la pression internationale constante, mais elle interroge aussi sur sa capacité à infléchir la dynamique d’une crise profonde, alors que le pays reste englué dans la violence et l’instabilité politique.



