Est-ce que le président Donald Trump peut décider seul de mettre fin au TPS pour Haïti et d’autres pays ?

Emmanuel Paul

Décision de Donald Trump sur le TPS : Que doivent savoir les immigrants ?

Est-ce que Donald Trump peut mettre fin au statut de protection temporaire (TPS) pour les immigrants ? Nous recevons cette question chaque jour.
Avant même les élections présidentielles américaines, le candidat Donald Trump avait déjà annoncé qu’il mettrait fin au TPS pour les Haïtiens ainsi que pour plusieurs autres pays. Lorsque le dirigeant républicain d’extrême droite a été élu président, de nombreuses personnes ont paniqué en raison de sa position sur l’immigration. D’ailleurs, une grande partie de la campagne de M. Trump a été menée en s’attaquant aux Haïtiens aux États-Unis et à la question du TPS.

Maintenant, pour répondre à la question posée au début : la réponse la plus simple est « Non. » Mais ?
Cela peut vous étonner, car vous connaissez l’ampleur des pouvoirs d’un président américain. Comment ne pourrait-il pas mettre fin à un programme d’immigration ? Laissez-moi vous donner une petite explication sur le « Non » avant de revenir au « Mais ».

C’est le Congrès américain qui a décidé, le 5 décembre 1990, de voter la loi sur le TPS. Cette année-là, 17 pays, dont Haïti, ont bénéficié de cette décision.
La logique derrière ce vote était liée à l’instabilité politique, aux catastrophes humanitaires et à d’autres raisons qui justifiaient l’octroi du TPS à ces pays.

Voici ce qu’expliquait alors le Congrès :
« Lorsque des troubles civils, des violences ou des catastrophes naturelles éclatent dans plusieurs pays à travers le monde, cela soulève des inquiétudes quant à la capacité de certains ressortissants étrangers déjà présents aux États-Unis de retourner en toute sécurité dans leur pays. La loi sur l’immigration et la nationalité (INA) prévoit un statut de protection temporaire (TPS) et d’autres formes de protection contre l’expulsion dans certaines circonstances spécifiques. » (Congrès américain)

Le rôle du président dans l’application de la loi

Selon l’article premier, section 3 de la Constitution américaine, le président a le pouvoir d’appliquer les lois adoptées par le Congrès. Cela signifie que le président doit exécuter les lois votées par le Congrès. La Constitution lui accorde également le droit d’opposer son veto à une loi lorsqu’elle est fraîchement votée. Cependant, si une majorité absolue des deux tiers du Congrès vote en faveur de la loi, aucun veto présidentiel ne peut l’empêcher d’entrer en vigueur.

De plus, la Constitution précise qu’un président ne peut pas refuser d’appliquer une loi simplement parce qu’il ne l’apprécie pas. S’il n’est pas d’accord avec une loi, il peut faire du lobbying auprès du Congrès pour tenter de la modifier.

Le TPS et le pouvoir présidentiel

Il existe plusieurs types de lois votées par le Congrès. Certaines donnent au président le pouvoir d’agir, tandis que d’autres lui permettent de choisir de ne pas agir. La loi sur le TPS appartient à cette deuxième catégorie. Elle donne au président le droit de désigner un pays pour le TPS après une évaluation menée par plusieurs ministères, dont ceux de l’Intérieur, des Affaires étrangères et de la Défense, entre autres. C’est cette disposition que plusieurs présidents ont utilisée pour accorder le TPS à des ressortissants de plusieurs pays.

En 1990, le président George H.W. Bush a utilisé cette loi pour accorder le TPS aux Haïtiens en raison des problèmes politiques que traversait le pays à l’époque. Lorsque Bill Clinton lui a succédé en 1992, il a maintenu le TPS pour Haïti, car les problèmes qui avaient motivé cette décision étaient toujours présents. Ensuite, lorsque George W. Bush est devenu président, il a poursuivi le programme, car la situation en Haïti ne s’était pas améliorée. Lorsqu’Obama est arrivé au pouvoir, il a suivi la même ligne, notamment après le séisme dévastateur de 2010, qui s’est ajouté aux crises politiques.

Lorsque Donald Trump est devenu président en 2017, il a rapidement décidé de mettre fin au TPS pour Haïti. Toutefois, un juge fédéral a suspendu sa décision temporairement afin d’analyser sa validité juridique. Il est important de noter que le mandat de Trump s’est achevé avant que cette suspension temporaire ne soit levée, et le dossier était toujours en cours devant la justice.

En 2021, après avoir remporté les élections, le président Joe Biden a immédiatement rétabli le TPS pour les Haïtiens présents aux États-Unis et a abandonné la procédure judiciaire en cours. La dernière prolongation du TPS a eu lieu en 2024, lorsque le président Biden a redésigné Haïti pour le programme. Cette décision a permis à plus de 320 000 Haïtiens, dont ceux ayant bénéficié du programme d’accueil humanitaire, d’obtenir une protection temporaire. Cela signifie qu’actuellement, environ 600 000 Haïtiens disposent du TPS.

En 2024, Donald Trump a été réélu. Dès son retour à la Maison-Blanche, il a intensifié sa politique répressive contre les Haïtiens. Cette fois, il a décidé de réduire de six mois la durée du TPS accordé par Biden, tout en préparant son annulation complète. Mais n’oubliez pas ce que je vous ai dit : la loi stipule qu’une loi votée par le Congrès ne peut être abrogée que par une autre loi.

Maintenant que j’ai expliqué le « Non », passons à l’explication du « Mais ».

L’explication du « Mais » comporte deux parties :

  1. Si Donald Trump veut supprimer le TPS, il devrait d’abord obtenir un vote à la Chambre des représentants pour abroger la loi, suivi d’une approbation du Sénat. À la Chambre des représentants, une majorité simple suffit pour adopter la mesure. Bien que cela soit difficile, ce n’est pas impossible, car les républicains y sont majoritaires. Cependant, au Sénat, même si les républicains sont également majoritaires, les règles internes et la Constitution exigent une majorité absolue pour ce type de loi. Or, les républicains ne comptent que 53 sénateurs et auraient besoin du soutien de 14 démocrates pour atteindre la majorité requise, ce qui est quasiment impossible.Il existe cependant une procédure appelée « réconciliation », qui permettrait de contourner cette exigence et de voter avec une simple majorité. Toutefois, cette procédure doit être approuvée par le « Parlementarian », un expert en droit parlementaire nommé par les deux parties au sénat. Nous n’allons pas trop nous attarder sur cette fonction.
  2. Le deuxième moyen dont disposerait Trump pour supprimer le TPS serait de passer par la Cour suprême, qui pourrait juger que cette loi est contraire à la Constitution. Ce scénario n’est pas impossible, car la Cour suprême est actuellement dominée par des juges conservateurs nommés par des présidents républicains, bien qu’ils ne se déclarent officiellement ni républicains ni démocrates.L’expérience montre que cette Cour suprême pourrait prendre une telle décision. Cependant, le processus prendrait beaucoup de temps, et il est possible que Trump ne soit plus président lorsque la décision finale serait rendue.

Que doivent faire les détenteurs du TPS ?

Sur la base des décisions passées concernant le TPS en 2017, je pense – et ce n’est que mon opinion – qu’un juge pourrait une nouvelle fois suspendre la décision de l’administration Trump d’annuler le TPS, en attendant une décision définitive. Cela signifie que ceux qui bénéficient du TPS devront patienter, dans l’espoir que la justice tranche en leur faveur ou que l’affaire reste en suspens jusqu’à ce qu’un autre président, moins hostile aux Haïtiens, remplace Trump à la Maison-Blanche.

Le processus sera long, mais c’est l’option la moins pénible pour les immigrants comme vous, comme moi, et comme tant d’autres qui dépendent du TPS.

Mon conseil pour vous, votre famille et/ou vos amis bénéficiaires du TPS est de garder votre calme. Ne cédez pas à la panique et ne partez pas précipitamment vers le Canada, car la situation là-bas n’est plus la même qu’en 2017. C’est exactement ce que l’administration Trump attend de vous : qu’en paniquant, vous quittiez les États-Unis, ce qui lui permettrait de prétendre qu’il a expulsé un grand nombre de personnes, comme il l’avait promis. Il faut absolument éviter de fuir la pluie et tomber dans la rivière. Ne prenez pas de décisions précipitées, mais restez toujours vigilants.

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