Immigrations : la Maison-Blanche remanie la direction régionale d’ICE, des responsables de la Border Patrol appelés à la rescousse

Darbouze Figaro

La Maison-Blanche s’apprête à opérer un important remaniement au sein de l’Agence américaine de l’immigration et des douanes (ICE). Selon plusieurs médias américains, l’administration du président Donald Trump envisage de remplacer une partie des directeurs régionaux d’ICE par des responsables de la Patrouille frontalière (Border Patrol). L’objectif déclaré est d’accroître le nombre d’arrestations et d’expulsions de migrants.

D’après NBC News et CBS News, au moins une douzaine de dirigeants d’ICE pourraient être réaffectés « dans les prochains jours », une mesure qui toucherait potentiellement près de la moitié des 25 bureaux territoriaux de l’agence. La chaîne Straight Arrow News a confirmé ces informations en citant des sources fédérales.

Ce repositionnement interne s’inscrit dans la stratégie de la Maison-Blanche pour durcir l’application des lois migratoires. Les conseillers les plus influents du président, dont le directeur de cabinet adjoint Stephen Miller, défendent depuis le printemps un objectif explicite : 3 000 arrestations quotidiennes réalisées par ICE. Les chiffres récents, eux, restent en deçà : en règle générale, un peu plus de 1 000 arrestations par jour, avec parfois des pics au-delà de 2 000, selon les données et reportages compilés par CBS News.

D’après ces mêmes sources, le choix de dirigeants issus de la Border Patrol répond à une critique récurrente de la Maison-Blanche : ICE n’aurait pas adopté des méthodes jugées assez offensives pour atteindre les objectifs fixés. Des responsables fédéraux, cités par NBC et CBS, indiquent que ce remaniement viserait prioritairement les directions « sous-performantes » ou celles qui ont résisté aux tactiques plus agressives promues par les conseillers présidentiels.

Les débats sur la doctrine opérationnelle sont vifs. ICE a historiquement privilégié les interpellations ciblées – visant des personnes avec un casier judiciaire, sous le coup d’un ordre d’expulsion ou ayant commis des manquements documentés – alors que la Border Patrol, dont la mission première est le contrôle aux frontières, est connue pour des modes opératoires plus visibles et plus dynamiques. Des responsables évoquent, par exemple, des descentes « à la militaire », avec des déploiements par hélicoptère Black Hawk ou des sorties d’unités dissimulées dans des fourgons de location lors de filatures. Ces pratiques, déjà documentées ces derniers mois, ont suscité des contestations judiciaires, notamment en Californie.

Le différend ne se limite pas à la philosophie d’intervention ; il touche aussi les moyens matériels. Deux anciens responsables d’ICE soulignent que l’agence ne possède pas certains équipements utilisés par la Border Patrol, en particulier des hélicoptères de type Black Hawk, ce qui creuse un décalage entre les ambitions chiffrées et les moyens disponibles.

Depuis le mois de mai, Stephen Miller a fixé publiquement la barre à « un minimum de 3 000 arrestations par jour », un bond par rapport aux niveaux antérieurs. Cette politique s’est traduite par une intensification des descentes et des contrôles, avec des journées record dépassant les 2 200 arrestations, rapportent plusieurs médias nationaux. Si l’objectif officiel n’est pas encore atteint, la tendance haussière est visible.

Les effets se mesurent aussi dans la composition des interpellations. Des analyses locales (Axios Seattle, Colorado Public Radio, Florida Phoenix) montrent une augmentation marquée de la part des personnes sans antécédents criminels ni inculpations en cours parmi les personnes arrêtées, un renversement par rapport aux priorités des années précédentes. Ces évolutions alimentent une contestation politique et judiciaire, des associations de défense des droits dénonçant des opérations qui privilégieraient désormais « les chiffres, rien que les chiffres ».

Le remaniement annoncé intervient dans un contexte de secousses au sommet d’ICE. En mars, la secrétaire à la Sécurité intérieure Kristi L. Noem a nommé Todd Lyons directeur par intérim après la mise à l’écart de son prédécesseur, officiellement pour cause de résultats jugés insuffisants. Cette instabilité dans la chaîne de commandement a déjà été interprétée comme un signal que le Département de la Sécurité intérieure (DHS) entend accélérer le rythme des expulsions.

Sur le terrain, la pression opérationnelle s’est accentuée. Les budgets ont été renforcés par le Congrès, mais les capacités humaines et logistiques n’ont pas suivi au même rythme, ce qui a conduit à des réaffectations temporaires d’agents et à une coopération accrue avec d’autres composantes du DHS, dont la Border Patrol. Des reportages concordants signalent que les agents d’ICE multiplient les déploiements prolongés, avec davantage de temps passé en opérations extérieures qu’en tâches administratives.
Les conséquences pratiques d’un remplacement massif des directeurs régionaux seraient multiples. L’arrivée de profils issus de la Border Patrol pourrait réorienter la planification vers des raids plus fréquents et une présence plus visible dans l’espace public – parkings d’entreprises, chantiers, nœuds logistiques – afin d’augmenter rapidement le nombre d’interpellations. La standardisation des méthodes pourrait réduire la marge de manœuvre dont disposaient certaines directions pour adapter les opérations au contexte local. Enfin, sur le plan juridique, les risques de contentieux pourraient croître, comme le montrent les recours collectifs déjà déposés.

Des ONG et des syndicats alertent également sur l’impact économique de rafles de grande ampleur dans des secteurs comme l’agriculture, la restauration ou le bâtiment, où la perspective d’un quota quotidien élevé réactive la crainte de pénuries de main-d’œuvre et d’atteintes aux droits des travailleurs.

À ce stade, ni la Maison-Blanche ni le DHS n’ont publié la liste des responsables appelés à être déplacés, ni le calendrier précis des réassignations. Les sources citées par CBS News insistent toutefois sur un point : les régions identifiées comme « en retard » sur les objectifs fédéraux – ou réputées réticentes à certaines tactiques – seraient prioritaires.
Crédits et sources : NBC News et CBS News

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