En Haïti, des enfants chassés par la guerre des gangs et oubliés de l’aide internationale prévient l’UNICEF

Mederson Alcindor

Le nombre d’enfants contraints de fuir leur foyer à cause de la violence armée en Haïti a presque doublé en un an, atteignant 680 000, selon un rapport publié mercredi par le Fonds des Nations unies pour l’enfance (UNICEF). L’organisation met en garde contre une crise sans précédent, où des milliers de mineurs vivent dans la peur, la faim et le dénuement.

Une enfance brisée par la violence

Depuis plus de trois ans, la montée des affrontements entre groupes armés a plongé le pays dans une spirale de violence. Selon l’UNICEF, plus de 1,3 million de personnes ont été déplacées à travers le territoire, la plupart ayant perdu maison et moyens de subsistance. Dans plusieurs quartiers de Port-au-Prince, des familles vivent dans des abris précaires ou des écoles transformées en centres d’accueil improvisés.

Le rapport indique que le nombre de sites de déplacement est passé à 246 au premier semestre 2025. De nombreuses familles ont été contraintes de fuir à plusieurs reprises, à mesure que la violence se propageait d’un quartier à l’autre.

« En Haïti, les enfants subissent des violences et des déplacements d’une ampleur terrifiante », a déclaré Catherine Russell, directrice générale de l’UNICEF. « Chaque fois qu’ils sont forcés de partir, ils perdent leur foyer, leur école et la possibilité de vivre une enfance normale. »

L’éducation et la santé en péril

La situation a de lourdes conséquences sur le système éducatif. Plus d’un millier d’écoles ont dû fermer cette année à cause de l’insécurité, privant près de 500 000 enfants de leur droit à l’éducation. L’an dernier, 1 600 établissements avaient déjà cessé leurs activités et 25 avaient été occupés par des groupes armés.

Par ailleurs, 84 écoles servent actuellement d’abris pour les déplacés, perturbant la scolarité de milliers d’élèves. Dans certaines zones, des enfants de 10 ans à peine sont utilisés par des groupes armés pour transporter des armes, surveiller les rues ou servir de boucliers humains. Les filles sont particulièrement exposées aux violences sexuelles et à l’exploitation.

Sur le plan alimentaire, la situation est tout aussi alarmante : 5,7 millions d’Haïtiens, dont plus d’un million d’enfants, font face à une faim aiguë. L’UNICEF estime que 288 000 enfants de moins de cinq ans souffriront de malnutrition sévère cette année.

Des zones entières coupées de l’aide

Près de 1,6 million de femmes et d’enfants vivent aujourd’hui dans des zones contrôlées par des groupes armés, où l’accès humanitaire est extrêmement limité. Les travailleurs de terrain peinent à atteindre les communautés isolées, tandis que de nombreuses familles ne peuvent plus se rendre dans les cliniques, les points de distribution de nourriture ou les écoles.

Malgré ces obstacles, l’UNICEF et ses partenaires poursuivent leurs efforts. Depuis le début de l’année, 86 000 enfants souffrant de malnutrition ont été pris en charge, 117 000 personnes ont bénéficié de soins de santé et 140 000 ont eu accès à de l’eau potable. En outre, 178 enfants enrôlés dans des groupes armés ont été démobilisés et réintégrés dans leurs communautés depuis 2024.

Un appel à la solidarité internationale

L’agence onusienne déplore que son appel humanitaire pour Haïti ne soit financé qu’à 13 %, limitant la portée de ses interventions. Elle exhorte la communauté internationale à renforcer son soutien afin d’éviter que la crise ne condamne toute une génération.

« Sans action décisive, l’avenir de millions d’enfants est en jeu », souligne le rapport.

Alors que la violence continue de déchirer le pays, les enfants haïtiens demeurent les premières victimes d’une crise qui prive des milliers d’entre eux de sécurité, d’éducation et d’espoir.

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