La décision de l’administration Trump de mettre fin, dès aujourd’hui, au Statut de Protection Temporaire (TPS) pour plus de 240 000 Vénézuéliens marque, selon plusieurs organisations de défense des droits des immigrés, une nouvelle étape dans le démantèlement d’un des principaux dispositifs humanitaires des États-Unis.
Dans un communiqué publié vendredi, l’American Civil Liberties Union (ACLU) et d’autres organisations appellent le Congrès à adopter en urgence une loi offrant une voie de régularisation et, à terme, la citoyenneté aux titulaires actuels et anciens du TPS.
Créé par le Congrès en 1990, le TPS protège de l’expulsion des ressortissants étrangers lorsque des violences, des désastres naturels ou un effondrement institutionnel rendent leur pays d’origine trop dangereux pour un retour. Sa révocation pour le Venezuela « laissera des centaines de milliers de personnes vulnérables à la détention et à une possible expulsion vers un pays où beaucoup risquent des persécutions, des emprisonnements arbitraires ou des atteintes graves », alertent les organisations. Les conséquences s’annoncent aussi « immédiates et déstabilisantes » dans des communautés américaines où ces familles « contribuent depuis longtemps aux économies locales, aux écoles et à la vie de quartier ».
Pour l’ACLU, l’heure est à la mobilisation législative.
« Ce moment représente bien plus que la perte d’un statut pour un seul groupe : c’est un point d’inflexion dans l’effort plus large de l’administration Trump visant à s’attaquer au TPS et à d’autres protections humanitaires, et à placer des centaines de milliers de nos voisins en danger d’expulsion et d’arrestation par des agents masqués », déclare Haddy Gassama, conseillère principale en politiques au sein du département de plaidoyer politique national de l’ACLU. « Les électeurs américains ont montré qu’ils rejettent profondément l’agenda de déportations inconsidérées de l’administration ; il est crucial que les membres du Congrès fassent preuve de courage et s’unissent derrière une loi qui protège les titulaires du TPS et offre une voie vers la citoyenneté à des millions de nos voisins et proches. »
D’autres voix insistent sur l’ampleur du choc pour la diaspora vénézuélienne. « Aujourd’hui à minuit, 260 000 Vénézuéliens perdront leur TPS, rejoignant les 340 000 qui l’ont déjà perdu. Au total, plus de 600 000 Vénézuéliens se voient retirer leur protection légale — la plus grande illégalisation d’immigrants de l’histoire des États-Unis — transformant des familles respectueuses des lois et payant des impôts en personnes menacées de déportation », affirme Adelys Ferro, directrice exécutive du Venezuelan American Caucus. « Cette décision cruelle, soutenue par la Cour suprême, n’a rien à voir avec la politique ou le droit ; c’est de la xénophobie, du racisme et de la discrimination. Beaucoup de titulaires du TPS sont des réfugiés politiques, des victimes de persécution et des piliers de leurs communautés. »
Au-delà du Venezuela, les associations dénoncent un mouvement de fond visant plusieurs nationalités.
Depuis l’arrivée de Donald Trump à la Maison-Blanche, des résiliations ont visé l’Afghanistan, le Cameroun, Haïti, le Honduras, le Népal, le Nicaragua, la Syrie — et désormais le Venezuela —, exposant « plus de 675 000 personnes » à une séparation familiale, à la détention et à l’éloignement forcé. « La décision de mettre fin au TPS pour le Venezuela et d’autres pays éligibles est contraire à l’intention initiale du Congrès », estime Nils Kinuani, responsable des politiques fédérales pour African Communities Together. « Le Congrès a créé ce programme précisément pour protéger des populations vulnérables confrontées à des conditions dangereuses ou instables. »
Sur le terrain, les structures communautaires redoutent un basculement social. « Les migrants vénézuéliens font désormais partie intégrante de nos communautés — ce sont nos voisins, collègues, aidants et amis », rappelle Dulce Guzman, directrice exécutive d’Alianza Americas. « Pourtant, cette administration semble déterminée à démanteler chaque voie humanitaire et légale pour ceux qui cherchent la sécurité. La répression politique continue, l’effondrement économique et les violations des droits humains rendent le retour au Venezuela dangereux, justifiant la prolongation du TPS. »
Des accusations de discrimination
Le caractère discriminatoire perçu de la politique actuelle alimente également la colère. « La résiliation du TPS pour plus de 240 000 Vénézuéliens s’inscrit dans une stratégie délibérée de démantèlement des protections pour les communautés noires, brunes et moyen-orientales », juge Carolyn Tran, directrice exécutive de Communities United for Status & Protection (CUSP). « Les mêmes forces qui menacent les familles vénézuéliennes visent aussi les familles haïtiennes, soudanaises, éthiopiennes, syriennes, birmanes, afghanes et népalaises. Notre force réside dans notre résistance collective et notre refus de la division. Le Congrès doit agir maintenant pour protéger tous les titulaires du TPS et offrir une voie vers la citoyenneté. »
Dans les foyers, l’impact humain est déjà visible, souligne CASA, une grande organisation de services et de plaidoyer. « Aujourd’hui, plus de 240 000 Vénézuéliens rejoignent la communauté grandissante des titulaires du TPS « délégalisés » par cette administration, exposés au risque immédiat d’être séparés de leurs familles et expulsés sans égard pour leur sécurité », déclare George Escobar, directeur des programmes et services. « Le TPS a permis à tant de personnes de travailler et de subvenir aux besoins des leurs. Le démantèlement systémique du programme va de pair avec une xénophobie violente, alors que des membres noirs et bruns de nos communautés sont ciblés par les agents de l’application des lois. »
Pour les organisations, la sortie de crise passe par le Capitole : une réforme votée par les deux chambres, qui verrouillerait des protections claires et un statut durable pour celles et ceux qui, depuis des années, vivent, travaillent et paient des impôts aux États-Unis. En attendant, préviennent-elles, la fin du TPS pour les Vénézuéliens ouvre une période d’incertitude juridique et humanitaire dont les coûts — sociaux, économiques et humains — se feront sentir bien au-delà des communautés directement touchées.
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