Nations Unies, 2 juillet 2025 — Haïti se trouve au bord de l’effondrement alors que des gangs lourdement armés renforcent leur emprise sur la capitale Port-au-Prince, tandis que le pays s’enfonce dans une spirale de violence, de déplacements massifs et d’impunité, a averti l’ONU mercredi devant le Conseil de sécurité.
Plus de 1,3 million de personnes ont été déplacées à travers le pays — soit une hausse de 24 % depuis décembre 2024 — un record selon l’Organisation internationale pour les migrations (OIM). Depuis janvier, le Bureau intégré des Nations Unies en Haïti (BINUH) a enregistré plus de 4 000 homicides délibérés, soit une augmentation de 24 % par rapport à la même période en 2024, selon un rapport publié mercredi.
S’adressant aux membres du Conseil de sécurité, Miroslav Jenča, secrétaire général adjoint des Nations Unies pour les Amériques, a indiqué que les gangs contrôlent désormais entre 85 % et 90 % de la capitale, paralysant les vols commerciaux et isolant Port-au-Prince du reste du monde. Malgré la présence de la Mission multinationale d’appui à la sécurité (MMAS) dirigée par le Kenya, les forces sur place restent lourdement sous-dotées, ne disposant que de moins de la moitié de l’effectif prévu et de moins de 30 % de l’équipement requis, a précisé le représentant kényan auprès des Nations Unies.
Ghada Fathi Waly, directrice exécutive de l’Office des Nations Unies contre la drogue et le crime (ONUDC), a souligné que la prise de contrôle des principaux axes commerciaux par les gangs a asphyxié l’économie légale, aggravant l’insécurité alimentaire et la crise humanitaire. Face à l’effondrement de l’autorité de l’État, des groupes d’autodéfense et milices privées prolifèrent, certains opérant en dehors de tout cadre légal, voire en collusion avec des groupes criminels, a-t-elle alerté.
Le trafic d’armes reste incontrôlé. Un rapport de l’ONU révèle qu’environ 70 % des armes utilisées par les gangs proviennent des États-Unis, souvent acheminées par voie maritime ou détournées de stocks publics en Haïti et dans la région. Malgré le renouvellement de l’embargo sur les armes par le Conseil de sécurité en 2022, 2023 et 2024, les armes de guerre continuent d’alimenter les groupes armés.
La violence des gangs a laissé une trace sanglante. Le massacre de Cité Soleil en décembre 2024 a fait au moins 207 morts, en majorité des pratiquants vaudou âgés. D’autres tueries de masse ont été signalées, notamment à Pont-Sondé et dans la région de l’Artibonite, avec plusieurs centaines de victimes recensées.
Les femmes et les filles paient un lourd tribut. Les agences onusiennes rapportent une recrudescence des violences sexuelles, utilisées de manière systématique par les gangs comme outil de terreur et de soumission. Les camps de déplacés sont devenus des foyers d’exploitation, tandis que les victimes peinent à obtenir justice, souvent en raison de la peur, du tabou et de la faiblesse des institutions.
Dans une réponse controversée, les autorités haïtiennes ont commencé à déployer, depuis mars, des drones armés — des modèles commerciaux modifiés — pour traquer les gangs. Bien que ces appareils aient tué plusieurs membres de gangs, au moins neuf civils ont été blessés, suscitant des inquiétudes quant à la sécurité de la population et au manque de supervision.
Le secrétaire général adjoint Jenča a lancé une mise en garde sévère : sans action internationale urgente et décisive, l’effondrement de l’État haïtien dans la capitale pourrait devenir inévitable. Sur le terrain, des agences humanitaires telles que le HCR, l’OIM, l’OPS, l’UNICEF et de nombreuses ONG sont mobilisées pour répondre aux besoins d’urgence : soins de santé, alimentation, abris, contrôle des épidémies et accès à l’eau.
Des appels à la création d’une mission onusienne de maintien de la paix se multiplient, mais se heurtent à l’opposition persistante de certains membres du Conseil, notamment la Chine et la Russie.
La transition politique prévue vers un gouvernement élu d’ici au 7 février 2026 apparaît désormais très compromise, tant la situation s’est détériorée.
Sans intervention robuste — en matière de sécurité, d’aide humanitaire, de gouvernance et de désarmement — Haïti risque une fragmentation totale.
Le temps presse. L’ONU tire la sonnette d’alarme : il faut agir maintenant.