Un rapport d’enquête explosif de l’Unité de Lutte contre la Corruption (ULCC) remis à la justice, lundi 8 décembre 2025, met en cause l’ancien président Michel Joseph Martelly (2011-2016) pour des irrégularités graves et systématiques dans ses déclarations de patrimoine. La Commission d’enquête conclut à des » incohérences « , des » omissions significatives » et une volonté de fournir des informations erronées, recommandant l’ouverture d’actions judiciaires pour » fraude « .
Le rapport souligne d’emblée le non-respect des délais légaux. La déclaration d’entrée de fonction, datée du 11 juillet 2011, a été déposée bien après les 30 jours suivant la prise de fonction (14 mai 2011). Plus grave, la déclaration de sortie a été effectuée en janvier 2018, soit près de deux ans après la fin de son mandat (février 2016), constituant une » violation manifeste » de la loi du 12 février 2008. Ces deux documents sont d’office jugés » nuls et irréguliers « .
Un écart colossal entre déclarations et réalité bancaire
Le cœur de l’accusation réside dans la dissimulation d’actifs. Alors que Martelly déclarait 4 comptes à terme et 3 comptes courants à l’entrée en fonction, les relevés bancaires obtenus de la CAPITAL BANK, de la BNC, de la SOGEBANK et de la UNIBANK révèlent que les époux Martelly détenaient au moins 20 comptes bancaires à cette date, ainsi qu’une carte de crédit. Un emprunt de 39 921 dollars américains contracté par son épouse Sophia Saint-Rémy Martelly en septembre 2011 n’a également jamais été déclaré.
À la sortie, seuls 8 comptes étaient déclarés, contre 17 comptes effectifs identifiés par l’ULCC. La Commission qualifie cette sous-déclaration d’ » incomplète et fausse « , indiquant » une volonté réelle de fournir de fausses informations « .
Omissions de biens immobiliers et véhicules
Le rapport relève également l’absence inexplicable de plusieurs biens immobiliers dans la déclaration d’entrée :
Un appartement à Puits-Blain (Pétion-Ville), acheté en 1991 pour 180 000 gourdes.
Deux propriétés à la rue Moïse à Pétion-Ville, acquise en 2005 et 2007 pour respectivement 120 000 et 400 000 dollars US.
Ces biens, pourtant antérieurs à sa présidence, n’apparaissent que dans la déclaration de sortie de 2018. L’ULCC estime que cela pourrait relever d’une » falsification » et d’une » fraude « .
Aucune indication n’a été relative au mode de financement n’a été fournie par Michel Martelly pour une maison acquise au prix de 180 000 dollars américains à Bois-neuf, Saint-Marc, au cours de son mandat présidentiel, en 2012.
Concernant les véhicules, ceux déclarés en 2011 ont » disparu » de la déclaration de 2018 sans preuve de vente, tandis que des véhicules au nom de son épouse acquis avant 2011 n’ont jamais été déclarés.
L’analyse des revenus montre des contradictions flagrantes. À l’entrée, Martelly déclarait un revenu artistique annuel de 100 000 dollars US, mais indiquait ailleurs un revenu familial du même montant, créant une confusion. À la sortie, il déclare des revenus de conférences (125 000 dollars US) et de location (150 000 dollars US) sans fournir le moindre justificatif. Le rapport relève aussi l’absence de déclaration des revenus perçus par son épouse en tant que Conseillère du président (1 538 646,10 gourdes).
Participations sociétales occultées
L’enquête révèle que Martelly n’a déclaré à l’entrée aucune participation dans des sociétés comme EUROPA VOCE GROUP S.A. ou TRANSCOMEX S.A. À la sortie, seule la société M&S CONSULTING S.A. est mentionnée, de manière non justifiée, occultant les autres.
Face à cet ensemble » d’incohérences, d’omissions et de fausses déclarations « , la Commission d’enquête de l’ULCC recommande formellement :
La mise en mouvement de l’action publique contre Michel Joseph Martelly pour » fraude » et » fausse déclaration de patrimoine « , sur la base des articles de la loi de 2008 et du Code pénal haïtien.
Ce dossier, qui expose un manquement grave à l’obligation de transparence pour la plus haute fonction de l’État, pourrait relancer le débat sur l’impunité et la reddition des comptes dans la vie politique haïtienne. Aucune réaction immédiate de l’ancien président n’a été enregistrée.



