Alors que Haïti traverse une grave crise socioéconomique, politique et sécuritaire, le Premier ministre Alix Didier Fils-Aimé a engagé un lobbyiste américain pour représenter les intérêts du gouvernement haïtien à Washington. Cette information, révélée par le média haïtien AyiboPost, suscite déjà des interrogations sur l’usage des fonds publics dans un contexte de rareté des ressources.
Le lobbyiste en question, Carlos Trujillo, est un ancien diplomate ayant servi sous l’administration Trump. Selon les informations publiées, il perçoit un salaire mensuel de 35 000 dollars américains, et son contrat est censé couvrir toute la durée du mandat du gouvernement de transition. La mission principale de Trujillo consiste à plaider la cause d’Haïti auprès des autorités américaines et à faciliter l’accès à des financements, des soutiens politiques et des programmes d’assistance.
Cependant, cette dépense soulève des critiques, notamment dans un contexte où le pays connaît une crise économique sans précédent, avec une inflation galopante, des pénuries alimentaires et des services publics en difficulté. Les enseignants du secteur public, les agents de santé et de nombreux fonctionnaires en situation précaire s’interrogent sur la priorité accordée à un lobbyiste étranger rémunéré à hauteur de dizaines de milliers de dollars par mois.
En outre, certaines voix pointent du doigt le manque de transparence autour de ce type de contrat. Comment justifier des fonds publics dépensés pour un service de lobbying à l’étranger, alors que des besoins fondamentaux persistent dans le pays ? Certains analystes comparent ces dépenses à celles attribuées aux conseillers présidentiels ou aux services dits « d’intelligence fantôme », dont le rôle exact et les avantages financiers restent opaques pour le grand public.
Le recours aux lobbyistes américains n’est pas nouveau pour les autorités haïtiennes. Sous de précédentes administrations, des intermédiaires sont engagés pour défendre les intérêts du pays à Washington, notamment dans le cadre de demandes d’aide financière, de programmes de sécurité ou de négociations diplomatiques. Mais les résultats obtenus sont souvent difficiles à évaluer, et les bénéfices réels pour la population haïtienne restent controversés.
Pour certains observateurs, l’engagement de Carlos Trujillo reflète une stratégie politique visant à maintenir de bonnes relations avec les États-Unis, tout en sécurisant un appui diplomatique et financier pour le gouvernement de transition. Mais pour d’autres, il illustre un problème récurrent : la priorité donnée à des services coûteux au détriment des besoins immédiats des citoyens.
Le contrat de lobbying soulève également des questions de responsabilité. Comme le soulignent des experts en finances publiques, le gouvernement haïtien assume seul la charge financière et politique de ces décisions. Les dépenses engagées ne produisent pas nécessairement des résultats tangibles, et c’est l’État, donc les contribuables haïtiens, qui en portent les conséquences.
Dans un pays où l’accès aux services essentiels reste limité, cette décision met en lumière les tensions entre stratégie diplomatique et urgence sociale. Elle illustre également le défi constant auquel font face les autorités : concilier la recherche d’appuis internationaux avec les besoins vitaux d’une population déjà fragilisée par la crise économique.
Alors que le gouvernement poursuit son mandat de transition, la question demeure : ces investissements dans le lobbying à l’étranger auront-ils un impact réel pour le peuple haïtien, ou ne feront-ils que renforcer le sentiment de frustration face à des dépenses publiques jugées disproportionnées et opaques ?