L’ambassade des États-Unis a annoncé cette semaine la livraison de 20 véhicules blindés à la Force de Répression des Gangs (FRG), une initiative présentée comme un renforcement de l’engagement américain en faveur de la sécurité en Haïti. Sur le terrain, cependant, cette aide est accueillie avec une forte dose de scepticisme par des observateurs qui pointent du doigt des équipements inadaptés et un manque criant de stratégie globale.
Dans un communiqué publié sur sa page Facebook officielle le mardi 7 octobre 2025, l’ambassade américaine a expliqué que cette livraison a été effectuée par le biais du Bureau des affaires internationales des stupéfiants et de la répression (INL) du Département d’État. L’objectif déclaré est de « renforcer les capacités opérationnelles » de la FRG et de la Police Nationale d’Haïti (PNH) dans leur lutte acharnée contre les groupes armés qui paralysent le pays.
« Cette initiative témoigne de l’engagement continu des États-Unis en faveur de la sécurité en Haïti », a assuré l’ambassade, soulignant que cette aide s’inscrit dans le cadre d’une coopération bilatérale de longue date.
Cette livraison soulève de vives préoccupations. Ces modèles de blindés similaires, déjà fournis à la présidente Mission multinationale d’appui à la sécurité (MMAS), ont été jugés « inappropriés » par rapport aux réalités du terrain haïtien.
Au-delà de la question de l’équipement, c’est toute la stratégie de mise en place de la FRG qui est remise en cause. Des acteurs estiment que les États-Unis ont « mal démarré » dans l’opérationnalisation de cette force.
« On a l’impression d’assister à une opération de communication plus qu’à une réelle volonté d’aider à résoudre la crise sécuritaire qui ronge Haïti », déplore un observateur. « Washington envoie du matériel, mais où est la stratégie coordonnée pour le déploiement rapide et effectif de la nouvelle force anti-gangs? », se demande cet observateur.
Par ailleurs, l’initiative américaine semble manquer de soutien international. Selon des informations diplomatiques, certains pays concernés se seraient montrés réticents à s’engager pleinement dans la FRG.
Dans un entretien exclusif CTN mercredi, l’ancien chargé d’affaires américain en Haïti, Luis Moreno, a averti que les soldats de la force de répression des gangs pourraient ne pas être déployés en Haïti dans un futur proche. Pour Moreno, cela prendrait au moins 6 mois pour que le peuple haïtien puisse commencer à voir les premiers soldats débarquer.
Le diplomate retraité déplore le fait qu’aucun pays n’ait pris l’engagement formel en ce qui concerne la contribution en troupe.
Alors que la population haïtienne continue de souffrir au quotidien de l’extrême violence des gangs, la dernière livraison américaine est perçue avec un optimisme des plus réservés. Si le geste confirme que la crise haïtienne reste une priorité pour Washington, il met aussi en lumière le fossé entre les annonces diplomatiques et les réalités complexes d’un terrain qui demande bien plus que des blindés pour retrouver la paix. La crédibilité de la FRG, et de ses soutiens, se jouera non pas dans les showrooms, mais dans sa capacité concrète à rendre leurs rues aux Haïtiens.
https://ctninfo.com/fr/haiti-les-etats-unis-livrent-des-blindes-a-la-nouvelle-force-anti-gangs/