Des agents masqués de l’Immigration and Customs Enforcement (ICE) ont fait irruption dans des salles d’entretien pour carte verte à San Diego, arrêtant au moins deux étrangers en situation irrégulière, sous les yeux de leurs conjoints américains et d’un nourrisson de six mois, selon un reportage de The Mirror US.
Les faits se sont produits la semaine dernière, quelques jours après le début, le 12 novembre, d’une série d’interpellations similaires signalées par des avocats en immigration. Plusieurs d’entre eux affirment n’avoir « jamais vu » ce type d’opérations au sein même des bureaux de l’USCIS, généralement perçus par les familles comme des lieux administratifs – et non comme des zones d’arrestation.
Des arrestations en fin d’entretien, au moment où la carte verte semblait acquise
D’après The Mirror US, deux couples ont accepté de témoigner. Ils ne se connaissent pas, mais décrivent un scénario presque identique. Dans les deux cas, les conjoints étrangers – un ressortissant allemand et une ressortissante britannique – avaient dépassé la durée de leur visa, mais s’étaient mariés à des citoyens américains et suivaient la procédure classique d' »adjustment of status » pour obtenir la carte verte.
Les deux couples expliquent que leurs avocats les avaient rassurés, en leur disant que le dépassement de visa est généralement pardonné dans le cadre d’une demande de carte verte par mariage, tant qu’il n’y a pas d’antécédents criminels. Or, ni le ressortissant allemand ni la mère britannique arrêtée ne disposent d’un casier judiciaire, affirment leurs familles.
Les arrestations sont survenues à l’issue même des entretiens, dernière étape d’un processus souvent long de plusieurs mois, voire années.
« Trois hommes cagoulés, avec gilets pare-balles et armes, sont entrés et nous ont dit qu’ils allaient arrêter Tom », raconte Audrey Hestmark, l’épouse américaine de Tom Bilger, un ressortissant allemand venu aux États-Unis avec un visa avant leur mariage l’an dernier. Le couple avait déposé une demande de carte verte après la célébration de leur union.
Dans un autre bureau de l’USCIS de San Diego, Stephen Paul assiste, lui aussi, sidéré, à l’arrestation de son épouse britannique, Katie. « On voit les agents de l’ICE arriver, et ils disent qu’ils arrêtent Katie », explique-t-il.
Le couple avait décidé de rester aux États-Unis pour sa grossesse, jugée à haut risque, plutôt que de repartir au Royaume-Uni en attendant la réponse sur la carte verte.
Selon Paul, leur avocat leur avait assuré que la loi américaine permettait de demander la carte verte depuis le territoire, en raison de leur mariage et des enjeux médicaux et familiaux.
Des agents masqués, sans badge visible, un QR code en guise d’explication
Le récit d’Audrey Hestmark souligne le caractère brutal et opaque de l’intervention, telle qu’elle l’a vécue.
Elle affirme avoir demandé l’identité des agents : « J’ai demandé leurs noms. Ils ne m’ont jamais donné leurs noms complets », dit-elle. « Ils ne m’ont pas montré leurs numéros de badge. Ils n’ont pas retiré leurs masques. Ils se sont contentés de dire : « Nous avons un mandat pour son arrestation », puis ils m’ont tendu un QR code. »
Selon son témoignage, les agents ont ensuite passé les menottes aux poignets de son mari, avant de l’emmener, en lui interdisant de les suivre.
Stephen Paul décrit, lui, l’état de choc de sa femme au moment de son arrestation. « Elle était sidérée », explique-t-il. « Elle n’arrêtait pas de demander ce qui n’allait pas, ce qu’on avait fait. On avait tout fait comme il fallait. »
Dans le cas de la mère britannique, l’arrestation est intervenue alors qu’elle tenait dans ses bras leur bébé, âgé d’à peine six mois, ajoute The Mirror US.
L’ICE assume des arrestations « ciblées » dans les bureaux fédéraux
Interrogée sur ces opérations, l’ICE a répondu, dans une déclaration transmise au journal, qu’elle est « déterminée à faire appliquer les lois fédérales sur l’immigration par des opérations ciblées qui donnent la priorité à la sécurité nationale, à la sécurité publique et à la sécurité des frontières ».
L’agence rappelle que, même dans les locaux fédéraux comme les bureaux de l’USCIS, les personnes en situation irrégulière restent susceptibles d’être arrêtées :
« Les personnes présentes illégalement aux États-Unis, y compris celles qui sont hors statut dans des sites fédéraux comme les bureaux de l’USCIS, peuvent faire l’objet d’une arrestation, d’une détention et d’une expulsion conformément à la loi américaine sur l’immigration », indique encore la déclaration.
Selon The Mirror US, l’ICE a répété mot pour mot cette position lorsqu’elle a été interrogée à nouveau le vendredi suivant, après ces nouvelles arrestations à San Diego.
Un signal d’alarme pour les migrants en cours de régularisation
Ces opérations, survenant au cœur même du processus de légalisation, ont suscité un vif émoi parmi les communautés d’immigrés et les avocats. Pour de nombreux couples, les bureaux de l’USCIS représentent l’espoir d’une stabilité juridique, et non un lieu où la police de l’immigration les attend en sortie d’entretien.
Des avocats en droit des étrangers cités par The Mirror US affirment que ce type d’interpellation en fin d’entretien de carte verte est inédit dans leur pratique. Ils s’inquiètent des effets dissuasifs sur les migrants qui, malgré un mariage légitime et des attaches familiales solides aux États-Unis, pourraient renoncer à se présenter à leurs rendez-vous par peur d’être arrêtés.
Pour les familles touchées, l’onde de choc est immédiate : un conjoint arrêté, un parent séparé de son enfant en bas âge, et un avenir plongé dans l’incertitude, alors même qu’elles pensaient avoir » fait tout dans les règles ».
« On avait fait tout ce qu’on nous avait demandé », répète Stephen Paul. « On nous avait dit que c’était la bonne procédure. Et malgré tout, ils l’ont arrêtée. »



