Le Department of Homeland Security (DHS) a mis fin à une politique qui, depuis plusieurs années, permettait aux immigrés légalement autorisés à travailler de conserver leur emploi pendant le traitement de leur renouvellement d’autorisation. Cette décision, appliquée par le U.S. Citizenship and Immigration Services (USCIS), pourrait suspendre du jour au lendemain l’emploi de milliers de personnes – réfugiés, demandeurs d’asile, conjoints de titulaires de visas professionnels – et provoquer des perturbations dans plusieurs secteurs de l’économie américaine.
La mesure survient alors que l’administration du président Donald Trump revendique un durcissement sans précédent des contrôles migratoires, qu’il s’agisse de déportations, de limitation des visas ou du resserrement des procédures d’emploi. Selon le Miami Herald, qui cite des experts, l’abandon de ces prolongations automatiques ouvre la voie à une vague de licenciements par interruption d’autorisation, faute de délais de traitement suffisants pour éviter des écarts entre l’expiration et la réception du nouveau document.
Une décision administrative aux conséquences économiques immédiates
Pour Lucas Guttentag, professeur à la faculté de droit de Stanford, l’effet sera massif. « Le changement aura des effets dévastateurs sur les entreprises qui perdront des employés précieux, et sur les travailleurs qui perdront leur autorisation de soutenir eux-mêmes et leurs familles », a-t-il déclaré, selon les propos rapportés par le Miami Herald.
Jusqu’ici, les travailleurs en attente d’un renouvellement pouvaient continuer à travailler pendant une période tampon, instaurant une stabilité appréciable dans un système où les délais administratifs dépassent régulièrement six mois. En supprimant cette marge, le DHS impose une nouvelle règle : un employé dont l’EAD (Employment Authorization Document) expire et dont le renouvellement n’a pas encore été approuvé devra quitter son poste immédiatement.
Cette réalité met en difficulté des secteurs déjà marqués par des pénuries de main-d’œuvre : santé, aide à domicile, technologies, restauration ou services. Les employeurs, de leur côté, doivent désormais anticiper le risque d’une coupure soudaine de personnel.
Un changement perçu comme une stratégie de pression
Pour Victor Narro, directeur de projet au UCLA Labor Center, la portée de la mesure dépasse la seule question technique. « Ce sont des travailleurs qui ont le droit légal de travailler dans ce pays… ils ont été contrôlés, ils ont passé les vérifications d’antécédents », rappelle-t-il. Selon lui, l’administration envoie un message politique : « C’est un autre outil dans le processus de l’administration Trump pour inciter les gens à s’auto-déporter. »
Cette interprétation est largement partagée par les associations de défense des immigrés, qui considèrent que la suppression de la prolongation automatique s’ajoute à une série de mesures visant à rendre l’environnement de vie des immigrés plus incertain – même lorsqu’ils disposent d’un statut légal et d’un dossier vérifié.
Le DHS invoque la sécurité nationale et une lutte renforcée contre la fraude
Face aux critiques, l’USCIS défend un cadre plus strict de contrôle. Son directeur, Joseph Edlow, a déclaré que l’objectif est de placer « un nouvel accent sur un examen rigoureux des étrangers, en éliminant les politiques adoptées par l’ancienne administration qui privilégiaient la commodité des étrangers au détriment de la sécurité des Américains ».
L’agence affirme vouloir renforcer la détection d’intentions abusives ou frauduleuses, même si les défenseurs des travailleurs rappellent que les personnes concernées ont déjà passé plusieurs séries de vérifications au moment de l’obtention de leur premier permis de travail.
Un effet domino : travail informel, exploitation et précarisation
Pour les experts juridiques consultés par le Miami Herald, la mesure entraîne un risque supplémentaire : pousser des travailleurs légalement autorisés à basculer dans l’économie informelle pour survivre. Sans autorisation valide, beaucoup se retrouveront dans l’incapacité de conserver leur revenu, de payer leur logement ou de subvenir aux besoins de leur famille.
Les organisations communautaires avertissent que cette transition forcée exposera davantage de personnes aux abus, au travail non déclaré et, dans les cas les plus extrêmes, à des réseaux d’exploitation.
Une réforme technique… mais politiquement lourde
La suppression d’une prolongation administrative peut sembler bureaucratique, mais elle s’inscrit dans une stratégie plus large de l’administration Trump visant à réduire l’accès au travail pour les immigrés, même ceux disposant d’un statut en règle. Cette décision intervient en parallèle d’autres initiatives restrictives : renforcement des contrôles biométriques, durcissement des critères de visas professionnels et limitation des protections temporaires.
Le Miami Herald souligne que la règle pourrait toucher des dizaines de milliers de travailleurs dans les mois à venir, dans un contexte où les délais de traitement de l’USCIS dépassent largement les six mois.


