États-Unis : une juge fédérale annule les inculpations de James Comey et Letitia James en raison de la nomination illégale de la procureure

Emmanuel Paul
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Une juge fédérale a annulé les inculpations visant l’ancien directeur du FBI James Comey et la procureure générale de l’État de New York Letitia James, estimant que la procureure qui avait mené les poursuites, Lindsey Halligan, avait été nommée en violation de la loi. Les deux affaires, très politiques, visaient deux figures devenues des ennemis déclarés du président Donald Trump.

Selon un reportage de NBC News, signé Dareh Gregorian, Gary Grumbach et Ryan J. Reilly, la juge Cameron Currie, du tribunal fédéral de district, a jugé que Halligan n’avait « aucune autorité légale » pour présenter les dossiers devant un grand jury, ce qui rend les inculpations nulles et non avenues.

Une nomination jugée inconstitutionnelle

Dans sa décision, la juge Currie explique qu’elle fait droit à la requête de James Comey, qui demandait l’annulation de l’acte d’accusation au motif que la nomination de Lindsey Halligan comme procureure intérimaire violait les règles encadrant la désignation des procureurs fédéraux.

« Puisque Mme Halligan n’avait aucune autorité légale pour présenter l’acte d’accusation, je vais faire droit à la requête de M. Comey et annuler l’inculpation », écrit la juge, citée par NBC News.

Elle poursuit en estimant que « toutes les actions découlant de la nomination défectueuse de Mme Halligan, y compris l’obtention et la signature de l’acte d’accusation visant M. Comey, constituaient un exercice illégal du pouvoir exécutif et sont par la présente annulées ». La magistrate décrit Halligan comme « une ancienne collaboratrice de la Maison Blanche sans aucune expérience préalable comme procureure ».

Une ordonnance distincte, mais calquée sur le même raisonnement, a été rendue pour annuler les poursuites visant Letitia James, la très visible procureure générale de l’État de New York.

Un cas « unique, voire sans précédent »

La juge Currie souligne le caractère exceptionnel de la situation. Dans sa décision, elle parle d’un cas « unique, voire sans précédent, où une procureure nommée de manière inconstitutionnelle, exerçant un pouvoir qu’elle ne possédait pas légalement, a agi seule pour conduire une procédure de grand jury et obtenir un acte d’accusation ».

Lindsey Halligan avait été nommée procureure fédérale intérimaire pour le district Est de Virginie à la demande du président Trump, après le départ forcé de son prédécesseur, Erik Siebert. D’après NBC News, les avocats de Comey et de James soutenaient que, compte tenu des règles fédérales, c’était aux juges de ce district – et non à l’Attorney General Pam Bondi – de désigner la personne appelée à prendre la relève, une fois dépassée la période de 120 jours prévue pour une nomination politique.

Pour la juge Currie, le problème ne peut pas être balayé comme une simple « erreur de papier ». Lors d’une audience conjointe le 13 novembre, un représentant du Department of Justice (DOJ) avait tenté de minimiser les enjeux en évoquant un problème purement administratif. La défense de Comey avait répliqué qu’il s’agissait au contraire d’un « vice fatal » qui devait faire tomber toute la procédure, rappelle NBC News.

Des poursuites hautement politiques

James Comey était poursuivi pour fausse déclaration au Congrès et entrave à une enquête parlementaire. Letitia James faisait face à des accusations de fraude bancaire et de fausse déclaration à un établissement financier. Tous deux avaient plaidé non coupable.

Selon NBC News, la manière dont Halligan a conduit les dossiers sortait déjà des usages. Dans une démarche qualifiée de « très inhabituelle », elle avait été l’unique procureure à présenter les éléments au grand jury et à signer personnellement les actes d’accusation. Des procureurs plus expérimentés de son propre bureau auraient recommandé de ne pas engager de poursuites, estimant les preuves insuffisantes pour espérer une condamnation.

Le rôle central de Halligan dans ces deux dossiers explique pourquoi l’irrégularité de sa nomination entraîne l’annulation totale des inculpations. La juge note que toutes les étapes de la procédure – de la présentation au grand jury jusqu’à la signature des actes – reposaient exclusivement sur son autorité, désormais jugée illégale.

Pressions politiques et nominations contestées

Comme le rappelle NBC News, la nomination de Lindsey Halligan avait suscité des interrogations dès le départ. La veille de sa désignation, le président Trump avait forcé Erik Siebert à quitter son poste, après que ce dernier eut résisté à des pressions pour poursuivre James Comey, Letitia James et d’autres adversaires politiques, dont le sénateur démocrate Adam Schiff.

Dans un message publié sur son réseau social, Trump exhortait alors Pam Bondi à passer à l’action, se plaignant que « rien n’est fait » contre ces personnalités qu’il juge « coupables ». Ce post, qui selon une source citée par NBC News devait à l’origine être un message privé à Bondi, s’est retrouvé rendu public.

Cinq jours plus tard, Halligan, avocate spécialisée en assurances et sans expérience en matière de poursuites pénales, présentait le dossier Comey au grand jury, à quelques jours seulement de l’expiration du délai de prescription de cinq ans.

Une victoire partielle pour Letitia James et James Comey

Les deux actes d’accusation ont été annulés sans préjudice (« without prejudice »), ce qui signifie que, juridiquement, ils pourraient être représentés dans le futur par un procureur dûment nommé. Mais d’autres recours restent pendants devant les tribunaux.

Les avocats de Comey et de James demandent en effet l’annulation des poursuites avec préjudice (« with prejudice »), en soutenant que ces affaires constituent des exemples de poursuites sélectives et vindicatives motivées par des considérations politiques. Une telle décision empêcherait définitivement le gouvernement fédéral de les poursuivre à nouveau sur les mêmes chefs.

Dans un communiqué cité par NBC News, Letitia James s’est félicitée de la décision :

« Je suis encouragée par la victoire d’aujourd’hui et reconnaissante pour les prières et le soutien que j’ai reçus à travers tout le pays. Je reste sans peur face à ces accusations dénuées de fondement, alors que je continue à me battre chaque jour pour les New-Yorkais », a-t-elle déclaré.

Le Department of Justice n’a pas réagi immédiatement à la décision de la juge Currie, note le média américain.

Des répercussions au-delà de deux dossiers

L’invalidation de la nomination de Lindsey Halligan ne concerne pas seulement les cas Comey et James. NBC News rappelle qu’une décision similaire, disqualifiant Alina Habba en tant que procureure des États-Unis dans le New Jersey, a plongé plusieurs dossiers pénaux dans l’incertitude, dans l’attente d’un appel.

D’autres nominations d’U.S. attorneys, contestées sur la base de la même interprétation de la limite de 120 jours et du rôle des juges fédéraux dans les prolongations, ont également été invalidées en Californie et au Nevada. Le DOJ a fait appel de ces décisions.

Pour l’heure, l’annulation des inculpations de James Comey et Letitia James constitue un revers sérieux pour l’administration Trump, qui avait fait de ces poursuites un symbole de sa volonté d’attaquer de front des personnalités accusées d’être hostiles au président. Mais le dernier mot, tant sur la validité des nominations de procureurs intérimaires que sur la possibilité de relancer certaines affaires, appartiendra aux juridictions d’appel.

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Article rédigé à partir du reportage de NBC News

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