Port-au-Prince, 30 avril 2025 — La situation des droits de l’homme en Haïti continue de se détériorer à un rythme alarmant, selon un rapport publié ce mardi par le Bureau intégré des Nations Unies en Haïti (BINUH). Entre le 1er janvier et le 31 mars 2025, au moins 1 617 personnes ont été tuées et 580 autres blessées dans des violences impliquant des gangs armés, des groupes d’autodéfense, des membres de la population ou encore les forces de sécurité de l’État.
« La violence meurtrière reste généralisée et touche indistinctement les civils, les femmes, les enfants et les forces de l’ordre », indique le rapport, qui décrit une situation « extrêmement préoccupante ».
Le BINUH souligne l’expansion territoriale des groupes armés au cours du trimestre, notamment dans la région métropolitaine de Port-au-Prince. « Les communes de Delmas et de Kenscoff ont été particulièrement ciblées par les gangs afin de déstabiliser Pétion-Ville », note le rapport. Les violences se sont également étendues au département du Centre, où les attaques contre Mirebalais et Saut d’Eau ont permis l’évasion de plus de 515 détenus de la prison de Mirebalais. Ces assauts visaient aussi à prendre le contrôle d’axes routiers stratégiques menant à la République dominicaine.
Bwa Kalé : exécutions extrajudiciaires et justice populaire
Le mouvement « Bwa Kalé », une forme d’autodéfense populaire, a continué de générer de graves violations des droits humains. « Au moins 189 personnes ont été tuées, souvent sans preuve ni procédure légale, après avoir été accusées d’appartenir à des gangs ou d’avoir commis des délits de droit commun », selon le BINUH.
Les forces de sécurité sont également mises en cause. Le rapport fait état d’au moins 802 personnes tuées lors d’opérations policières, dont environ 20 % étaient des civils touchés par des balles perdues alors qu’ils se trouvaient « dans les rues ou dans leurs habitations ». Le document recense également 65 cas d’exécutions sommaires qui auraient été perpétrés par des policiers et le commissaire du gouvernement de Miragoâne.
Les violences sexuelles, notamment celles commises par les gangs, atteignent des niveaux alarmants. « Plus de 333 survivantes ont été recensées au cours du trimestre, dont 96 % ont été victimes de viols, souvent collectifs », alerte le BINUH. Les enfants ne sont pas épargnés : 35 ont été tués et 10 blessés, tandis que d’autres ont été victimes de traite ou contraints à rejoindre des groupes armés.
Enlèvements en hausse, Artibonite en ligne de mire
Le rapport comptabilise au moins 161 enlèvements contre rançon durant les trois premiers mois de l’année, dont 63 % dans le département de l’Artibonite. Ces enlèvements touchent aussi bien les citoyens ordinaires que des professionnels, dans un climat d’impunité généralisée.
Quelques avancées judiciaires malgré un système défaillant
Face à ces violations massives, le rapport note que des efforts ont été lancés par les autorités avec l’appui des Nations Unies pour renforcer la lutte contre l’impunité. Un décret a été adopté par le Conseil Présidentiel de Transition pour la création de pôles judiciaires spécialisés chargés de traiter les crimes de masse, les violences sexuelles et les crimes financiers. Plus de 114 cas de viol ont été examinés par des juges d’instruction à travers le pays.
Cependant, « les avancées sur les affaires emblématiques demeurent lentes », souligne le BINUH, en particulier en ce qui concerne le trafic d’armes, l’assassinat du Président de la République et les massacres documentés depuis 2018.