Haïti : entre espoirs et limites, le défi sécuritaire de la Force de Répression des Gangs

Darbouze Figaro

Le Conseil de sécurité des Nations Unies a adopté, le 30 septembre 2025, la résolution 2793 entérinant le passage de la Mission multinationale d’appui à la sécurité (MMAS) à une Force de Répression des Gangs (FRG). Si ce nouveau dispositif dispose d’atouts opérationnels inédits, son efficacité dépendra des engagements financiers et politiques des États membres ainsi que de la volonté des autorités haïtiennes, alerte le Centre d’analyse et de recherche en droits de l’homme (CARDH) dans un rapport publié le 2 octobre 2025.

Contrairement à la MMAS, composée essentiellement de policiers, la FRG prévoit l’engagement de 5 500 policiers et militaires. Son mandat, établi sous le chapitre VII de la Charte de l’ONU, lui confère une capacité d’action autonome, incluant la réalisation d’opérations indépendantes des forces haïtiennes, des arrestations ciblées et des mesures temporaires d’urgence pour limiter les dommages collatéraux, note le Centre d’analyse et de recherche en droits de l’homme.

La FRG pourra également agir de manière proactive en ciblant les sources d’approvisionnement des gangs, avec des pouvoirs de saisie et de destruction d’armes illicites. Elle contribuera en outre au renforcement du Comité des sanctions des Nations Unies et des Forces armées d’Haïti (FAD’H). Un nouveau Bureau d’appui des Nations Unies en Haïti (BANUH) sera créé pour assurer son soutien logistique.

Malgré ces avancées, le CARDH soulève plusieurs limites. La FRG reste une force multinationale financée par contributions volontaires, tout comme son recrutement en personnel. Ces incertitudes financières et opérationnelles, associées aux délais logistiques, pourraient retarder son déploiement effectif de six mois à un an.

« La FRG peut aider à contenir la criminalité, mais à condition que les partenaires internationaux s’engagent réellement et que les autorités haïtiennes assument leurs responsabilités », insiste l’organisation.

Recommandations : sécuriser le financement, renforcer les institutions locales

Le CARDH appelle la communauté internationale à doter la FRG de moyens « financiers, matériels, technologiques et humains » suffisants, ainsi que d’un leadership solide. Il recommande également la mise en place de mécanismes de suivi mesurables et le respect du cadre juridique international, notamment l’article 4 du Pacte relatif aux droits civils et politiques.

Côté haïtien, le centre exhorte les dirigeants à adopter un plan de sécurité national assorti d’un calendrier précis, et à renforcer les capacités de la Police nationale et des FAD’H. La société civile doit être associée à ces efforts, conformément aux principes de la Feuille de route de l’OEA.

Pour le CARDH, la transition vers la FRG représente une avancée, mais elle ne suffira pas sans une approche structurelle et coordonnée. Le rapport conclut sur une note d’avertissement : sans un engagement durable, le pays « risque de faire les mêmes expériences : une force mobilisée, des centaines de millions de dollars américains dépensés… le problème n’est pas résolu. »

La balle est désormais dans le camp des donateurs internationaux et des autorités haïtiennes. Les prochains mois seront décisifs pour transformer cette nouvelle architecture sécuritaire en résultats tangibles pour la population haïtienne.

Partager cet article