Le Premier ministre Alix Didier Fils-Aimé plaide pour la sécurité, les élections et un appui international accru à Haïti

Mederson Alcindor

La crise haïtienne s’est invitée au cœur des débats, le mercredi 27 août 2025, à Washington, lors d’une réunion du Groupe des « pays amis » d’Haïti, convoquée par l’Organisation des États Américains (OEA). Autour de la table : les représentants permanents de l’OEA, les Nations Unies, la CARICOM et le Groupe des Éminentes Personnalités (GPE). Le Premier ministre Alix Didier Fils-Aimé, accompagné de membres de son gouvernement, y a « défendu les priorités de la transition haïtienne. »

D’entrée de jeu, le chef du gouvernement a exprimé sa gratitude envers le Secrétaire général de l’OEA, Albert Ramdin, saluant la présentation d’une nouvelle feuille de route pour Haïti. « Ce document, réaliste et ancré dans les réalités du terrain, constitue une base constructive pour orienter notre pays vers la stabilité et la paix », a-t-il déclaré.

La sécurité comme urgence absolue

Dans son intervention, Fils-Aimé a insisté sur la gravité de la crise sécuritaire. Les gangs armés contrôlent toujours plus de 60 % de Port-au-Prince et plusieurs axes routiers stratégiques, paralysant l’économie et isolant des régions entières.

Le Premier ministre a annoncé une série de mesures pour « restaurer l’autorité de l’État » : reprise du contrôle du centre administratif de la capitale, sécurisation des routes nationales et le renforcement de la Police nationale d’Haïti (PNH) et remobilisation des Forces armées d’Haïti (FAD’H).

Il a également plaidé pour une levée ciblée de l’embargo sur les armes, afin de permettre aux forces haïtiennes de s’équiper face à des gangs lourdement armés. Enfin, il a réclamé le renforcement de la Mission multinationale de sécurité, jugée encore trop limitée.

Élections et gouvernance

Le Premier ministre a réaffirmé l’engagement du gouvernement à organiser des élections libres et inclusives. Selon lui, le processus est bien avancé : 85 % des centres de vote identifiés, 70 % du personnel électoral mobilisé, 65 millions de dollars déjà sécurisés pour financer l’opération.

Le gouvernement souhaite aussi renforcer l’Office national d’identification (ONI) et garantir une participation élargie, incluant femmes, jeunes et personnes marginalisées.

Sur le plan institutionnel, Fils-Aimé a rappelé la nécessité de réformes profondes : lutte contre l’impunité, réforme de la justice et bonne gouvernance. « Nous devons mettre fin à la corruption et rétablir l’État de droit », a-t-il martelé.

Une crise humanitaire et économique aggravée

Au-delà de la sécurité et des élections, le Premier ministre a dressé un tableau sombre de la situation humanitaire. Plus de 600 000 déplacés internes vivent dans des conditions précaires, avec un accès limité à l’eau, à l’éducation et aux soins. Moins de 50 % des hôpitaux de la capitale fonctionnent normalement.

Sur le plan économique, Haïti traverse sa septième année consécutive de récession. L’inflation dépasse 40 %, les chaînes logistiques sont brisées et le secteur privé s’effondre. « Notre priorité est de relancer l’économie par le bas, en soutenant les petites et moyennes entreprises et en développant deux grands pôles régionaux, le Nord et le Sud », a souligné Fils-Aimé, en évoquant des secteurs stratégiques comme l’agro-industrie, le textile et les énergies renouvelables.

La feuille de route de l’OEA : un plan de 2,6 milliards de dollars

La réunion a surtout été l’occasion pour l’OEA de présenter sa nouvelle feuille de route 2025-2028, évaluée à 2,6 milliards de dollars. Ce plan, qui double les prévisions initiales, consacre 1,3 milliard uniquement à la sécurité, afin de combattre la violence des gangs.

Articulée autour de cinq piliers: sécurité, gouvernance, élections, aide humanitaire et relance économique, la feuille de route prévoit une mise en œuvre sur 36 mois, avec des actions d’urgence dès les 30 premiers jours.

Si le plan a été salué comme un signal fort de solidarité régionale, des interrogations demeurent : les États-Unis ont jugé que l’enveloppe sécuritaire pourrait encore être insuffisante, tandis que l’Argentine a exprimé des doutes sur la clarté du financement et la capacité de coordination de l’OEA.

Une étape, mais pas une solution immédiate

En conclusion, le Premier ministre Fils-Aimé a insisté pour que la feuille de route devienne « un instrument réaliste et efficace, harmonisé avec les priorités haïtiennes ». Il a proposé la création d’un comité mixte de suivi entre l’OEA et le gouvernement, afin de garantir une mise en œuvre concrète.

La crise haïtienne reste multidimensionnelle : sécuritaire, politique, humanitaire et économique. Mais pour la première fois depuis plusieurs mois, un cadre clair, doté d’un budget et soutenu par la communauté internationale, se dessine.

La feuille de route de l’OEA ne représente pas une solution miracle, mais elle s’impose comme un pari collectif pour éviter l’effondrement total d’Haïti et tracer les premières pistes vers un retour à la stabilité.

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