Frais d’asile, taxes sur les virements, amendes : les détails des nouveaux frais imposés aux migrants sans-papiers aux États-Unis

Emmanuel Paul
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Emmanuel Paul
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Emmanuel Paul est un journaliste chevronné et un conteur accompli, animé par un engagement profond envers la vérité, la communauté et l’impact social. Il est le...

Alors qu’il projette l’expulsion de plus de 12 millions d’immigrants, Donald Trump s’appuie paradoxalement sur ces mêmes immigrants pour générer les revenus prévus dans le nouveau budget fédéral, ratifié par le président le 4 juillet dernier après son adoption par le congrès américain.

La législation met en place une série de nouvelles taxes et frais visant spécifiquement les immigrants en situation irrégulière.

Comme le rapporte le Wall Street Journal, les demandeurs d’asile devront désormais payer 100 dollars pour déposer une demande — une disposition qui fait des États-Unis l’un des rares pays à monnayer l’accès à la protection humanitaire.

Cette somme n’est que le début : chaque année d’attente, les demandeurs d’asile doivent verser 100 $ jusqu’à la décision finale concernant leur dossier. Le renouvellement de leur permis de travail coûtera désormais 550 $, contre 410 dollars précédemment.

La demande initiale de carte de travail reste gratuite, mais le Département de la Sécurité Intérieure pourrait instaurer des frais ultérieurement, conformément aux dispositions de cette nouvelle loi budgétaire.

Les immigrants dont les demandes sont rejetées devront débourser 900 $ pour faire appel, un montant qui s’élevait auparavant à seulement 110 dollars.

De plus, tous les détenteurs de visa temporaire — qu’ils soient touristes, étudiants ou travailleurs — devront payer une « taxe d’intégrité des visas » de 250 dollars, en plus des frais habituels, ont rapporté Michelle Hackman et Jack Gillum pour le WSJ.

De nouvelles taxes sur les envois d’argent

Une autre mesure controversée concerne l’instauration d’une taxe de 1 % sur les transferts d’argent vers l’étranger, appelés remittances. Cette première aux États-Unis vise à décourager les envois d’argent vers les pays d’origine des immigrants. Comme le note Quartz, cette taxe ne s’appliquera pas aux paiements par carte bancaire, mais concernera les transferts via mandats, espèces ou chèques. Le sénateur républicain Eric Schmitt avait suggéré une version plus contraignante, proposant une taxe de 15 %.

Des amendes inédites pour les sans-papiers

Le nouveau dispositif législatif instaure des sanctions sans précédent. Chaque migrant interpellé sans documents légaux sera contraint de verser une amende non remboursable de 5 000 dollars. Une pénalité identique pourrait être imposée à ceux qui ne se présentent pas à leur audience devant la cour d’immigration. Si un migrant se trouve dans l’incapacité de régler ces montants, l’administration Trump pourrait engager des poursuites pénales, selon Vanity Fair.

Cette réforme impacte également significativement les prestations sociales. Le Child Tax Credit, une allocation annuelle destinée aux familles pour l’éducation de leurs enfants, sera désormais inaccessible aux enfants citoyens américains dont les deux parents sont en situation irrégulière. « Cela revient à couper une aide essentielle à des enfants américains », a dénoncé Tara Watson, directrice du Center for Economic Security and Opportunity à la Brookings Institution.

D’après ses estimations, environ 2,6 millions d’enfants perdraient leur éligibilité à cette aide, évaluée à 2 200 dollars par an.

Imposer de nouveaux frais, mais diminuer ou éliminer les bénéfices pour les immigrants et leurs enfants citoyens américains

La législation exclut également plusieurs catégories d’immigrants — notamment les réfugiés et les bénéficiaires de l’asile — de l’accès à Medicare, Medicaid, aux marchés de l’assurance santé et aux bons alimentaires (SNAP). Seuls conservent leur éligibilité les détenteurs de cartes vertes résidant légalement aux États-Unis depuis au moins cinq ans, certains Cubains et Haïtiens, ainsi que les ressortissants de Micronésie, des îles Marshall et de Palaos.

Shelby Gonzales, du Center on Budget and Policy Priorities, prévient : « Beaucoup de gens étaient déjà exclus des programmes de santé. Cette loi aggrave encore la situation. » Elle exprime son inquiétude quant à la pression sur les banques alimentaires : « Ces structures n’ont tout simplement pas la capacité d’absorber un afflux massif. »

Heidi Altman, vice-présidente du National Immigration Law Center, a vivement critiqué cette disposition : « Ces frais exorbitants deviennent des obstacles à l’accès à la justice pour des personnes déjà vulnérables. »

Une enveloppe sans précédent pour intensifier les objectifs de déportation massive

Célébrée par les républicains comme une victoire politique majeure, cette législation, votée par les deux chambres du Congrès après d’intenses discussions, alloue une enveloppe historique de 170 milliards de dollars à la sécurité frontalière et à l’application des lois sur l’immigration.

Cette initiative vise principalement à « supercharger » — c’est-à-dire à renforcer massivement — les capacités de détention, de déportation et de surveillance aux frontières. Comme l’a résumé Tom Homan, conseiller spécial de la Maison-Blanche chargé des frontières : « Plus on a de lits, plus on arrête de mauvaises personnes » (NPR, 3 juillet 2025).

Le texte attribue 45 milliards de dollars aux centres de détention de l’Immigration and Customs Enforcement (ICE), 30 milliards pour le recrutement de personnel supplémentaire, le financement des transports et l’entretien des infrastructures existantes, selon les informations de NPR.

Le projet inclut également 46,5 milliards de dollars pour achever la construction du mur frontalier avec le Mexique, engagement phare de Donald Trump depuis sa première campagne présidentielle. Un budget additionnel de 5 milliards est alloué aux installations de la Customs and Border Protection (CBP), plus 10 milliards pour d’autres initiatives de sécurité frontalière. Parallèlement, 13,5 milliards seront distribués aux États et collectivités locales participant aux efforts de contrôle migratoire.

Kathleen Bush-Joseph, analyste au Migration Policy Institute, a déclaré sur NPR que cette législation « renforcera assurément l’appareil d’application des lois migratoires sur le long terme », mais prévient que « cela ne se fera pas du jour au lendemain ».

Une capacité de détention en forte hausse

D’après les calculs de l’American Immigration Council, les nouveaux financements pourraient augmenter la capacité de détention à plus de 116 000 lits, alors que de nombreux centres opèrent déjà au-delà de leurs capacités.

Bush-Joseph souligne néanmoins que cette expansion pourrait avoir des conséquences négatives : « La détention migratoire rend plus difficile l’accès à la justice, la communication avec un avocat, et la compréhension de ses droits. » Elle exprime particulièrement son inquiétude concernant l’abandon annoncé du principe de « catch and release », qui permettait la libération conditionnelle de certaines personnes dans l’attente de leur audience devant la cour d’immigration.

Une réforme judiciaire insuffisante

La législation prévoit une allocation de 3 milliards de dollars au département de la Justice pour renforcer le système judiciaire d’immigration. Ces fonds serviront notamment au recrutement de nouveaux magistrats. Cependant, comme le fait remarquer Bush-Joseph, la loi limite à 800 le nombre total de juges, alors que plus de 1 300 seraient nécessaires pour traiter l’arriéré de près de 4 millions de dossiers (chiffres d’avril 2025).

« Même avec ces nouvelles ressources, les tribunaux risquent de continuer à prendre du retard », observe-t-elle.

Une contribution déjà massive des sans-papiers

Ces nouvelles charges s’ajoutent à une contribution fiscale déjà considérable : selon l’Institut on Taxation and Economic Policy, les sans-papiers ont contribué à hauteur de 96,7 milliards de dollars en impôts (fédéraux, étatiques et locaux) en 2022 — un tiers de cette somme finançant des programmes dont ils sont exclus.

« C’est ironique », commente le journaliste Katie Herchenroeder dans Vanity Fair. « On demande à ces gens de payer pour des services dont ils sont exclus, et pour une politique qui les vise. »

Une loi qui redéfinit l’immigration

Avec la promulgation de cette loi, le président Donald Trump marque un tournant majeur dans la politique migratoire américaine. La mise en œuvre effective des mesures dépendra désormais de la capacité des agences fédérales à gérer ces budgets sans précédent et à concrétiser les objectifs présidentiels.

Pour les défenseurs des droits humains, les préoccupations demeurent entières. Cette réforme, alliant renforcement sécuritaire, augmentation des frais et réductions sociales, risque de fragiliser davantage des millions d’immigrants déjà vulnérables, et de transformer durablement le paysage américain.

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