Les déportations massives de l’administration Trump pourraient causer une augmentation du taux d’inflation de plus de 60 % en 2026

Emmanuel Paul
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Emmanuel Paul
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Emmanuel Paul est un journaliste chevronné et un conteur accompli, animé par un engagement profond envers la vérité, la communauté et l’impact social. Il est le...
Delegates holds "Mass deportation now" signs on Day 3 of the Republican National Convention (RNC), at the Fiserv Forum in Milwaukee, Wisconsin, U.S., July 17, 2024. REUTERS/Brian Snyder

Alors que l’administration Trump intensifie les expulsions d’immigrants, des économistes redoutent un impact direct sur les prix aux États-Unis.

Selon Mark Zandi, économiste en chef de Moody’s Analytics, la tendance actuelle pourrait pousser l’inflation de 2,5 % à près de 4 %, soit une augmentation de 60 % d’ici le début de l’année prochaine.

« La population active née à l’étranger est en train de diminuer, et la main-d’œuvre dans son ensemble s’est stabilisée depuis le début de l’année », explique Zandi dans un entretien avec Fortune. « Cela entraîne des tensions dans de nombreux secteurs, ce qui fait grimper les coûts et l’inflation. »

Les données publiées par le Département du Travail confirment cette tendance.

L’indice des prix à la production (PPI), qui mesure l’inflation en amont avant qu’elle ne touche les consommateurs, a progressé de 0,9 % entre juin et juillet, sa plus forte hausse depuis 2021 après la pandémie de coronavirus.

Sur un an, il affiche une augmentation de 3,3 %. Plus de trois quarts de cette hausse proviennent de la montée des prix des services (+1,1 %). En parallèle, l’indice des prix à la consommation hors énergie et alimentation a enregistré une hausse de 0,2 %, a rapporté le journal Fortune citant l’économiste en chef de Moody’s.

Pour Zandi, ces évolutions ne sont pas anodines : « C’est la fermeture de la frontière sud, ce sont les expulsions, ce sont aussi les départs volontaires. Les immigrants ont peur. Ils quittent le pays, ils ne viennent plus, et ils ne travaillent plus. »

Il estime que le flux annuel d’entrées — qu’elles soient régulières ou non — est passé de 4 millions de personnes en 2023 à environ 300 000 à 350 000 aujourd’hui. « C’est un changement massif », affirme-t-il, qui affecte directement les secteurs dépendants de la main-d’œuvre immigrée : construction, agriculture, industrie manufacturière, transport, distribution, hôtellerie, commerce de détail, services aux personnes âgées et à l’enfance.

Les prix des légumes frais et secs, par exemple, ont bondi de près de 40 %. D’autres facteurs comme les droits de douane ou les conditions climatiques jouent aussi, reconnaît-il, mais la politique migratoire restrictive reste, selon lui, un élément central. « On le voit dans le prix de la viande, dans l’agriculture, dans la transformation alimentaire, dans les services comme les salons de coiffure ou le nettoyage à sec. Les empreintes de la politique restrictive en matière d’immigration se trouvent partout dans les chiffres de l’inflation. »

De son côté, l’administration Trump rejette tout lien entre les déportations et la flambée des prix. Pour la porte-parole Abigail Jackson, il s’agit d’un choix stratégique visant à mobiliser la main-d’œuvre locale : « Plus d’un jeune Américain sur dix n’est ni à l’école ni au travail », souligne-t-elle. L’objectif, selon elle, est de « protéger la main-d’œuvre américaine » et de garantir que les créations d’emplois « profitent en priorité aux travailleurs nés aux États-Unis ». Elle affirme que « depuis le retour de Donald Trump à la Maison-Blanche, 100 % des nouveaux emplois ont été occupés par des Américains de naissance ».

Mais même dans le camp conservateur, certains reconnaissent des risques. Steve Moore, économiste à la Heritage Foundation et proche conseiller de Donald Trump, confie : « Je crains une pénurie de main-d’œuvre. Les expulsions de travailleurs immigrants pourraient avoir un léger impact sur les salaires, et donc sur les prix. »

Les propos de Mark Zandi s’inscrivent dans un débat plus large qui divise les économistes. Son camp, qui inclut Morgan Stanley, Barclays et Bank of America, considère que le ralentissement de l’emploi provient d’une offre de travail artificiellement restreinte par les expulsions, la fermeture des frontières et les départs anticipés d’immigrés.

Le camp opposé y voit plutôt une baisse de la demande de main-d’œuvre liée à la prudence des entreprises face à l’incertitude économique. Les pertes d’emplois dans l’industrie, les transports et l’entreposage, ainsi que la diminution des offres d’emploi, seraient les signes d’un ralentissement structurel, selon le journal Fortune.

Pour Zandi, la nuance est essentielle : « L’inflation liée à la demande n’a pas les mêmes implications que l’inflation liée à l’offre. Baisser les taux ne fera pas revenir les immigrés. » Il estime par ailleurs que les effets inflationnistes des restrictions migratoires sont plus durables que ceux des droits de douane. « Les tarifs douaniers sont souvent temporaires. Les restrictions migratoires provoquent des pénuries, des hausses de coûts et de salaires, et ce mécanisme peut devenir auto-entretenu. »

Cette incertitude complique la tâche de la Réserve fédérale.

Si la hausse des prix découle principalement de l’offre, une politique monétaire accommodante aura peu d’effet. Les économistes de Bank of America mettent en garde contre un risque de stagflation, combinant croissance faible et inflation élevée, et ne prévoient pas de baisse des taux en 2025.

Pour Zandi, une solution existe : desserrer les contraintes migratoires. « Si nous avions une politique d’immigration rationnelle, permettant à des travailleurs de toutes qualifications d’entrer dans le pays, ce serait un véritable changement de cap », affirme-t-il. Il rappelle que les immigrés jouent un rôle central dans l’innovation et l’entrepreneuriat.

Sources : Fortune (Eva Roytburg), entretiens avec Mark Zandi (Moody’s Analytics), Abigail Jackson (Maison-Blanche), Steve Moore (Heritage Foundation), données du Département du Travail des États-Unis.

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