La Cour suprême des États-Unis a refusé, mercredi 9 juillet 2025, de rétablir une loi controversée adoptée cette année en Floride qui aurait permis aux autorités de l’État d’engager des poursuites pénales contre les immigrants en situation irrégulière entrant sur le territoire floridien.
Ce rejet constitue un revers majeur pour l’administration Trump, qui soutenait cette législation.
Dans une décision expéditive rendue sans commentaire, comme c’est souvent le cas pour les requêtes d’urgence, les juges ont rejeté la demande de l’État de Floride visant à suspendre l’ordonnance d’un tribunal fédéral ayant bloqué l’entrée en vigueur de la loi. Aucun juge ne s’est officiellement opposé à cette décision, a fait savoir le New York Times.
La loi, adoptée par les législateurs républicains de Floride au début de l’année, créait deux nouvelles infractions pénales : le fait d’entrer dans l’État après avoir échappé aux autorités fédérales — passible d’un emprisonnement obligatoire de neuf mois pour une première infraction —, et le fait de revenir en Floride après une expulsion antérieure, qualifié de crime. Les personnes soupçonnées de ces infractions devaient être détenues sans possibilité de libération sous caution pendant toute la durée des procédures judiciaires.
Selon le New York Times, deux immigrants, appuyés par des organisations de défense des droits des migrants, ont rapidement contesté cette loi. Leurs avocats ont fait valoir que celle-ci usurpait les prérogatives constitutionnelles du gouvernement fédéral en matière de politique migratoire et de relations extérieures.
La juge Kathleen M. Williams, siégeant au tribunal fédéral de Miami, a donné raison aux plaignants en suspendant temporairement l’application de la loi. Une décision confirmée par un panel de trois juges de la Cour d’appel du 11e circuit, qui a estimé que les dispositions fédérales en matière d’immigration prévalaient clairement sur la législation floridienne.
Ce point de vue s’inscrit dans une jurisprudence constante, notamment la célèbre décision Arizona v. United States de 2012, dans laquelle la Cour suprême avait réaffirmé la compétence exclusive du gouvernement fédéral sur les questions migratoires. « Même si l’État de l’Arizona peut avoir des frustrations légitimes face à l’immigration illégale », écrivait à l’époque le juge Anthony M. Kennedy, « il ne peut adopter des politiques qui sapent le droit fédéral », a rappelé le New York Times rappelant que l’administration Trump, par l’intermédiaire du procureur général de Floride, James Uthmeier, avait plaidé en faveur de la loi devant la Cour suprême. Selon lui, les dispositions floridiennes avaient été « minutieusement calquées » sur les lois fédérales, dans le but de « protéger les citoyens des effets dévastateurs de l’immigration illégale ».
Mais cette argumentation n’a pas convaincu les juges. Le New York Times souligne que la désobéissance apparente de la Floride aux décisions judiciaires pourrait également avoir pesé dans la balance.
En avril dernier, malgré l’ordonnance de la juge Williams bloquant la loi, le procureur Uthmeier avait adressé une lettre aux forces de l’ordre de Floride leur indiquant que « rien ne les empêchait légalement » d’appliquer la nouvelle législation. Une position interprétée comme un acte de défiance par la magistrate, qui a condamné M. Uthmeier pour outrage civil au tribunal. « Les parties au procès ne peuvent pas réécrire les mots pour les adapter à leur volonté, surtout lorsqu’il s’agit d’une ordonnance judiciaire claire », a-t-elle écrit dans sa décision, selon le New York Times.
Sur les réseaux sociaux, M. Uthmeier a répliqué : « Si être déclaré coupable d’outrage est le prix à payer pour défendre l’État de droit et soutenir l’agenda du président Trump contre l’immigration illégale, alors soit. »
La Floride n’est pas seule à tenter de légiférer sur l’immigration : selon l’American Civil Liberties Union (ACLU), au moins six autres États ont adopté des lois similaires au cours des deux dernières années, galvanisés par le discours sécuritaire du président Trump. Toutefois, dans chaque cas, les tribunaux ont bloqué leur application, invoquant la primauté du droit fédéral.
Le 3 juillet, un panel de la Cour d’appel du 5e circuit a invalidé une loi du Texas très proche de celle de la Floride. « Depuis près de 150 ans, la Cour suprême a reconnu que le pouvoir de contrôler l’immigration — l’entrée, l’admission et l’expulsion des étrangers — est une prérogative exclusivement fédérale », écrivait la juge Priscilla Richman, nommée par l’ancien président George W. Bush.
Le rejet par la Cour suprême ne marque pas la fin définitive du litige. La procédure d’appel suit toujours son cours, et l’affaire pourrait revenir devant les juges dans les mois à venir.