Un groupe de huit électeurs qui avaient soutenu Joe Biden ou s’étaient abstenus en 2020, avant de basculer pour Donald Trump l’an dernier, livrent aujourd’hui un premier bilan.
Plus de six mois après l’investiture du président républicain, leurs avis oscillent entre satisfaction prudente et profond désenchantement — des sentiments qui pourraient peser lourd en 2026 ou en 2028.
Ray, trentenaire new-yorkais, croyait aux promesses économiques de Donald Trump. Aujourd’hui, il ne cache pas sa frustration : « Il a promis beaucoup, mais il ne transforme pas ça en résultats concrets », confie-t-il. Loin de se sentir trahi, Ray exprime cependant une lassitude, persuadé que l’économie n’est pas en train de se redresser comme espéré.
À l’opposé, Scott, un électeur de 29 ans vivant dans le Missouri, se déclare satisfait de la direction prise par la présidence : « Globalement, il tient ses promesses », affirme-t-il, même s’il reconnaît avoir quelques réserves, notamment sur les récents développements liés à l’affaire Epstein.
Une fracture sur l’économie
L’économie, enjeu central de la campagne de 2024, reste l’un des critères d’évaluation les plus clivants parmi ces électeurs. Jorge, jeune indépendant de Floride, explique avoir perdu confiance. En janvier, il se disait sceptique mais ouvert. Aujourd’hui, il est formel : il ne voterait plus pour Trump. « Il devait aider la classe moyenne, alléger les impôts. Au lieu de ça, il regarde ailleurs, sur des dossiers internationaux. Ce n’est pas ce qu’il avait promis. »
Même son de cloche chez Janice Dunn, 82 ans, retraitée en Caroline du Nord. Les licenciements massifs de fonctionnaires décidés par l’administration dans les premières semaines du mandat l’ont profondément choquée. « Il avait promis de faire baisser les prix de l’essence, des courses… Mais tout augmente. Ses plans se retournent contre nous », dit-elle.
D’autres, comme Rhonda, employée dans une station-service en Illinois, n’ont pas remarqué de changements majeurs dans les prix et estiment que les mesures économiques, notamment les tarifs douaniers, « fonctionnent plutôt bien ». Javan Potts, 23 ans, électeur de l’Ohio, voit dans les tarifs un outil de négociation efficace et accuse les médias de dramatiser leur impact.
Un point d’accord inattendu entre partisans et déçus : le traitement de l’affaire Epstein. Plusieurs électeurs, même pro-Trump, dénoncent la lenteur de la transparence promise autour des documents liés au financier accusé de trafic sexuel, selon NBC News.
Stephen, Californien dans la trentaine, n’hésite pas à exprimer sa colère : « Ça m’a mis en rage. Vraiment. Mais je voterais quand même pour lui », admet-il. Une position ambivalente qui montre que le malaise existe, sans pour autant éroder immédiatement la base.
Scott reconnaît que la gestion du dossier a affaibli son enthousiasme, mais il attend de voir comment la situation évolue.
Immigration : un soutien teinté de malaise
Autre thème clivant : les expulsions massives et les opérations de l’immigration. Si certains y voient une réponse ferme à un problème ancien, d’autres dénoncent une politique excessive.
Potts juge normal que les lois soient appliquées, rappelant que de nombreux pays expulsent les personnes en situation irrégulière. Rhonda soutient les expulsions mais réclame une solution durable pour les jeunes sans-papiers arrivés enfants — les « Dreamers ».
Ray, qui faisait de la sécurité aux frontières une priorité, considère désormais que Trump est « allé trop loin ». Jorge, lui, évoque une expérience personnelle : dans sa communauté hispanique, il observe une présence accrue d’agents de l’immigration. Lui-même a été contrôlé par la police locale, ce qui, dit-il, l’a marqué : « Je suis Américain, mais maintenant j’ai peur. »
Selon lui, la politique migratoire ne fait pas la distinction entre les criminels et les travailleurs sans papiers « qui contribuent à la société ».
Un plan budgétaire controversé
La loi phare du début de mandat-surnommée « One Big Beautiful Bill » — divise également. Elle combine réductions d’impôts et dépenses massives, notamment pour la sécurité aux frontières. Scott, bien qu’en faveur du financement de l’immigration, s’inquiète de son coût pour le déficit. « C’est difficile à avaler », dit-il.
Stephen partage ce malaise : « Les grandes lois, c’est toujours pareil. Ils glissent des trucs impopulaires au milieu de mesures populaires. » Il cite l’exemple d’une loi combinant politique migratoire et suppression des taxes sur les pourboires.
Ray, Jorge et Janice se montrent encore plus critiques. Selon eux, cette loi ne profite pas aux classes moyennes. « Trump avait promis de réduire les impôts pour les petits, de faire fondre la bureaucratie. À la place, c’est des cadeaux fiscaux pour les riches et de nouvelles dépenses », tranche Ray.
Pourtant, malgré ces critiques sévères, certains électeurs comme Ray n’excluent pas de revoter Trump s’il était éligible pour un troisième mandat. « Je le referais, probablement. Parce qu’il faut que tout s’effondre pour qu’on puisse repartir de zéro », dit-il. Il se décrit comme démocrate inscrit, mais soutient des figures aussi différentes que Zohran Mamdani, un socialiste new-yorkais, et Trump.
« Ce que j’aime, c’est qu’ils vont à la rencontre des gens, qu’ils parlent vrai, même si je ne suis pas d’accord avec tout. »
Ces électeurs volatils, qui ont fait pencher la balance pour Trump en 2024, restent divisés. Leur fidélité n’est pas garantie. Ils pourraient à nouveau jouer un rôle déterminant dans les scrutins à venir — à condition que leur désenchantement ne se transforme pas en rupture.
Source: NBC News, “Swing voters who were key for Trump in 2024 have mixed reviews so far,” par Bridget Bowman et Dylan Ebs, publié le 1er août 2025.